Tournée politique : Idy veut battre Macky sur son propre terrain
Idrissa Seck ne s’y trompe plus. Pour diriger le Sénégal, il faut connaître le pays. Il faut se faire connaître des populations. Aussi, entame-t-il une tournée politique. Un périple qui l’a mené à Matam, Bakel et maintenant à Kidira où il se trouve présentement. Périple qu’il va continue jusqu’au 16 mai prochain, pour revenir participer au Magal du Kazu Rajab.
Cette démarche d’Idrissa Seck ressemble à bien des égards à celle d’un certain Macky Sall. Le patron de l’Alliance pour la République (Apr) doit son accession à la magistrature suprême à cette démarche. Depuis sa défenestration de l’Assemblée nationale en décembre 2008, Macky Sall a tourné le dos à son «père» et à ses anciens «frères» libéraux. Il a ainsi créé son parti, l’Apr, et a commencé à aller à la rencontre des populations. Pendant trois ans, il a sillonné village après village, patelin après patelin, jusqu’aux endroits les plus reculés du pays. Sans fléchir, sans oublier de se démarquer parfois du anti-wadisme primaire du microcosme dakarois.
En vue de la Présidentielle, il a scellé des alliances et a été investi par la coalition «Macky 2012». Au lieu de nommer un directeur de campagne, objet souvent de jalousies et/ou de critiques, il met en place un directoire sans directeur pour fédérer tout le monde. Tous les leaders sont envoyés dans leurs localités pour battre campagne et attendre la caravane du candidat pour l’accueillir. Une démarche qui a été acceptée et respectée à la lettre.
Le pari de l’intérieur du pays
Lorsque la campagne électorale a débuté le 4 février 2012, Macky a pris le pari d’aller à l’intérieur du pays. Il est juste resté trois jours à Dakar pour respecter le mot d’ordre du Mouvement des forces vives de la nation (M23), avant de s’échapper du surplace dakarois des autres candidats du M23 comme Idrissa Seck ou Cheikh Bamba Dièye. Malgré son «ancrage dans le M23» comme il aime à le rappeler, au 4e jour de la campagne électorale, Macky Sall est sorti de Dakar pour n’y revenir que le jour de la clôture, le 24 février 2012, avec un méga-meeting au stade Alassane Djigo de Pikine. Il a ainsi parcouru plus de 115 localités et a tenu 52 meetings au total. Des meetings tenus jusqu’à des heures tardives. Partout où il est passé, il a drainé du monde. Dans toutes les localités. Il avait noyé Souleymane Ndéné Ndiaye, Directeur de campagne et Premier ministre d’Abdoulaye Wade, dans son fief de Guinguinéo, le jour de la visite de Wade dans cette localité. A Tambacounda, «fief» de Khouraïchi Thiam, il avait réussi une mobilisation exceptionnelle. Chez Abdoulaye Baldé à Ziguinchor, il avait été assailli par une multitude de personnes acquises à sa cause, l’obligeant à y passer une nuit supplémentaire. A Kédougou, localité où le ministre de la Communication, Porte-parole du Gouvernement, Moustapha Guirassy, était maire, il avait rallié les populations à sa cause, enrôlant au passage deux anciens ministres de Wade, Mamadou Sidibé et Mamadou Makalou qui ont quitté la barque libérale pour déposer leurs baluchons à l’Alliance pour la République (Apr). Même à Thiès, Macky Sall avait titillé Idrissa Seck dans son fief. Il avait osé affronter la Promenade des Thiessois assez hostiles et difficile à remplir. A Mbacké, la forte affluence qu’il avait drainée sur son passage aurait pu virer au drame si sa sécurité n’avait pas pris les devants pour l’exfiltrer, avant de le faire revenir au moment où certaines populations sont rentrées, croyant qu’il est parti. Beaucoup de cas de syncopes ont été dénombrés. Au Fouta où son père (Amadou Abdoul Sall) est originaire, il avait fait une razzia, poussant un Wade désespéré à l’accuser de jouer la carte de l’ethnicité pour espérer gagner la Présidentielle de 2012.
Macky Sall avait couplé son marathon électoral, avec une série de visites de courtoisie, surtout dans les foyers religieux et coutumiers. Partout où il était passé, il avait sollicité et obtenu des prières. Du Khalife général des mourides au Khalife des layènes, en passant par le guide des Khadres, de Léona niassène, de Taïf, de Darou Mousty, l’Evêque de Ziguinchor ou le Roi d’Oussouye…, il avait été partout reçu avec les honneurs par ces guides. La jamaatou Ibadou Rahmane, elle, était allée plus loin en acceptant de s’investir pour son élection à la Présidentielle de 2012. Toutes choses qui font qu’à la fin de la campagne du premier tour, il avait musclé son discours, convaincu qu’il remportera l’élection.
«Que Wade maintienne ou pas sa candidature, cela ne nous empêchera pas d’aller à l’élection présidentielle. Nous ne faisons pas partie de ceux qui ne veulent pas aller à l’élection pour des raisons qui leur sont propres», avait répété à plusieurs reprises le candidat de la coalition «Macky 2012». Avant de soutenir que le 26 février (date du premier tour de la présidentielle de 2012), si la Présidentielle est reportée, il ne reconnaîtra plus Abdoulaye Wade comme chef de l’Etat et peut même aller jusqu’à l’installation d’un gouvernement parallèle.
Une victoire logique
A l’issue du scrutin du premier tour, Macky Sall est sorti 2e après Abdoulaye Wade, avec 26% des suffrages, contre 34% pour Wade. Il coiffe au poteau Idrissa Seck, Moustapha Niasse et Ousmane Tanor Dieng, ses challengers les plus coriaces de l’opposition. Un deuxième tour est alors inévitable.
Macky Sall prend son bâton de pèlerin et part à la pêche aux voix. Il ne cherche pas loin. Il veut puiser dans le grenier de l’opposition. Aussi va-t-il à la rencontre d’Amadou Makhtar Mbow pour demander le soutien du peuple des Assises nationales. Il est ensuite parti à la rencontre de Moustapha Niasse, son suivant direct. Tous les autres candidats recevront sa visite. Et tous lui accordent leur soutien, ainsi que certains leaders de mouvements citoyens, comme Youssou Ndour de «Fékkée Ma Ci Boolé», Bara Tall de «Yamalé» et Mansour Sy «Djamil» de «Bess du gnak». Une razzia qui laissera son adversaire, Wade, sans (réserve de) voix.
Le mercredi 7 mars 2012, le Conseil constitutionnel confirme le deuxième tour. Le lendemain, Macky Sall rencontre les sportifs pour leur exposer son programme, avant de démarrer effectivement sa campagne pour le second tour. Comme il l’avait fait au premier tour, il rend visite au Khalife général des mourides, Serigne Sidy Makhtar Mbacké (cette fois-ci à Tawfekh), au Khalife de Darou Mousty, au guide de Taïf et au fils aîné de Serigne Saliou Mbacké à Khelcom.
Le samedi 10 mars 2012, toute l’opposition fait bloc autour de Macky Sall et créé la coalition «Bennoo Bokk Yaakaar». La campagne électorale qu’il va mener ensuite au second tour, ce sera avec tous les leaders de l’opposition. Aminata Mbengue Ndiaye le reçoit à Louga, Cheikh Bamba Dièye à Saint-Louis, Aminata Tall à Diourbel, Ousmane Tanor Dieng à Mbour, Moustapha Niasse à Kaolack et Idrissa Seck à Thiès. En tant que maire de Fatick, il reçoit l’opposition dans sa localité.
Les attaques dont sont cortège a fait l’objet à Saint-Louis, Kébémer, Wack Ngouna, Thiaroye, Golf, Guédiawaye et Pikine Médina Gounass n’ont fait qu’augmenter sa cote de popularité. Surfant un sens très politique de la victimisation qui fait souvent mouche. Diluant son manque de charisme dans son entregent et un savoir-faire politicien souvent sous-estimé. Occultant savamment son “cynisme” politique dans son discours de velours.
Au finish, Macky Sall va battre Abdoulaye Wade, largement. Dans pratiquement toutes les régions et les pays de l’étranger. Une victoire éclatante, conçue avec un tact insoupçonné, un flair confondant et un investissement sagace. Parce que tout simplement, il avait pris le pari d’aller à la rencontre du peuple, lorsque ses adversaires se regroupaient à la place de l’Obélisque pour mener une bataille perdue d’avance.
Macky l’a bien compris et ne compte, pour rien, bouder de peuple qui l’a porté au pinacle. D’où ses conseils des ministres décentralisés que ses adversaires ont vite fait de considérer comme une campagne électorale déguisée.
Idrissa Seck, qui pensait qu’il sera le 4e président du Sénégal, d’où son slogan “Idy4président”, l’a compris trop tard. Il a retenu la leçon.