Présidentielle 2017 : le temps de la compétition des « héritiers »?
La présidentielle de 2017 sera inédite en ce sens qu’elle constitue le premier scrutin où s’affrontera une nouvelle génération de leaders politiques. 2012 et la défaite d’Abdoulaye Wade a clos un cycle historique au Sénégal. L’opposition PDS – PS symbolisée par près de 40 ans d’affrontements électoraux va se muer en une opposition entre fils de Senghor/Diouf et héritiers d’Abdoulaye Wade.
L’intérêt de la victoire de Macky Sall en mars 2012 réside aussi dans l’ouverture d’un nouvel horizon du clivage politique qui a toujours eu cours dans notre pays.
Une présidentielle n’aura jamais été autant ouverte que celle qui se profile. Une nouvelle génération d’acteurs politiques va se substituer à la tête des appareils de conquête du pouvoir.
L’actualité annonce les prémices de cette nouvelle configuration politique nationale dans laquelle le positionnement et la structuration du bloc des gauches est à observer.
La gauche marxiste se meut encore dans une crise structurelle dont elle aura du mal à se sortir tellement le mal est profond. Le courant social-démocrate peine également à asseoir une stratégie efficace et claire de reconquête du pouvoir.
Ces partis qui ont tous soutenu Macky Sall, libéral assumé, au second tour de la dernière présidentielle se sont retrouvés dans la camisole d’une coalition hétéroclite et sans grand contenu programmatique. En effet, il est normal que Benno Bokk Yakaar soit un ovni politique du fait de sa structuration originelle : battre Abdoulaye Wade.
Il est indéniable qu’au PS (près de 50 ans d’existence), à l’AFP et chez tous les partis de la gauche historique marxiste, l’on ne se contente pas d’accompagner la gouvernance d’un parti de moins de 10 ans d’existence. Être « associé » à la gestion du pouvoir de l’APR ne peut valablement constituer un horizon indépassable pour toutes ces formations politiques.
Le bloc des gauches – duquel on ne peut raisonnablement pas exclure le parti socialiste – ne peut pas se satisfaire d’avoir conduit un libéral au pouvoir et d’être finalement seulement associé à la gestion périphérique du pouvoir. Gestion périphérique car même si le secrétaire général de l’AFP est président de l’assemblée nationale, cette chambre prend, dans la configuration de la 5ème république française les allures d’une instance d’enregistrement des volontés de l’exécutif.
Même si le président de la République réussit une prouesse politique pour le moment en conservant intacte ses alliés de la coalition de 2012 (en dehors de Rewmi d’Idrissa Seck), il ne fera pas l’économie d’un affrontement périlleux en 2017 avec un leadership de sa génération.
Le temps des grandes manœuvres
Après 3 ans de mandat, les lignes bougent dans le champ politique accompagnant les ambitions de personnalités soucieuses de ne pas laisser à Macky Sall le champ libre vers un second mandat.
Ainsi, dans le bloc des gauches, des ambitions et des manœuvres sont constatées actuellement préfigurant les lignes de force des prochaines échéances électorales.
Si Ousmane Tanor Dieng et Moustapha Niass semblent disqualifiés pour la prochaine présidentielle, il est évident que des candidatures issues de leurs formations politiques surgiront. Au PS, le dernier congrès a constitué le premier avertissement pour Ousmane Tanor Dieng avec la candidature, finalement étouffée, d’Aissata Tall Sall au poste de premier secrétaire. Nul doute que l’acte de Me Tall reviendra au menu des prochains débats du parti. Cela à mettre en résonance avec la popularité du maire de Dakar auprès de l’opinion et la naissance de mouvements de soutien à sa personne.
Dans le même temps, une vague de démissions vient perturber les rangs de la Ligue Démocratique. A l’AFP, une fronde contre la décision de Moustapha Niasse de ne pas poser une candidature contre Macky Sall à la prochaine présidentielle vient s’achever par l’exclusion de 12 membres du parti dont le numéro deux, Malick Gakou, ouvrant à ce dernier une voie vers une candidature en 2017. Nul doute, qu’il emportera avec lui de larges franges du parti. Au PS, les velléités de contestation de la toute puissance de Ousmane Tanor Dieng deviennent de plus en plus audibles notamment avec la sortie récente d’Idrissa Diallo, maire de Dalifort.
Il est intéressant de constater la concordance de ces événements dans les partis du bloc de gauches membres de la majorité présidentielle. Cela en contradiction avec l’attitude plus que passive de ses leaders qui semblent se contenter de leur posture de soutiens inconditionnels et sans envergure de l’action du chef de l’État.
L’activité et le discours des partisans de Khalifa Sall et Malick Gakou et de tous les autres militants d’une gauche prise dans une double contradiction préfigure du potentiel d’adversité auquel Macky Sall fera face mais aussi de la difficulté pour des candidatures issues du PS, de la LD et de l’AFP de formaliser un positionnement et un discours audibles et compréhensibles.
En effet, peut-on s’engluer pendant 3 ans dans une coalition dont on porte le programme politique et le bilan et venir contester le candidat sortant chef de file de cette coalition ?
Cette problématique de la cohérence politique est favorable aux hommes politiques qui ne se seraient pas compromis avec le pouvoir de l’APR.
Khalifa Sall a été maire avant l’alternance de 2012. En 2014, hors de Benno Bokk Yakaar, il a conduit sa coalition avec en prime une victoire sur le premier ministre du Sénégal provoquant ainsi le remaniement qui a eu raison des ambitions démesurées d’Aminata Touré.
Quant à Malick Gakou, il ne fut que ministre éphémère d’un gouvernement dans lequel il ne s’est jamais senti à l’aise. Ce fut sensiblement le cas de Cheikh Bamba Dieye, sacrifié à Saint Louis sur l’autel des ambitions de Mansour Faye.
Un nouvelle plate-forme politique de gauche
Ce contexte qui voit une génération de nouveaux cadres politiques émerger des gauches laisse présager une recomposition du paysage politique du pays où pour la première fois on sera en face d’une compétition des « héritiers ».
Pour le bloc d’opposition de gauche dont les prémices se dessinent actuellement, l’erreur serait de retomber dans les travers du passé en faisant du scrutin de 2017 un « référendum » pour ou contre le candidat sortant.
Il faut proposer une véritable alternative basée sur un schéma programmatique qui fasse ressortir les véritables clivages entre les différents courants politiques du pays.
Une divergence de fond existe entre des offres politiques diverses dans l’objectif de développement économique et social dans lequel le pays s’inscrit depuis son indépendance.
L’offre politique de gauche est en proie à l’émiettement, aux querelles intestines et à la division sur le passif qui a toujours prévalu entre l’UPS-PS et la gauche marxiste sur fond de vécu dans la clandestinité et de répression senghorienne.
Dépasser ce statut est une nécessité absolue dans la formalisation d’une plate-forme d’idées en vue de mener le combat culturel autour d’un leadership pour prendre le pouvoir, gouverner et changer de pratique politique et de modèle économique pour le Sénégal.
Ce débat crucial est jusque-là éludé. Or il constitue le nouvel horizon politique du bloc des gauches pour entamer et aboutir à un compromis historique qui fera l’objet d’une prochaine contribution.
Hamidou ANNE
Analyste au Think Tank L’Afrique des Idées