“Pour l’instauration d’une taxe sur les transferts de joueurs au Sénégal”

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A la suite de la sortie du Président de Génération Foot sur la TFM, préconisant la création d’un prélèvement sur les transferts de joueurs au profit de la Fédération sénégalaise de Football (FSF), J’aimerais apporter une modeste contribution sur la question qui constitue une amorce de réponse viable au problème de financement du football au Sénégal.
De prime abord, il faut se départir de l’idée très ancrée en nous, acteurs du football sénégalais, et qui veut qu’il y ait une prééminence du droit, produit par les organisations sportives internationales telle que la FIFA, sur les Droits positifs des États, d’une part, et, d’autre part, une séparation tranchée entre l’ordre juridique international sportif, en l’occurrence ici celui du football et les ordres juridiques des États.
Dans le cas du Sénégal, on a les exemples patents des statuts de la Fédération sénégalaise de Football (FSF) et ceux des autres fédérations sportives nationales, qui sont en total déphasage avec les prescriptions de nos lois et règlements, notamment la loi n° 84-59  du 23 mai 1984 portant Charte du Sport, le décret n°76-040 du 16 janvier 1976 fixant les obligations particulières auxquelles sont soumises les associations à but d’éducation populaire et sportive ainsi que les associations à caractère culturel, l’arrêté n°12529 du 31 aout 1966 relatif aux comités directeurs des associations et groupements sportifs sur les points relatifs au mode de désignation des membres des instances dirigeantes, à la durée de leur mandat, à leur composition, etc.
L’argument mis en avant pour justifier cet état de fait du côté des fédéraux est que leurs textes juridiques sont en conformité avec les textes de la FIFA, pour ce qui est de la discipline reine du sport sénégalais.
En réalité, il y a une imbrication des deux ordres et plutôt une prépondérance des droits nationaux sur les corps de règles produits par les instances Sportives internationales et non le contraire.
C’est ainsi que, sur l’étendue de leur territoire, les États n’avalisent l’application de ces règles que si et seulement si elles ne sont pas contraires aux normes qu’ils édictent eux-mêmes.
En outre, pour des matières très bien encadrées par les règlements édictés par les instances sportives internationales, les Etats définissent néanmoins des règles qui s’imposent aux acteurs du sport.
Il en est ainsi dans le cadre de l’exercice de la profession d’agent de joueurs en France. Dans ce pays, l’Etat a mis en place un cadre d’exercice de cette profession que l’on ne trouve nulle part ailleurs. Encore mieux, bien qu’en ce domaine la FIFA ait complètement libéralisé le métier d’agent de joueurs depuis 2015, avec la disparition de l’obligation de la détention de la Licence FIFA pour pouvoir exercer, en France cette réglementation est toujours en place.
Récemment, en République populaire de Chine, pour les transferts de joueurs de football dont les montants des transactions qui atteignent un certain seuil, leur régularité est subordonnée au versement d’une sorte de taxe affectée spécialement au développement du football Chinois.
En outre, au-delà de la soumission de la FIFA au droit Suisse, pays dans lequel il est implanté et au Droit positif duquel elle est assujettie en tant qu’association privée, le Tribunal arbitral du Sport (TAS), considéré comme l’instance arbitrale suprême en matière sportive, est soumis au «Contrôle» des tribunaux suisses avec l’existence, devant la Justice fédérale, de recours ouverts aux parties à un arbitrage devant le TAS.
En plus, dans plusieurs de leurs arrêts, des juridictions nationales européennes (Belgique, Allemagne, France) de même que la Juridiction suprême des Communautés européennes, remettent en cause, de manière récurrente, la dualité que ces organismes ou le TAS veulent instaurer entre ordre juridique sportif international et ordres juridiques sportifs nationaux ainsi que l’application de règles différentes de celles en vigueur dans les Etats.
On peut citer d’autres exemples de ce genre.
Tout cela, pour dire que l’hypothèse avancée par Mr Touré (dans un entretien sur la TFM) ainsi que l’idée émise par Maître Moustapha Kamara (dans un entretien accordé à l’Agence de presse sénégalaise) et qui sont relatives à la création de prélèvement obligatoire assis sur les transferts de joueurs et spécialement affecté au développement du football, sont juridiquement réalisables au Sénégal.
Pour ma part, je préconise l’institution d’une taxe parafiscale sur les transferts de joueurs d’un club sénégalais vers un club étranger, en l’étendant plus tard, au moment opportun, aux transferts entre clubs professionnels sénégalais.
Une taxe parafiscale étant un prélèvement obligatoire, institué par voie d’autorité et affecté à des organismes distincts de l’État ou des collectivités locales, dans un but économique ou social, «présente des avantages sur deux plans. D’une part, elle constitue un moyen d’orienter de façon très souple certaines interventions économiques ou sociales ponctuelles. D’autre part, elle associe certains professionnels à une opération de redistribution de ressources prélevées sur leurs propres affaires ou leurs propres bénéfices, alors que leur éparpillement même aurait interdit toute tentative d’organisation volontaire».
De ce point de vue, quoi de plus normal, d’instituer un prélèvement obligatoire sur les transferts de joueurs, au profit de la Fédération sénégalaise de Football qui est dépositaire de prérogatives de puissance publique en vue d’organiser et de développer le Football dans notre pays.
Et quoi de plus facile et pas très compliqué, car il suffit seulement de prendre un décret instituant cette taxe parafiscale, à charge d’une autorisation législative ultérieure à réaliser à travers la Loi de Finances de l’année suivante.
Comme exemple au Sénégal, on peut citer ces deux décrets parmi d’autres : Décret n°2018-1948 du 26 octobre 2018 instituant une taxe parafiscale au profit du Fonds de Soutien au Secteur de l’Energie, dénommée taxe sur l’énergie à usage industrielle et le Décret n°2008-85 du 12 février 2008 instituant une taxe parafiscale au profit du Fonds d’Entretien routier autonome du Sénégal.
La création d’une telle ressource constituerait, ainsi, un premier élément de réponse au problème de financement auquel se trouve confronté, en permanence, le mouvement sportif en général, le football en particulier, en attendant la création du Fonds national de Développement du Sport, en gestation depuis des lustres.
Toutefois, il faudra, au préalable, que tous les acteurs du football national comprennent que l’instauration d’un tel prélèvement qui sera endossé par les clubs réalisant des transferts, ne sera pas faite à leur détriment, car le monde du football évolue au jour le jour, que les positions changent rapidement et qu’un club performant sportivement et attractif du point de vue des transferts, peut, du jour au lendemain, perdre cette position, vu que le sport de compétition est par nature aléatoire.
Donc quoi de mieux qu’un environnement viable et apaisé du football national et porteur dans sa globalité.
Ce que semble avoir bien compris le Président de Génération Foot, qui préconise une telle démarche comme réponse au problème de financement qui marque notre sport, surtout en ces temps de crise liée au Covid-19.
Ndiassé SAMB JAMONO FC Fatick
Administrateur Ligue Sénégalaise de Football Professionnel

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