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 » Quand les hommes ne peuvent changer les choses, ils changent les mots. Cette pensée de Jean JAURÈS rend en partie intelligible la tendance de certains politiciens et activistes sénégalais à s’incruster dans les médias pour dépeindre la réalité qui les entoure à la dimension de leurs visions étriquées ou de leurs égos, bien souvent surdimensionnés. La plupart finissent, d’ailleurs, par se noyer dans leur propre discours. Depuis trois ans, que de changements de concepts sans aucune emprise sur le vécu de populations! Même le « Plan Sénégal Emergent » semble relever plus de l’incantation oratoire que d’une parfaite maîtrise des leviers de commande pour faire décoller notre pays. Il nous faut donc engager, ici et maintenant, une réflexion innovante sur les voies et les moyens d’une alternative à la politique réduite à de la communication sans réalisations. Soyons concrets !

À la plus prochaine élection présidentielle, les forces en présence seront théoriquement les suivantes:  

– la coalition au pouvoir Benno Bokk Yaakaar, conduite par Macky Sall, ne résistera vraisemblablement pas à l’imminence de la présentation d’un candidat par le Parti Socialiste. Étant entendu que l’AFP, autre composante significative de l’alliance a renoncé à toute ambition présidentielle, le reste de Benno, composé de partis lilliputiens condamnés à s’accrocher aux basques de leurs tuteurs, peut ne pas faire l’objet d’une prise en compte dans les paramètres déterminants de l’issue de l’élection. Tout au plus des variables…aléatoires! Il y’aurait donc une nouvelle coalition autour de l’APR et de Macky SALL.

– le Parti Démocratique Sénégalais (PDS), qui a déjà choisi et désigné son candidat, et ses alliés qui se prononceront en faveur de celui-ci, devra élargir sa coalition en  analysant les alliances nouées lors des dernières élections locales et leur portée. Il serait, au demeurant, envisageable de transformer le Front patriotique pour la Défense de la République en une alliance électorale de combat pour la reconquête du pouvoir.  Le PDS étant la première force politique de l’opposition, il lui appartient de prendre l’initiative de la recomposition des forces d’avenir qui la composent et d’en attirer de nouvelles.

– Pour compléter le tableau, il faut s’attendre à quelques candidatures « surprises » en gestation au niveau de la société civile en sus des candidatures probables de différents partis et mouvements politiques qui n’ont pas encore fait la démonstration de leur représentativité électorale ni de leur poids politique au niveau national.
Sur la base de cet état des lieux, des coalitions électorales sont incontournables pour tout candidat prétendant sérieusement à accéder au Pouvoir. De mon point de vue, et pour ce qui concerne le Parti démocratique sénégalais, je vois trois options:
1) une alliance avec le Parti socialiste pour avoir su, en dépit d’adversités violentes par le passé, et à des moments décisifs de l’Histoire de notre pays, trouver et mettre en œuvre des solutions à des crises aiguës. Les frontières idéologiques tendant à s’estomper au fil du temps, il devient concevable de serrer les rangs et de mutualiser les expériences et les réseaux, les idées et les hommes.
2) une alliance avec l’APR dans le cadre d’un grand rassemblement de la famille libérale. Ces retrouvailles, fondées sur des bases idéologiques, et un vécu partagé en dépit des épreuves difficiles actuelles est de l’ordre du possible. Cela suppose que les différents acteurs aient une grande capacité de dépassement et la volonté des bâtisseurs de cathédrales pour s’inscrire dans la quête d’une stabilité durable pour la construction et le développement de notre pays.
3) Les retrouvailles libérales pourraient également s’articuler selon l’axe PDS/REWMI. Puisque l’on parle de cicatrisation des plaies, il ne faut pas exclure la création d’une coalition gagnante avec Idrissa SECK. Son charisme personnel et son expérience sont des coefficients dont il faudra mesurer et apprécier tous les effets.  En politique, il ne faut jamais dire jamais !
Partant des résultats sortis des urnes lors des dernières élections présidentielles, l’hypothèse du rassemblement d’un bloc libéral répond au constat suivant: Au premier tour le candidat sortant Abdoulaye WADE du PDS avait obtenu 36% des voix et Macky SALL de l’APR 26%. Si l’on y ajoute les 8% obtenus par Idrissa SECK, nous sommes autour de 70% en faveur de la famille libérale, divisée pour des raisons crypto personnelles et non en raison de divergences idéologiques ou politiques majeures. Que de chemin parcouru depuis la création du PDS en 1974 ! Il faut souligner également qu’en dépit de la perte du pouvoir, la capacité de mobilisation du PDS restée est intacte. Il semble même qu’au fil du temps, de l’usure du pouvoir en place et de l’effet YoYo, des franges importantes de l’opinion s’inscrivent dans un mouvement de reflux vers le bloc libéral. Le PDS en est l’épicentre. Pour ramener une certaine cohérence dans le jeu politique, le PDS gagnerait à travailler, d’ores et déjà, à la formulation d’une offre politique nouvelle fondée sur l’expérience acquise et les réalisations incontestables à l’exercice du pouvoir. Le PDS peut, et doit ramener en son sein, le maximum de ses militants et responsables dispersés sur le champ politique. Avec le recul, et la nouvelle expérience vécue par un retour dans l’opposition, les plaies ouvertes peuvent cicatriser. Les inimitiés regrettables doivent céder la place à la sereine méditation sur les aléas de la vie politique et se convaincre qu’une nouvelle fraternité peut jaillir des affres de l’adversité. L’effet Wade gardant toujours sa magie, le PDS doit donc se positionner comme le balancier de la prochaine élection. Son candidat aura ainsi des atouts pour gagner, ou partager le pouvoir, selon l’ordre de préséance qui sortira des négociations pour construire l’alliance libérale.  Aucune option ne doit être fermée à priori ! Dans tous les cas de figure, le PDS doit s’imposer comme LA force politique d’avenir capable de produire des leaders jeunes, compétents et inscrits durablement dans la construction du Sénégal. Il suffit de regarder le nombre de leaders politiques sortis de ses rangs pour s’en convaincre.
L’alliance Benno Bokk Yakaar, patchwork d’ambitions contrariées, constituée autour du » « TOUT SAUF WADE »  s’impose de « gouverner ensemble après avoir gagné ensemble ». Il semble cependant que cela soit plus facile à dire qu’à faire. Les coups bas fusent de partout entre les alliés. L’épisode  de l’emprunt obligataire initié par le Maire socialiste de Dakar par le gouvernement de Macky Sall est un indicateur du degré de méfiance qui prévaut. Il faut donc s’attendre à ce que les ambitions partisanes reprennent le dessus et que, dans la dernière ligne droite menant à la prochaine élection présidentielle, les contradictions s’exacerbent et que les masques tombent.
Au total, il est l’heure de poser publiquement les termes des véritables enjeux de la plus prochaine élection présidentielle. En principe, c’est en 2017 que les sénégalais retourneront aux urnes pour se choisir un Président de la République. Nous sommes à un cap de l’échéance. Il ne faut donc pas continuer à se laisser mener en bateau en se confinant dans l’interprétation de rumeurs savamment distillées à travers la presse sénégalaise, lieu de manipulation par excellence. Au demeurant, l’accession  au pouvoir de plusieurs patrons de presse donne matière à réfléchir: ne sont-ils pas sortis de leur statut et de leur rôle de contre-pouvoir? La politique c’est l’action et la prise d’initiatives hardies. Le PDS doit lire l’échiquier politique et se donner les moyens de construire une alliance nouvelle efficace et efficiente. Il ne doit se fermer aucune alternative. L’émotion ni les états d’âme ne doivent altérer la lucide mise en œuvre de l’option gagnante. Après avoir été obligés de consacrer toutes nos énergies  à un feuilleton médiatico-politico-judiciaire de piètre qualité, il est temps de se demander si le but visé n’était pas de nous distraire de la lucide entreprise de la reconquête du pouvoir.
Parlons Politique! Avec un grand « P »…
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Amadou Tidiane WONE
Ancien Ministre, Ancien Ambassadeur
Directeur de Cabinet du Président Abdoulaye WADE

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