Transparence dans la gestion publique et Code des marchés publics : Lettre ouverte à monsieur le président de la République
Les Sénégalais vous ont élu le 26 mars 2012 dans leur soif de changement profond de la conduite des affaires de l’Etat. Non seulement, ils s’étaient approprié vos concepts de «Rupture, Gouvernance vertueuse et la Patrie avant le Parti», mais ils en avaient été les sentinelles, certains y ayant
laissé leur vie.
Monsieur le Président de la République, faut il donner raison à un éminent politologue de notre pays qui disait (à juste titre ?) «Parler de la rupture, ce n’est pas la rupture».
Nous sommes tentés de répondre par l’affirmative au regard de certains actes posés depuis votre accession à la Magistrature suprême et dont l’un des plus retentissants est votre réquisitoire sur le Code des marchés publics, lors de la remise du rapport du Conseil économique, social et environnemental, le mercredi 24 septembre 2014 au palais de la République. Pire encore, ce réquisitoire n’était qu’un acte préparatoire à une modification substantielle du code, intervenue finalement avec le décret n°2014-1212 du 22 septembre 2014 abrogeant le décret n°2011-1048 du 27 juillet 2011 portant Code des marchés publics.
Monsieur le Président de la République, vous disiez à cette cérémonie, entre autres, ce qui suit :
1) «Il nous faut un code pour la commande publique, mais ce code ne doit pas être un obstacle à la réalisation de nos projets.»
2) «Les projets sont là, mais à cause du code des marchés et des procédures, on ne peut rien faire.»
3) «Les perdants saisissent à chaque fois la justice, certains perdants vont même jusqu’à la Cour suprême, ce qui ralentit le travail.»
Et pour illustrer votre propos, vous avez cité notamment le projet avorté d’électrification rurale sur financement du gouvernement indien d’un montant de 4 milliards de francs Cfa.
A vous entendre, «la messe est dite» car de ce fait, c’est la Transparence, la Gouvernance vertueuse et même la saisine de la Cour suprême pour dire le Droit, qui doivent ainsi être enterrées.
Monsieur le président de la République, dans un souci de vérité pour le cas du projet indien cité plus haut, il convient d’indiquer que la faillite est plutôt à chercher dans la gestion très peu «vertueuse» de l’opérateur sénégalais qui en avait la responsabilité, lequel avait fini de perdre la confiance du bailleur. Il faut dire que, avec la complicité de l’Etat, il n’en était pas à son coup d’essai, en référence aux affaires des tracteurs brésiliens, des engrais et de l’édification du siège de l’Artp… D’ailleurs, les publications de la semaine dernière nous apprennent que vous venez de court-circuiter l’Ige sur une autre de ses affaires (celle dite des phosphates de Matam) dans laquelle votre régime, en 2012, l’accusait d’avoir empoché 8 milliards de francs du temps de Wade sans avoir exécuté les travaux.
Monsieur le Président de la République, notre pays a connu des soubresauts politiques dans les années 80 et 90 surtout à la suite de joutes électorales qui auraient pu l’entraîner dans des lendemains incertains, voire périlleux et partant, annihiler tous nos efforts de développement.
A cet égard, il importe de saluer ici le courage et le sens élevé de la responsabilité de notre Peuple qui s’est battu sans discontinuer pour la mise en place d’un Code électoral consensuel créé par la loi 92-16 du 07 février 1992, lequel -il convient de le rappeler également- vous a permis d’accéder au pouvoir.
La transparence désormais obtenue par l’avènement de ce nouveau code avait fait dire au moment de son adoption, à feu le juge Kéba Mbaye dans un élan d’espoir, «Nous avons le meilleur Code électoral du monde».
Cet acte consensuel avait permis d’annihiler toutes velléités de contestations ou de recours après les élections. Ce qui consacra l’exception sénégalaise en Afrique à la face du monde.
En effet, il était devenu clair que la volonté populaire ne pouvait plus être confisquée et les résultats ou les grandes tendances pouvaient être connus de tous les citoyens le jour même des élections sans contestations.
C’est dans le même esprit que nous pensons légitime la saisine de la Cour suprême pour la transparence dans la gestion de la commande publique.
Par ailleurs, l’urgence, tout à fait compréhensible, que représentent pour vous les prochaines échéances électorales en termes de bilan et de réalisations visibles, peut-elle l’emporter sur les principes cardinaux que sont la transparence dans la dépense publique et la qualité des travaux, biens et services livrés à l’Etat ?
La démarche consistant à passer par entente directe, même si elle est légale, n’est pas morale car ouvrant la porte à la subjectivité à la place de l’objectivité économique, seul gage de transparence et de respect de la concurrence pure et parfaite entre les différents acteurs économiques.
Le tollé général et les suspicions légitimes que soulève votre propension à passer par la méthode de l’entente directe (28,9 milliards depuis le début de l’année 2014) en sont une parfaite illustration.
Respecter les dispositions du Code des marchés garantit donc à l’Etat, la sauvegarde de son patrimoine, évite le gaspillage des ressources du Trésor publique et protège les entreprises en leur assurant un paiement sûr et non incertain.
En effet, nous avons suivi, à votre avènement à la magistrature suprême, les interpellations que beaucoup d’entreprises de la place avaient formulées en votre endroit pour le règlement des commandes faites par votre prédécesseur et portant sur les véhicules.
Ces commandes, pour rappel, avaient été faites en dehors des conditions prévues par le Code des marchés. Le non-règlement de ces dettes et la situation de précarité qu’elle a occasionnée à l’endroit des entreprises concernées, prouvent si besoin en était que ni les fournisseurs ni l’Etat n’ont intérêt à ce que de telles pratiques dépassent le cadre de l’exception, pour devenir la règle.
C’est sous ce rapport que nous condamnons fermement le dernier «tripatouillage» du Code des marchés publics, sans concertation avec tous les acteurs que sont l’Etat, le secteur privé et la Société civile. Ce code, dont l’une des particularités réside dans l’exclusion de la procédure classique de passation, des marchés portant sur les insertions publicitaires, la restauration et l’hébergement des participants aux grands sommets… porte déjà tous les germes de l’opacité et de la gabegie des ressources publiques.
Gageons dès à présent que l’organisation du sommet de la Francophonie à venir nous révèlera des scandales à profusion de ce genre.
Monsieur le Président de la République, Montesquieu disait : «La République est une notion fondée sur la vertu.» Vous avez théorisé le concept de gouvernance vertueuse. Nous vous conseillons humblement de vous y tenir, car le peuple ne dort plus.
Ousmane SONKO
Président de PA.S.T.E.F. – Les Patriotes
Ouest Foire Cité Alia Diène, route de l’Aéroport L.S.S.
senegalpatriotes@gmail.com /
Facebook:
www.facebook.com/pasteflespatrites