RAPPORT D’AUDIT DU GOUVERNEMENT DE TRANSITION AU BURKINA FASO : «Ali» Zida et les 40 voleurs
Isaac Zida, le Premier ministre de la transition burkinabé, et ses hommes ont pillé le pays. En fait, ils ont plus géré leurs poches que la transition.
En demandant un «audit de la transition» au Burkina Faso à la suite de la fin de son mandat, Isaac Zida, l’ancien Premier ministre, ne savait sans doute pas que les auditeurs allaient révéler l’existence d’un génocide financier dont il est l’auteur principal. Le rapport de l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et lutte contre la corruption obtenu par Libération révèle un pillage systématique des ressources alors que le Burkina Faso traversait des zones de turbulence.
En effet, l’audit de la Transition a été demandé par le Premier ministre Isaac Zida, à la fin de son mandat par lettre n° 015- 2590/PM/CAB du 28 décembre 2015. Cette demande a été réitérée par les nouvelles autorités par lettre n°016- 0002/PM/SG du 12 janvier 2016 du Premier Ministre Paul Kaba Thieba. Les audits/investigations ont été réalisés conformément aux manuels de procédure de contrôles/audits et ont mobilisé 120 auditeurs répartis en vingt-huit (28) équipes d’auditeurs et se sont déroulés du 27 janvier au 31 mars 2016.
Conformément aux textes en vigueur, les responsables des structures contrôlées ou les personnes concernées par lesdits audits ont bénéficié d’un délai de trente jours pour faire connaître leurs observations sur les conclusions de rapports provisoires qui leur avaient été transmis.
72,5 milliards de F Cfa en contrats douteux
Selon le rapport définitif consulté par nos soins, sur 1 238 commandes publiques d’un montant de 114 084 348 349 F CFA, le recours aux procédures exceptionnelles (entente directe et appels d’offres restreints) concerne 348 contrats pour un montant de 72 564 270 947 F CFA. Ce montant comprend 9 430 356 701 F CFA de carburant dont l’acquisition par entente directe est autorisée par les textes (article 71 nouveau : du décret 123 – 2012 du 02 mars 2012). Il en résulte que le montant réel de la commande publique par les procédures exceptionnelles est de 63 133 914 246 F CFA, soit 55,33% du montant total des commandes publiques passées pendant la période de la Transition. «Ce taux, très au-delà de la norme au niveau de l’Uemoa (15%), traduit un recours abusif aux procédures exceptionnelles», selon les auditeurs.
Nébuleuse autour de 60,1 milliards
Pour eux, le montant total des irrégularités recensées dans les trois domaines de vérification est de 60 175 780 669 F CFA. Ces irrégularités concernent la planification de la commande publique (13 992 756 422 F CFA), la passation (40 122 552 572 F CFA) et l’exécution financière (6 060 471 675 F CFA). Pire, pour la passation de la commande publique, sur un montant de 114 084 348 349 F CFA de commande publique, environ 40% du montant des attributions n’ont pas respecté la procédure, notamment le non-respect des principes de la mise en concurrence, l’absence de lettre d’autorisation de la procédure de gré à gré par le ministre de l’Economie et des Finances, le non-enregistrement du contrat au niveau des Impôts…
6 milliards de F Cfa en dépenses fictives ?
Pour l’exécution financière de la commande publique, des paiements d’un montant de l’ordre de 6 060 471 675 F CFA n’ont pas abouti au moment du contrôle, mais seraient en cours d’exécution dans le circuit de la dépense. Les résultats du contrôle des comptes de dépôts sont pires. En effet, au regard du décret n°98- 129/PRES/PM/MEF du 13 octobre 1998, «les comptes de dépôt de fonds au Trésor sont constitués des comptes de dépôt ouverts des correspondants du Trésor.
Les correspondants du Trésor sont des personnes morales ou physiques et les organismes qui, en application des lois et règlements ou en vertu des conventions déposent, à titre obligatoire ou facultatif, des fonds au Trésor ou sont autorisés à effectuer des opérations de recettes ou de dépenses par l’intermédiaire des comptables du Trésor.»
Dans le cadre de la préparation de la mission d’audit, la Direction générale du Trésor et de comptabilité publique du Burkina (DGTCP) a fourni la liste exhaustive des comptes de dépôt des ministères, institutions et structures rattachées. Au total, 1240 comptes de dépôt ont été recensés. Il en découle que l’utilisation des comptes de dépôt dans le cadre de l’exécution des dépenses a tendance à se substituer à la procédure normale en la matière.
Zida dans un trou de 1,7 milliard
Sur 192 198 051 402 F CFA de dépenses contrôlées, 5 375 091 143 F CFA sont des dépenses irrégulières dont 528 962 146 F CFA de dépenses inéligibles. Ces dépenses irrégulières d’un montant de 5 375 091 143 F CFA représentent 2,79% des dépenses totales. A lui tout seul, Zida a effectué 1,7 milliard de F Cfa en dépenses irrégulières alors que le ministre de l’Administration territoriale et de la Sécurité en faisait pour 2,4 milliards de F Cfa.
Quid de la gestion des régies d’avances règlementée par le décret n°2008-328/PRES/PM/MEF du 09 juin 2008 portant organisation et fonctionnement des régies de recettes et d’avances de l’Etat et des autres organismes publics ainsi que de ses actes d’applications ? Les objectifs des vérifications ont été de s’assurer que les opérations sont sous tendues par des pièces justificatives régulières mais aussi de s’assurer que les opérations de dépense sont régulières.
Sur 14 258 467 462 F CFA de dépenses contrôlées, 484 948 127 F CFA sont des dépenses irrégulières dont 30 997 759 F CFA de dépenses inéligibles et 160 818 489 F CFA de dépenses exécutées en dépassement des seuils autorisés.
7,6 milliards dépensés pour du… carburant
L’objectif du contrôle de la gestion du carburant et des lubrifiants a été de s’assurer que les opérations d’acquisition et de consommation sont régulières. Il n’existe pas, au Burkina, un texte de portée générale pour la gestion du carburant et des lubrifiants entrainant de fait une gestion irrationnelle et non transparente. Sur une consommation totale de… 7 601 914 701 F CFA, une consommation d’un montant de 632 847 256 F CFA est irrégulière