Les voix saccadées, aux pauses accordées, transportent mélodieuses, l’épopée glorieuse de l’Afrique conscience d’un Monde plongé dans la barbarie. D’une Europe des ténèbres, enfermée dans les horreurs des Croisades et des batailles tribales, de la proclamation de la charte du Kouroukan Fouga au pèlerinage de Kankan Moussa, l’Afrique resplendissait de mille éclats dans ce moyen âge synonyme de barbarie.

Vinrent l’occupation coloniale, l’asservissement des enfants, des femmes, des hommes. De partout, sur le Continent, les africains luttèrent, à armes inégales avec vaillance. La détermination ne suffit pas, les idées furent impuissantes, les implorations ne furent pas entendues. El Hadj Omar Foutiyou Tall, Samory Touré et Alboury Ndiaye, internationalistes avant l’heure, perdirent le combat de la souveraineté.

L’esclavage, le travail forcé, l’enrôlement des forces vives dans les deux Grandes Guerres, l’Afrique subit l’exploitation. Tout y passa, l’or, le bois, le café, le cacao, l’arachide, etc. L’Afrique ne possédait plus rien, tout appartenait aux nouveaux maîtres. La Conférence de Berlin, d’un coup de ciseaux assassins, découpa le Continent, sans l’avis de ses enfants, pour donner à chaque pays de cette Europe rapine, un morceau à la hauteur des territoires qu’il conquit.

De l’école de la société, nous passâmes à l’instruction imposée par le nouveau Maître. Nous étions devenus sous le pinceau du nouveau maître, des barbares, sans culture, sans civilisation, sans valeur ! La rééducation et l’assimilation n’eurent pas raison de nos langues. Même le « symbole », l’ostracisme dans l’espace public, n’empêcha leur réveil.

Il y eut le sursaut identitaire des poètes, des écrivains, des artistes. Ils n’eurent pas comme Fidel Castro et Che Guevara des fusils, mais leurs plumes, les mots écrits et dits, égrainés à longueur de pages, les grèves des travailleurs, les pancartes effrontées brandies en face du Grand Général firent trembler l’empire colonial.

L’Afrique dansa, chanta, chaque chef africain reçut son morceau du Continent découpé. De l’euphorie succéda, le regret, les élites ambitieuses furent liquidées.
De Mamadou Dia à Patrice Lumumba, de Kwamé Nkrumah à Amilcar Cabral
Jusqu’à Thomas Sankara, ils se battirent tous pour une Afrique émancipée.

De David Diop à Cheikh Anta diop en passant par Frantz Fanon, ils déconstruisirent l’idéologie d’infériorité, de soumission et d’acceptation du fait colonial et néocolonial. Et ils allumèrent la flamme de la connaissance, de la culture, de la libération des êtres et des esprits, de l’émancipation d’une Afrique fière d’elle-même.

L’École, l’Université ne sauraient être en vacances, en confinement. Les esprits ont besoin de connaissance, de science, de technologie, de littérature, d’art, de culture, de sport, de spiritualité, de compassion. Les voies anciennes pour accéder à l’éducation ne sont pas des voies éternelles et immuables. Hier, le alluwa, l’ardoise, le cahier, le crayon, la plume, le stylo, aujourd’hui, la radio, la télévision, l’ordinateur, la tablette, le smartphone. Demain, à la place du maître, du professeur, de la maman et du papa, un robot émotif, doté d’une intelligence artificielle, d’une voix humaine.

Ce n’est pas la fin de l’éducation, c’est simplement le début d’un nouveau Monde qui s’offre à nous. Mais nous devons sans complaisance aucune étudier et travailler très dur pour utiliser ces connaissances pour résoudre nos problèmes, réussir nos défis. La compétence, l’expérience, l’engagement, le patriotisme et la probité doivent être érigés en règles de conduite pour réussir toute mission au service de la Nation.

Cette crise, aussi grave qu’elle est ouvre à l’Afrique des perspectives incroyables, si nos dirigeants ont une vision et de la prospective, sont courageux et ont confiance en leur peuple, ils redessineront le monde au profit de l’Afrique. Pour ce faire, ils doivent se libérer de la tradition en pareille circonstance de surestimer la pandémie pour recevoir le plus d’aide dont, comme d’habitude, une grosse partie ira dans les poches des toujours privilégiés. C’est Afrique qui s’appuie sur l’éducation, la formation, la recherche, l’innovation, la science et le technologie, mobilisant ses ressources pour jeter les bases d’une industrialisation au service de ses besoins et des opportunités, construisant une économie et une intelligence numériques en adéquation avec ses ambitions où les dirigeants africains sont attendus.

La gestion de la pandémie du Corona virus covid 19, l’impérieuse nécessité de respecter les directives des autorités de santé, ne devraient d’aucune façon nous anesthésier à telle point que nous oublions qu’en dernière instance, il y aura un après covid 19, et c’est de l’avenir de l’Afrique qu’il s’agira. Osons alors relever, encore et toujours, le défi de l’émancipation de l’Afrique, pour l’honneur de nos vaillants ancêtres, mais surtout pour l’honneur de nos générations.
Mary Teuw Niane
12 avril 2020

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