Note sur les polarisations politiques au Sénégal: Comment rationaliser les élections ?

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Note sur les polarisations politiques au Sénégal: comment rationaliser les élections ?

Cette note est une contribution qui traite de deux questions distinctes, mais intrinsèquement liées, qui sont actuellement posées dans le débat public national au Sénégal. La première question concerne l’élection présidentielle de février 2024. La seconde porte sur la rationalisation des élections, des partis et mouvements politiques au Sénégal.

Dans la première partie, nous apportons notre contribution au débat relatif à l’organisation, en février prochain, d’une élection présidentielle démocratique, libre, ouverte, transparente et inclusive. Dans la seconde partie, nous montrons comment, sans avoir à restreindre le multipartisme, nous pouvons regrouper nos différentes élections en une seule élection nationale en permettant à l’ensemble des partis et mouvements politiques, y compris des candidatures indépendantes, d’y prendre part, avec chacun selon son envergure réelle au Sénégal.

C’est donc à ces deux problèmes enchevêtrés que cette modeste réflexion s’attaque, en s’inspirant de l’expérience que nous donne la nomenclature politique actuelle, c’est-à-dire la polarisation Benno Bokk Yaakaar (BBY), Forces 24 (F24) et les Non-alignés. Nous tenons à préciser que cette nomenclature n’est utilisée ici qu’à titre indicatif, compte tenu des dynamiques éventuelles que peut subir, à tout moment, le champ politique au Sénégal.

Dans un contexte où le pays est en train d’opérer un tournant décisif et complexe de son histoire du fait notamment de l’exploitation de ressources naturelles convoitées et d’un contexte géopolitique mondial spécifique, nous avons fait le choix d’apporter cette modeste contribution dans ce débat pour plusieurs raisons qui, si nous n’y prêtons pas suffisamment attention, peuvent plomber les performances nationales. Parmi ces raisons, nous en citerons trois principalement.

La première raison concerne le coût exorbitant des élections, en termes financier, matériel et humain, et surtout en termes de vies humaines affectées, dans un pays comme le nôtre.

La deuxième raison est liée aux nombreuses élections que notre pays organise tous les cinq (5) ans. Ce qui fait que nous avons l’impression que la question des élections reste le principal objet de discussion qui alimente le quotidien des Sénégalais via le débat public national. De fait, les citoyens sont perpétuellement détournés des défis fondamentaux qui les interpellent directement et ceux qui secouent l’humanité dans son ensemble. Le débat national entre les acteurs politiques sur de tels défis apparaît comme inexistant, ou lorsqu’il existe, il manque de propositions assez structurantes eu égard aux contextes national, régional et à la géopolitique mondiale.

La troisième et dernière raison est liée au fait que, sans nier leurs apports importants dans la marche de la démocratie au Sénégal, les plateformes des discussions sur les réformes du secteur politique sont souvent laissées entre les acteurs politiques. C’est comme s’ils s’arrogent ainsi l’unique droit de pouvoir en parler. Ce faisant, les réformes engagées sont coincées par le dilemme qui fait que les acteurs politiques sont, à la fois, juges et parties. Ceci pose, qu’on le veuille ou non, le problème éthique réel du conflit d’intérêts dans les nombreuses tentatives de réformes du secteur politique au Sénégal. On a l’impression que les acteurs politiques sont obligés, à la veille de chaque élection, de reprendre les mêmes questionnements, ou décident d’un commun accord, d’écrire ou de réécrire, à leur guise, des passages qui sont en faveur de certains d’entre eux et en défaveur d’autres, pour ensuite se frayer des boulevards, tout ceci au détriment du peuple sénégalais souverain.

Comment pouvons-nous organiser une élection présidentielle démocratique, libre, ouverte, transparente et inclusive en février 2024 au Sénégal ?

La polarisation actuelle des différents partis et mouvements politiques autour de trois camps ou blocs (BBY, F24 et Non-alignés) peut nous aider dans la rationalisation de nos partis et mouvements politiques. Elle peut effectivement permettre d’organiser une élection présidentielle démocratique, libre, ouverte, transparente et inclusive en février 2024 si elle est soutenue par une volonté de co-construction nationale de programmes politiques cohérents par les différentes parties prenantes, en l’occurrence les partis et mouvements politiques, les candidatures indépendantes et les organisations de la société civile. Elle donne déjà une idée de ce que peut être une rationalisation efficace et efficiente de nos partis politiques, de nos mouvements politiques, des candidatures indépendantes et de nos différentes élections aux niveaux local et national. Elle contribue aussi à résoudre le problème des parrainages comme critère de présélection des nombreux candidats aux élections par le Conseil constitutionnel.

Mais les parrainages peuvent, en même temps, être utilisés comme un des critères, entre autres, pour déterminer les parties prenantes éligibles à la polarisation des partis et mouvements politiques au Sénégal. On demandera aux partis et mouvements politiques, qui sont intéressés par une adhésion à une polarisation donnée, de passer par le système des parrainages pour être éligibles en qualité d’entités constituantes d’un camp polarisant.

Les candidats à l’élection présidentielle devront ainsi passer, par une sorte d’élections ou de consultations primaires, à l’intérieur de leur camp politique polarisant, pour désigner leur seul et unique candidat à l’élection présidentielle de février 2024. On obtiendrait ainsi une élection présidentielle avec un maximum de trois candidats, si on se limitait aux avatars actuels que nous offre la polarisation entre BBY, F24 et Non-alignés.

Il faut rappeler que la nomenclature actuelle de la polarisation des partis et mouvements politiques au Sénégal entre BBY, F24 et Non-alignés n’est utilisée ici qu’à titre indicatif et que des dynamiques nouvelles peuvent donner naissance, compte tenu d’autres enjeux, à de nouvelles nomenclatures.

Comment, si nous voulons préserver le régime présidentiel, articuler une telle approche avec les élections municipale, départementale et législative en une seule et unique élection nationale, afin de rationaliser les élections au Sénégal ?

La rationalisation des élections dont il est question ici concerne deux choses. La première est en relation avec les acteurs politiques (partis politiques, mouvements politiques et candidatures indépendantes). La deuxième fait allusion aux différentes élections organisées sur l’étendue du territoire national, et la diaspora, telles que les élections municipale, départementale, législative et présidentielle. Comment organiser ces différentes élections en une seule et unique élection nationale et dans un esprit démocratique, libre, ouvert, transparent et inclusif ?

Nous rappelons que quel que puisse être le système politique choisi, entre les types parlementaire et présidentiel, ce que nous développons ici ne change pas intrinsèquement. Le principe de base reste la polarisation des partis et mouvements politiques en entités construisant ensemble des programmes politiques nationaux qui proposent des réponses cohérentes par rapport aux différents défis auxquels font face les Sénégalais.

Dans le cas où nous aurions pris l’option du système parlementaire, cela signifierait alors que c’est le Premier ministre, Chef de l’Exécutif national, qui serait responsable devant l’Assemblée nationale du programme politique national de l’Etat. Un maintien du système présidentiel, tel que celui qui nous régit actuellement au Sénégal, signifie tout simplement, à la différence du système parlementaire, que c’est le Président de la République, Chef de l’Etat et de l’Exécutif national, qui est responsable du programme politique national devant l’Assemblée nationale.

Comment alors pouvons-nous procéder concrètement, dans le contexte actuel, pour organiser une élection présidentielle en février 2024 ?

Il est important de rappeler que le moment des parrainages correspond aussi à une de ces périodes du processus électoral situé en amont pendant lequel le citoyen sénégalais reçoit les premières offres programmatiques des camps politiques pour les apprécier en toute liberté. Pour créer un camp politique polarisant, les entités constitutives, qui sont des partis, des mouvements voire des candidatures indépendantes à différentes échelles locale (municipale, départementale) et nationale, doivent passer par le système du parrainage au niveau local (communes et régions de la diaspora). Les polarisations se constitueront progressivement à l’échelle communale, départementale et nationale, en ne perdant pas de vue les régions de la diaspora.

Admettons que nous mettions uniquement le focus des parrainages sur les électeurs inscrits sur le fichier électoral national. La carte électorale du pays nous donne non seulement une information précise sur les proportions des électeurs inscrits dans chacune des communes et les régions de la diaspora, mais également les proportions de représentants élus dans les différentes communes, les départements et au niveau de l’Assemblée nationale.

Pour être éligible à une polarisation, le parti ou mouvement politique ou le candidat indépendant devra disposer dans les différentes communes et les régions de la diaspora d’une proportion de parrains qui reste à déterminer en fonction des proportions d’électeurs inscrits dans ces différentes localités. Cette proportion de parrains doit respecter le ratio genre des électeurs inscrits dans les différentes localités, un ratio qui est normalement renseigné par la carte électorale nationale.

Avec la nomenclature BBY, F24 et Non-alignés empruntée au contexte national actuel, on peut dire que pour être éligible à une polarisation, les partis ou mouvements – les candidatures indépendantes y comprises – doivent disposer d’un pourcentage de parrains à déterminer proportionnel au nombre d’électeurs inscrits dans chacune des communes et les régions de la diaspora. Si dans une localité donnée le ratio genre des électeurs inscrits sur le fichier électoral est égal à 52% de femmes, ce ratio doit se refléter sur la liste des parrains. Le vote étant unique et pour éviter de lier le parrainage au vote, on laissera aux électeurs inscrits sur le fichier la possibilité de parrainer un nombre de candidatures qu’ils désirent.

Après avoir constitué les parrainages à l’échelle communale et de la diaspora, chaque camp polarisant procède à des consultations ou des élections primaires entre ses différents leaders intéressés pour déterminer ses leaders et candidats aux postes de conseillers municipal et départemental et de députés à l’Assemblée nationale. L’idéal est de passer par les consultations pour déterminer ces leaders et candidats aux postes de conseillers et députés, alors que pour le poste de leader et candidat national d’un camp politique polarisant, lorsque des consultations entre les potentiels candidats intéressés ne permettent pas de les départager, une élection primaire par suffrage direct ou indirect, à l’intérieur des camps polarisant, le ferait en toute légitimité démocratique.

Pour mieux étayer notre approche, revenons à notre exemple mettant en relief la polarisation BBY, F24 et Non-alignés. Après que chacun des camps politiques polarisant a effectué ses parrainages au niveau des différentes communes et de la diaspora, des consultations primaires sont organisées à l’intérieur de BBY, F24 et Non-alignés pour déterminer les leaders et candidats aux postes de conseillers dans les communes et départements mais également pour les postes de députés à l’Assemblée nationale. Pour les candidats intéressés par l’élection du Chef de l’Exécutif national à l’intérieur de BBY, F24 et Non-alignés, à défaut de pouvoir les départager par des consultations primaires, ils peuvent passer par des élections primaires par suffrage direct ou indirect pour déterminer leur unique candidat et leader à l’élection nationale.

En organisant ainsi une seule élection à l’aide d’un bulletin unique au niveau local (communes et régions de la diaspora comprises), les résultats des différents camps politiques sont répertoriés proportionnellement pour chacun des camps polarisant au niveau local (municipal et départemental) et national (législatif).

Comment nous pouvons organiser concrètement l’élection unique sans que cela ne retarde le processus du vote ?

Il ne s’agit pas ici d’utiliser les « bulletins traditionnels » pour chaque parti, mouvement ou candidature indépendante comme nous avons l’habitude de procéder. Il s’agit plutôt d’utiliser un bulletin unique où figureront les signes distinctifs (photos et noms des candidats-leaders, les symboles, etc.) de chacun des camps politiques polarisant. La distribution des noms des constituants des listes de chacun des camps à l’échelle locale (communale et départementale) et nationale pourrait, par exemple, figurer au verso du bulletin suivant spécifiquement les communes, les départements et l’Assemblée nationale. Autrement, au lieu de faire figurer les listes au verso du bulletin unique, ce qui risque de surcharger le contenu du bulletin, on pourrait envisager des affichages de ces listes devant les portes des bureaux de vote.

Concrètement, lorsque tout le dispositif est mis en place avant l’heure de démarrage du vote, l’électeur entre dans le bureau de vote et présente sa pièce d’identification, prend le bulletin unique et une enveloppe et se dirige vers l’isoloir, fait son choix pour un camp politique donné en mettant, par exemple, une croix devant l’image de son candidat-leader, plonge le bulletin dans l’enveloppe et la referme, sort de l’isoloir, met l’enveloppe dans l’urne déjà sécurisée, émarge sur le fichier électoral pour signifier qu’il a voté, plonge son doigt dans l’encre indélébile, récupère sa pièce d’identité et sort du bureau pour rentrer tranquillement chez lui ou aller vaquer à ses occupations. Il en sera ainsi pour tout le reste des électeurs inscrits sur le fichier des différents bureaux à l’intérieur du pays jusqu’à l’heure de clôture qui est officiellement retenue pour le vote dans la journée de l’élection nationale unique.

A la fin de la journée, chaque président de bureau, après avoir pris les dispositions nécessaires, procède au dépouillement des résultats des votes dans son bureau et porte à la connaissance du public les résultats obtenus par chacun des camps politiques avec les détails de son analyse.

En agrégeant les résultats des différents bureaux constituant une commune, on obtient le nombre de votants pour chacun des camps politiques polarisant (BBY, F24 et Non-alignés) et corrélativement le nombre de conseillers municipaux revenant proportionnellement à chacun des camps. Le leader communal du camp politique majoritaire dans chacune des communes devient automatiquement le maire élu.

Ensuite, en agrégeant les résultats obtenus par chaque camp politique (BBY, F24 et Non-alignés) dans l’ensemble des communes constituant un département, on obtient le nombre de votants et les proportions de conseillers départementaux revenant à chacun des camps. Le leader départemental du camp politique qui a la majorité des voix devient de fait le président élu de son Conseil départemental.

Puis, en agrégeant les résultats des votes obtenus par chacun des camps (BBY, F24 et Non-alignés) dans l’ensemble des départements et les régions de la diaspora, on obtient ainsi proportionnellement le nombre de députés revenant à chacun des camps à l’Assemblée nationale. Le candidat du camp majoritaire à l’Assemblée nationale devient le Chef de l’Exécutif.

Dans le cas d’un régime présidentiel, c’est le Président de la République ; alors que dans le cas du régime parlementaire, c’est le Premier ministre. Il devient ainsi la personnalité politique responsable de la politique nationale de développement devant l’Assemblée nationale. On peut imaginer que lorsque le Chef de l’Exécutif est un homme et que le principe de la parité est respecté dans la constitution des listes des camps politiques polarisant (BBY, F24 et Non-alignés), alors la Présidence de l’Assemblée nationale, c’est-à-dire la deuxième personnalité de l’Etat, sera une femme, et inversement.

Là, nous avons deux scenarii possibles qui s’offrent à nous. Un premier scénario où le camp du Président de la République, Chef de l’Exécutif, peut être détenteur de la majorité à l’Assemblée nationale. Un deuxième scénario où le camp du Président de la République, Chef du gouvernement, peut ne pas être détenteur de la majorité à l’Assemblée nationale.

Dans le premier scénario, le Chef de l’Exécutif dispose d’une majorité significative qui lui donne une marge de manœuvre suffisante pour exécuter son programme de développement soumis aux citoyens sénégalais au cours du processus de l’élection unique.

Dans le deuxième scénario, nous avons le camp politique qui enregistre le plus de votants au niveau national alors qu’il ne dispose pas d’une majorité significative qui lui permet d’exécuter son programme de développement. On pourrait envisager un second tour, au suffrage universel indirect, entre les deux camps qui sont arrivés 1er et 2ème au niveau de l’Assemblée nationale pour permettre au camp qui obtiendra plus de cinquante pour cent des votants de remporter une proportion additionnelle de députés qui lui donne la majorité significative. Ce scenario nous semble cependant mystifier la proportion des cinquante pour cent et plus des votants qui est ici nécessaire pour légitimer l’autorité du Chef de l’Exécutif.

On peut aussi faire l’économie de ne pas organiser un second tour qui alourdirait l’élection et permettre au camp politique qui obtient plus de votants au niveau national de pouvoir remporter une proportion additionnelle (la liste nationale) de députés. Cela permettra au Chef de l’Exécutif de disposer d’une majorité significative à l’Assemblée nationale pour contourner l’épineuse question de la cohabitation. En d’autres termes, la proportion de députés à l’Assemblée nationale à partager entre les différents camps politiques ayant pris part à l’élection nationale ne sera connue qu’en fonction des résultats obtenus au niveau national, la diaspora y comprise, par chacun des camps politiques (BBY, F24 et Non-alignés).

Et comment faire lorsque deux camps politiques, voire plus, arrivent en même temps majoritaires, avec le même nombre de votants, au niveau d’une commune, d’un département ou à l’Assemblée nationale ? Comment déterminer alors le camp politique qui deviendrait le Chef de l’Exécutif municipal, départemental ou national ?

Même si la probabilité pour qu’une telle situation se produise est très faible, elle mérite une attention particulière dans la réflexion. Dans ce cas de figure, on peut imaginer une élection du Chef de l’Exécutif concerné par voie du suffrage universel indirect à l’intérieur de la commune, du département ou de l’Assemblée nationale. Le leader-candidat du camp politique qui a plus de la moitié des votants devient le Chef de l’Exécutif.

Comment articuler les nouveaux mandats de cinq (5) ans des législatures (locale et nationale) en cours avec l’élection du Chef de l’Exécutif national prévue en février prochain ?

Nous avons concrètement deux options qui se présentent à nous. Dans la première option, nous organisons une élection présidentielle en février 2024 et adoptons la durée d’un mandat unique de cinq (5) ans pour le Chef des Exécutif national. Nous décidons alors de prolonger les mandats actuels des conseillers municipaux et départementaux et celui de l’Assemblée nationale jusqu’en février 2029 au lieu de 2027. Cette option peut paraître bien exagérée et irréaliste avec les prolongations de deux (2) années des mandats en cours des conseils municipaux et départementaux et celui de l’Assemblée nationale.

Une deuxième option serait de remettre tous les compteurs à zéro à partir de février 2024 pour ce qui concerne les résultats des élections organisées en 2022 et organiser une seule et unique élection nationale selon l’approche que nous préconisons dans cette note. Ainsi les camps politiques polarisant (BBY, F24 et Non-alignés) qui arriveront en première position au niveau des instances représentatives communales, départementales et nationale auront chacune un mandat de cinq (5) ans, c’est-à-dire un mandat qui prend fin en 2029. Ce cas de figure peut être facilement interprété comme manquant également de réalisme politique.

Des deux options ainsi présentées, nous pouvons facilement être tentés par la première option qui, non seulement n’exagère pas trop la prolongation des mandats actuels (environ deux (2) ans) des conseils municipaux et départementaux et celle de l’Assemblée nationale mais également laisse poursuivre les législatures municipale, départementale et nationale en cours. Cela nous éviterait d’avoir à organiser deux (2) voire trois (3) élections en 2027 et aussi une autre élection présidentielle en février 2029. Le coût en vaut-il la peine ?

En revanche, si l’équilibre actuel des camps politiques au niveau de l’Assemblée nationale constitue une entrave au bon déroulement de l’exécution du programme national de développement par le camp politique qui gagnera l’élection présidentielle de février 2024, la deuxième option, même si elle semble manquer de réalisme politique, donne particulièrement aux Chefs des Exécutifs (local et national) la possibilité de disposer d’une marge de manœuvre suffisante avec une liste additionnelle de députés et de conseillers municipaux et départementaux suffisante pour exécuter convenablement, sans risque de souffrir d’une cohabitation, les programmes politiques présentés au citoyen sénégalais pendant le processus électoral.

Dans la même perspective de rationalisation des élections au Sénégal, on pourrait également limiter les mandats des Chefs des Exécutifs local et national à un seul et unique mandat de dix (10) ans. Au lieu de donner aux candidats à l’élection nationale la possibilité de briguer un second mandat de cinq (5) ans, notamment pour le Chef de l’Exécutif national, les Chefs des Exécutifs local et national ne seront éligibles que pour un seul et unique mandat de dix (10) ans.

Dans la constitution de l’Exécutif local et national, dans le cas d’un régime parlementaire et sous la forme de gouvernement collégial, on peut également imaginer que chacun des camps politiques présents, au niveau des conseils municipaux et départementaux et aussi à l’Assemblée nationale, puisse disposer d’une proportion équitable de postes ministériels dans la formation du gouvernement. On pourrait imaginer que le rôle de Chef de l’Exécutif local ou national, soit occupé à tour de rôle par les principaux leaders des camps politiques présents au niveau des conseils municipaux et locaux et à l’Assemblée nationale. Dans ce cas de figure, les listes additionnelles de députés, conseillers municipaux et départementaux nécessaires pour offrir une marge de manœuvre aux Chefs de l’Exécutif local et national n’auront plus leur raison d’être.

Conclusion

Tout ceci n’est pertinent que lorsque les mécanismes de l’équilibre des pouvoirs (Exécutif, Législatif et Judiciaire) et les mécanismes de contrôle républicains sont, en toute liberté et responsabilité, effectifs dans les délais pour donner toute la vitalité requise à la gouvernance démocratique au Sénégal.

On peut déjà imaginer, à l’aide d’une plateforme numérique sécurisée, combien peut être simple ce processus de rationalisation des élections au Sénégal, à travers les polarisations des camps politiques. Cette plateforme intégrerait, en toute objectivité, toutes les conditions requises de validation de l’élection nationale unique.

La Direction générale des élections peut rendre accessibles, à l’ère du numérique et dans les délais requis, les informations sur la carte électorale nationale, la diaspora y comprise, et aussi la liste des autres parrains dans le cas où le parrainage serait ouvert à de nouvelles catégories spécifiques d’acteurs.

Un enjeu majeur reste à souligner ici. En effet, faut-il accorder la même importance, dans le parrainage, aux électeurs inscrits sur le fichier électoral, aux citoyens sénégalais ayant atteint la majorité, aux chefs religieux et coutumiers, aux chefs d’entreprises, aux responsables des organisations de la société civile nationale, etc. ? Ou bien, faut-il verser dans la catégorie de ce que nous pourrons appeler les « grands électeurs » au Sénégal, par un mécanisme approprié de l’élection unique au niveau national, les votes de certains de ces acteurs spécifiques qui jouent un rôle important et décisif dans le fonctionnement de la société sénégalaise ?

Ces questions ne relèvent-elles pas du domaine de la souveraineté nationale et ne méritent-elles pas que nous y prêtions beaucoup plus attention si nous voulons donner à notre pays la configuration qui correspond à sa réalité sociologique ? En effet, un des principes qui régit la démocratie libérale veut nous faire accepter l’idée que, dans une élection de représentation politique, la voix d’un chef religieux au Sénégal (khalifes généraux et évêques) doit avoir le même poids que celle de son disciple ou fidèle inscrit sur le fichier électoral, la voix d’un chef coutumier a le même poids que celle de n’importe quel citoyen inscrit sur le fichier électoral et vivant dans le périmètre de sa sphère d’autorité, la voix d’un chef d’entreprise de plusieurs centaines, voire des milliers d’employés, est équivalente à celle de n’importe quel citoyen de son pays inscrit sur le fichier électoral, etc.

A quelles échelles (communale, départementale et nationale) faudrait-il articuler les poids des parrainages et/ou des votes de chacun de ses acteurs spécifiques?

 

Dakar, le 24 juin 2023

  1. Coumba Ndoffène DIOUF

Sociologue et ancien programmes manager au CODESRIA

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