Repenser notre système pour l’après #COVID19! (Par Abdou Khadre LÖ)

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La tribune du Président rwandais, Paul Kagamé, (sur la nécessité pour les Africains de frapper leur monnaie pour sortir de l’endettement) est intéressante à lire. Il l’a intitulée “We must stop borrowing and start printing money for Africa’s development”.

Elle touche du doigt plusieurs réalités dont beaucoup d’autres dirigeants africains refusent ou évitent de parler: détournements des fonds par leurs agents et familles, la surfacturation, les dessous de table et les rétro-commissions.

Mais au-delà, elle propose surtout une réflexion axée sur l’action face à la dette extérieure des pays africains.

Kagamé ne se contente pas de demander l’annulation de la dette. Il propose une alternative :

1- Que les créditeurs, s’ils doivent nous prêter, le fassent avec nos monnaies locales et que nous les remboursions en monnaies locales aussi.

Je suis totalement en phase avec lui parce qu’on ne peut créer des actifs à long terme avec la monnaie d’autrui. C’est un principe élémentaire.

2- Que nos Etats impriment leur propre monnaie pour financer les investissements au lieu de compter sur les emprunts et les devises étrangères.

La limite de ce 2ème postulat de Kagamé est que même le Japon et les USA sont endettés. Donc imprimer sa propre monnaie ne règle pas le problème de l’endettement. Dette et investissement vont de pair. Servant d’intermédiaire entre l’offre et la demande de l’économie, la finance fonctionne sur la base de 4 piliers: la monnaie, les investissements, le crédit (l’endettement) et la gestion de risques.

Ce que la tribune de Kagamé n’aborde pas, c’est surtout le problème de confiance qui se pose entre nos États et les créditeurs et investisseurs. Même si ces derniers prétendent nous prêter à des taux très faibles, ils peuvent toujours se rattraper sur les montants et les taux de change. Ils s’assurent de rentrer dans leurs fonds dans tous les cas de figure.

Pour changer la donne, il faudrait que nos Etats choisissent des politiques monétaires et des politiques publiques fortes avec une valeur ajoutée locale et la création de suffisamment d’actifs locaux qui peuvent servir de garanties aux investissements. Cela signifie avoir des politiques publiques favorisant le capital humain (ressources humaines de qualité) + de la stabilité (risques politiques très faibles) + du statecraft (capacité de peser sur les décisions internationales).

Le Président Macky Sall, avec d’autres de ses pairs, a appelé à l’annulation de la dette, le Président Paul Kagamé insiste sur la nécessité de s’affranchir de la perfusion internationale en se concentrant sur nous et nos ressources internes.

Il me semble que quelle que soit l’approche, la crise du Covid-19 peut être un tournant pour les pays africains. Ils doivent la saisir comme les pays asiatiques ont appris de la crise de 1997.

Le Bhat (monnaie thailandaise) avait une parité fixe avec le dollar. Ensuite la Thailande a eu de plus en plus de difficultés à défendre cette parité dans les marchés car elle avait de moins en moins de réserves de change. Les investisseurs, avec des positions short on poussé la Thailande à faire flotter sa monnaie, et donc la dévaluer. Elle s’est retrouvée avec une inflation et une dette extérieure non conformes à son PIB.

Il s’en est suivi un effet de contagion dans les marchés de change et un impact sur toutes les monnaies de la région. Ces pays avaient en commun d’emprunter en dollars US (avec un taux supérieur à 60%) ou à travers des régimes de change à parité fixe (comme le franc CFA). Après cette crise, les pays asiatiques se sont ressaisis et ont changé la donne. Le Covid-19 peut et doit être un tournant pour nous autres Africains.

Maintenant la tribune de Kagamé aurait autrement eu plus de poids/impact si elle avait été écrite ou même co-signée par Ramaphosa (Afrique du Sud) Buhari (Nigeria), Al Sissi (Égypte) ou Mouhamed VI (Maroc) parce qu’en définitive, ce sont les chiffres et le poids qui parlent et qui font que les autres prêtent attention ou pas à un discours.

Le Rwanda a beau être un exemple de gestion rigoureuse et de bonne gouvernance publique, de progrès technologique, de capacitation des femmes, etc., ça reste un petit pays en Afrique.

Je crois que c’est d’ailleurs la raison pour laquelle Kagamé appelle à un sursaut africain et non individuel parce qu’il est conscient que c’est là où réside la clé. L’Afrique est depuis les indépendances dans le cercle vicieux de l’emprunt et de “l’annulation” de la dette de temps en temps. Nous serons tous d’accord qu’il nous faut à présent trouver des solutions durables pour s’en sortir. Il y va de notre dignité.

Ma conviction et celle de beaucoup d’autres Africains est que la crise du Covid-19 peut finalement être une belle opportunité pour l’Afrique de se repenser et se réinventer.

Abdou Khadre Lô, 

Directeur Afrique de Access Partnership

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