RD Congo : les sièges de plusieurs partis d’opposition incendiés après une journée de violences
Les sièges de partis d’opposition, dont celui de l’UDPS de l’opposant historique Étienne Tshisekedi, ont été incendiés au lendemain des violences politiques meurtrières survenues lors de rassemblements anti-Kabila.
La République démocratique du Congo (RDC) renoue avec ses vieux démons. Lundi 19 septembre, des heurts meurtriers sont survenus à Kinshasa, où l’opposition avait appelé à manifester pour exiger du président Joseph Kabila qu’il quitte le pouvoir à l’issue de son mandat, le 20 décembre, et convoque l’élection présidentielle dans les temps. Selon la Constitution, mardi 20 septembre est la date limite pour convier les électeurs aux urnes.
Dans la nuit de lundi à mardi, plusieurs partis d’opposition et leur siège dans la capitale étaient en proie aux flammes, dont celui de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le premier parti d’opposition à l’Assemblée nationale congolaise. « Il y avait ce matin une importante présence policière sur place. Les quelques regroupements ont été éparpillés et le calme semble être revenu », rapporte Thomas Nicolon, correspondant de France 24 à Kinshasa.
Bidons d’essence
Aux locaux de l’UDPS se trouvent au moins deux corps calcinés et quatre blessés graves, a pu constater Thomas Nicolon. Dans l’enceinte du bâtiment, des bidons d’essence renversés témoignaient du caractère criminel de l’incendie, rapporte également l’AFP.
Au siège des Forces novatrices pour l’union et la solidarité (Fonus), autre parti d’opposition, un militant commis à la garde des lieux a affirmé à l’AFP que le feu avait été allumé aux bâtiments préalablement aspergés d’essence par des hommes armés, en tenue civile, arrivés en jeep à 4 h du matin (heure locale).
Les bilans humains des échauffourées de la veille varient selon les sources : 17 morts pour le pouvoir contre plus de 50 pour le « Rassemblement » de l’opposition. L’un et l’autre se renvoient la responsabilité des violences, comme en janvier 2015, lorsque des émeutes ont totalement échappé au contrôle des deux camps après la répression violente de manifestation anti-Kabila dans la capitale. On avait alors dénombré plusieurs dizaines de personnes tuées en trois jours.
« La ville de Kinshasa vient de faire face à un mouvement insurrectionnel qui s’est soldé par un échec », a affirmé à la presse le ministre de l’Intérieur, Évariste Boshab. Le « bilan provisoire » est de « 17 morts » : « trois policiers et 14 civils parmi les pillards », a-t-il ajouté. Le « Rassemblement » déplore pour sa part « plus de 50 morts » victimes des « balles […] de la police et de la garde républicaine ».
Responsabilité
Dénonçant une « dérive totalitaire du régime », la coalition d’opposition a appelé « toute la population à se rassembler » dès mardi « pour poursuivre sans désemparer les revendications » jusqu’au « départ définitif de Joseph Kabila de la tête de la RD Congo ».
« L’ordre sera respecté et les honnêtes citoyens seront protégés », a rétorqué le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, à la télévision publique. Plus tôt, ce dernier avait accusé l’UDPS d’avoir été à l’origine de la violence.
Bruno Tshibala, porte-parole de l’UDPS, le parti du vieil opposant Étienne Tshisekedi autour de qui s’est constitué le « Rassemblement », a accusé de son côté les forces de l’ordre d’avoir tout fait pour que les choses dégénèrent, en empêchant violemment les manifestants de converger vers le point de rassemblement puis en ouvrant le feu sur le cortège.
« Dès que nous avons effectué le premier pas de la marche, nous avons enregistré les premiers tirs [sur le défilé] et nous avons commencé à ramasser des morts », a déclaré Bruno Tshibala à l’AFP.
Des journalistes interpellés puis relâchés
Les violences se sont poursuivies jusqu’en début d’après-midi. Elles ont été émaillées de pillages dans certains quartiers du sud de la capitale. Des incendies criminels ont également visé des bâtiments publics et des permanences de partis de la majorité.
Très véhéments, des groupes de quelques dizaines à plusieurs centaines de jeunes ont affronté les forces de l’ordre sur le trajet prévu de la marche, à coup de pierres, en criant des slogans en français ou en lingala comme « Kabila akende ! » (« Kabila dégage ! »).
Un journaliste de l’AFP a vu la police anti-émeutes tirer à balles réelles sur les manifestants aux abords du Parlement. Sonia Rolley, journaliste à RFI, et un photogrpahe de l’AFP qui couvraient tous deux les événements ont été interpellés à la mi-journée par la police militaire. Frappés à plusieurs reprises, ils ont fini par être relâchés en fin d’après-midi. Auparavant, le photographe de l’AFP s’était fait confisquer les cartes mémoires de ses appareils par des policiers.
France24
Inquiétudes à l’étranger
Arrivé au pouvoir en 2001, Joseph Kabila est âgé de 45 ans. La Constitution congolaise lui interdit de se représenter pour un troisième mandat, mais il ne donne aucun signe de vouloir quitter le pouvoir. Alors que la présidentielle apparaît impossible à tenir dans les temps, le « Rassemblement » refuse le « dialogue national » en cours à Kinshasa entre la majorité et une partie de l’opposition.
Inquiets que la RDC, immense pays au cœur de l’Afrique, puisse retomber dans le chaos qu’elle a connu lors des deux guerres l’ayant dévastée entre 1996 et 2003, plusieurs pays étrangers ont multiplié les mises en garde.
Le ministre français des Affaires étrangères français, Jean-Marc Ayrault, a jugé la situation « très dangereuse et extrêmement préoccupante ». « Ce qui compte c’est la date des élections », a-t-il déclaré, « si elles sont reportées sans cesse, cela veut dire que Kabila a l’intention de rester au pouvoir », et « c’est une situation qui n’est pas acceptable ».
Son homologue belge, Didier Reynders, a appelé à « la retenue » et incité « tous les acteurs politiques en RDC à œuvrer de manière pacifique pour l’organisation d’élections à brève échéance ». Le département d’État américain a exprimé une inquiétude et des recommandations similaires. Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a « exhorté » toutes les parties « à s’abstenir de tout autre acte de violence susceptible d’aggraver la situation ».
Avec AFP