Monsieur le Président, vous avez perdu les élections ! (Par Mouth BANE)
L’un des problèmes majeurs du président de l’Apr Macky SALL, c’est qu’il ne respecte personne : ni son parti, ni sa coalition, ni les responsables de son parti encore moins ses «amis».
Il s’est taillé un manteau étroit de «roi» qui s’offre toutes les libertés sur ses sujets sans droits. Macky SALL aime les raccourcis et les escalades.
Comment le président de l’APR peut-il déclarer publiquement avoir gagné les élections locales du 23 Janvier 2022 à 80% ? Décidément il aime ce chiffre 80, car lorsqu’Idrissa SECK l’avait rejoint, il avait également déclaré avoir désormais 80% de l’électorat sénégalais en faisant la somme de leur score lors de la présidentielle de 2019. Voilà Macky ! Un homme qui cherche à se faire une bonne conscience en manipulant les chiffres à sa guise.
Monsieur le président, la seule chose que vous avez dite et qui est incontestablement exacte, c’est qu’au Sénégal, nul ne peut voler des élections. Seulement, ne manquez pas le courage de reconnaître que la coalition Benno Book Yaakar a trébuché et s’est retrouvée avec «03 appuis» pour emprunter aux lutteurs leur lexique. Et il s’agit d’une défaite psychologique avant d’être politique. Il va falloir alors procéder à des corrections pour redresser la barre avant les législatives.
Monsieur le président, vous avez perdu les élections, et vous devrez éviter d’engager le landerneau politique national dans des manœuvres qui pourraient, demain, avoir des conséquences dangereuses sur la stabilité du pays. N’écoutez pas ces thuriféraires «conseillers de nuit» qui vous font croire que vous avez gagné et que la prochaine fois ce serait encore mieux. Ils vous trompent avec des somnifères et, sous l’effet du diazépam vous risquez de vous réveiller en Avril 2024.
Monsieur le président de la République, nous vous invitons à faire une analyse lucide des résultats sortis des urnes ce 23 Janvier 2022. Ils reflètent le point de vue de vos concitoyens sur votre gouvernance depuis votre élection en 2012. Ce fut un référendum sur votre bilan aussi.
Monsieur le président, la perte des grandes villes traduit une volonté manifeste des électeurs à leur aspiration irréversible au changement. Les électeurs sénégalais ont procédé à un vote intelligent que l’on peut considérer comme une alerte pour les échéances électorales de Juin 2022 et de 2024. Me Wade n’avait pas bien compris le signal en 2009, espérons que vous serez plus chanceux que les libéraux.
Monsieur le président, votre récente sortie sur les élections prouve que vous êtes toujours sous l’effet du choc brutal de la chute, et que vous êtes entouré de flagorneurs qui vous flattent, vous encensent et vous caressent dans le sens du poil pour vous endormir et vous isolez de la réalité.
Monsieur le président, vous avez perdu les élections et vous en êtes le seul et unique responsable. Ne cherchez pas de bouc émissaire hors de votre palais. C’est votre gouvernance qui a été sanctionnée par les électeurs qui n’attendaient que ce moment pour vous faire un rappel à l’ordre.
Monsieur le président, les sénégalais souffrent d’un mal vivre. Ils sont pressés et exigeants. Ils sont las d’attendre. Ils sont découragés de voir à chaque fois, leurs préoccupations renvoyées à la prochaine fois. Cela, vous et vos successeurs devront le comprendre.
Monsieur le président, la perte des localités comme Dakar, Thiès, Ziguinchor, Kaolack, Guédiawaye, Parcelles, Keur Massar etc… est un signal fort pour ce qui vous attend aux prochaines élections. Ce n’est pas moins qu’un désaveu du sénégalais qui, pourtant, avait porté beaucoup d’espoir sur vous.
Ces villes perdues regorgent le plus important poids électoral du Sénégal. Nul ne peut espérer gagner une élection présidentielle en perdant ces localités. Votre victoire dans les petits bureaux de vote du Nord, ne peut pas combler le fossé créé dans ces grandes villes sur l’axe Dakar/Thiès/Kaolack/Ziguinchor.
Monsieur le président, vos réalisations ne peuvent pas suffire pour obtenir l’adhésion des populations à votre politique. Car, il y a des éléments fondamentaux qui vous font défaut. C’est la justice sociale, l’équité et l’égalité des citoyens devant la loi. Depuis votre arrivée à la tête du pays, le Sénégal a connu une mal gouvernance judiciaire qui a balafré votre magistère.
Depuis 2012, seuls les opposants sont trainés en justice et au risque de voir leur casier judiciaire rempli. Karim WADE et Khalifa SALL ont été éliminés à la présidentielle de 2019 et aux Locales de 2022 par la simple volonté de Macky SALL. Le seront-ils aux législatives de 2022 et à la présidentielle de 2024 ?
Aux mêmes moments, une impunité injustifiable est garantie aux membres du clan pris en flagrant délit de détournement de deniers publics, de trafic ou de blanchiment. Il suffit de militer à l’APR pour échapper à la justice. Ce constat est général. Et les sénégalais, dans leur écrasante majorité, dénoncent cette justice à sens unique. Alors que, le 03 Avril 2012, vous aviez dans votre message à la Nation déclaré : «Je ne protégerai personne». Ces propos ne reflètent pas les actes que vous et vos proches ont posés depuis lors.
Monsieur le président, vous avez perdu parce que vous ne respectez même pas vos collaborateurs. Les investitures ont été faites à quelques semaines du démarrage de la campagne, alors que l’opposition était déjà en campagne électorale depuis plus d’un an. Par exemple, Barthélémy Dias était sûr de sa candidature à la Mairie de Dakar depuis plusieurs mois, alors que Diouf SARR attendait la décision du président du parti. Il avait une longueur d’avance sur le candidat de Benno. Dans ce cas, le miracle n’était pas possible. Cette défaite de BENNO à Dakar, est une conjugaison de plusieurs facteurs dont le responsable principal s’appelle Macky SALL.
Le président de l’APR a beaucoup trainé dans le choix des candidats et personne ne pouvait démarrer ses activités jusqu’à moins de 30 jours du scrutin. S’il y a une personne à sanctionner, c’est bien Macky SALL qui est l’artisan de cette débâcle électorale.
Tout était suspendu à ses humeurs. Finalement, les candidats étaient désignés avec beaucoup de retard. Durant la campagne, depuis son palais, sourire aux lèvres, il observait la souffrance des responsables de l’APR et de BENNO, se frottant sur le terrain, aux électeurs justement revanchards, sans argument pour pouvoir les convaincre à voter pour leur liste.
Monsieur le Président, vous avez perdu les élections parce que les sénégalais sont excédés et révoltés par les actes irresponsables posés par certains de vos proches comme l’affaire Djibril NGOM ancien mandataire de YEWWI à Matam.
Cette audience que vous lui avez accordée vous a coûté des milliers voix, du seul fait que les sénégalais ont condamné l’acte politique, mais aussi les jeunes militants de l’APR qui courent depuis 2012 derrière une audience avec vous, n’ont pas eu cet honneur. L’image de cette audience a fait le tour des chancelleries.
Le Sénégalais, même dans la pauvreté, reste digne et allergique à l’insolence et à l’arrogance devenues les traits de caractère de votre régime. Le pays est plongé dans une ambiance sociale délétère alimentée par les maladresses de votre gouvernement. De hauts responsables de l’APR et des jeunes qui ont mené tous les combats avec vous depuis 2008, se sentent aujourd’hui trahis. Ils ont été les premiers à sortir dans les rues pour jubiler le soir du 23 Janvier 2022 à la suite de la victoire de l’opposition. Leur satisfaction face à cette débâcle de BENNO, est une réponse au mépris qu’affiche votre regard à leur égard.
Monsieur le président, depuis quand les instances de l’APR ne se sont pas réunies. Les mouvements des Femmes, des Jeunes, des Cadres, le Secrétariat national sont plongés dans une profonde léthargie. Les réunions politiques ne sont plus convoquées, parce que vous ne voulez plus croiser leur regard accusateur et vous évitez d’essuyer des critiques de certains responsables qui n’ont pas froid aux yeux.
Monsieur le président, vous avez perdu les élections parce que vous êtes obsédé par votre volonté à vouloir «réduire l’opposition à sa plus simple expression». Vouloir créer un Sénégal sans opposition, c’est se tromper de pays. Cette ambition politiquement malsaine et démocratiquement abjecte a aujourd’hui engendré ce profil d’opposants jeunes qui risquent de réduire votre régime «à sa plus simple expression».
Monsieur le président, après avoir écarté Karim WADE ancien Ministre d’Etat et Khalifa SALL ancien Ministre et ancien Maire de Dakar du jeu politique national et poussé Idrissa SECK à vous rejoindre, vous avez, sans le vouloir, créé une nouvelle opposition jeune et virile : Ousmane SONKO, Bougane Guèye, Barthélémy DIAS, Guy Marius SAGNA etc…
Monsieur le président, vous êtes tombé dans votre propre piège. Il est évident qu’en écartant Karim WADE et Khalifa SALL, vous n’aviez pas imaginé la situation à laquelle vous risquiez de faire face en 2022. Ousmane SONKO leader de l’opposition, Maire de Ziguinchor, Barthélémy Dias Maire de Dakar, Ahmet AIDARA Maire de Guédiawaye, Pr Babacar DIOP Maire de Thiès, voilà le résultat de vos calculs qui avaient abouti à l’emprisonnement de Karim WADE et de Khalifa SALL.
Voilà le gain de votre volonté de «réduire l’opposition à sa plus simple expression». La certitude est qu’aujourd’hui, vous regrettez les milliards de franc CFA dépensés pour emprisonner et détruire les casiers judiciaires de Karim WADE et de Khalifa SALL. Tout ça pour ça ? Tout ça pour se retrouver seul dans la jungle face à Ousmane SONKO, à Barthélémy DIAS, au Pr Babacar DIOP, à Déthié FALL et consorts…
L’alternance générationnelle est ainsi faite au terme de ces scrutins. Cette victoire de Yewwi Askan Wi est une dynamique qui va se poursuivre jusqu’aux élections législatives de 2022 et à la présidentielle de 2024. Les Sénégalais aspirent au changement d’hommes et de méthodes. La jeunesse sénégalaise et africaine en générale veut s’affirmer et aspirent à plus de liberté. Les leaders du continent qui le comprendront, auront la chance de sortir par la grande porte. Aujourd’hui, l’opposition s’est rajeunie, le pouvoir ne devrait pas être en reste.
Monsieur le président de la République vous avez perdu les élections parce que vous n’avez pas voulu clarifier votre positon par rapport au 3e mandat. Ce mandat ne vous appartient pas et le suspens que vous tentez de créer va encore desservir votre coalition aux prochaines échéances. Car, les Sénégalais veulent t’entendre dire publiquement que vous n’allez pas vous représenter comme le président Muhamed Buhari vient de le faire au Nigéria et comme Mouhamadou Issoufou l’avait fait au Niger.
Monsieur le président, vous avez perdu les élections parce que vous n’avez jamais voulu écouter les conseils de votre défunt frère Me Alioune Badara CISSE. «Nous sommes à votre disposition pour vous écouter. Les Sénégalais veulent vous entendre pourquoi vous ne leur parlez pas ?» avait déclaré l’ancien médiateur. «Il est important de faire entendre le langage de la vérité aux autorités».
Monsieur le président, vous avez perdu les élections parce que vous êtes très en retard par rapport aux Sénégalais que vous dirigez. La société sénégalaise a connu une mutation très profonde qui semble vous échapper. Au-delà du Sénégal, c’est le monde qui est en train de subir une transformation avec l’influence du média social.
Aux Etats-Unis, un opérateur économique a été élu président de la République, Donald Trump. En Ukraine, c’est un humoriste collègue de Samba Sine alias «Kouthia» qui a été élu chef de l’Etat. En France, c’est un Eric Zemmour sorti de nulle part qui grimpe dans les sondages. Le système politique classique a atteint ses limites et les populations ont démystifié l’élite politique traditionnelle.
De nouveaux leaders émergents en Afrique et dans le monde. Le Sénégal n’est pas en reste et les profils élus dans certaines localités confirment cette mutation des sociétés politiques. Aucun pays n’échappera à l’influence de cette mutation. C’est tout ce qui explique la montée fulgurante de certains profils dans l’opposition et dans la société civile. Un leader averti devrait anticiper pour aborder paisiblement ce virage afin d’éviter une cassure des fondements de notre démocratie. Ibrahima Boubacar Keïta du Mali, Roch Kaboré du Burkina et Alpha Condé de la Guinée, ne l’ont compris que lorsqu’ils ont perdu le pouvoir. Au Sénégal, les électeurs ont réglé le problème par les urnes en attendant les échéances futures.
Monsieur le président, 2024 c’est demain. Il vous reste juste quelques cartes en main qui devraient vous servir à rectifier le tir en faisant confiance à la jeunesse. Mais, cela devrait passer par la clarification de votre non-participation à la présidentielle de 2024 d’abord. Vous avez publiquement déclaré que, «tant que vous êtes à la tête du pays, l’homosexualité ne sera jamais dépénalisée». Bravo ! Toutefois, vous devrez continuer en disant à vos compatriotes que «vous ne ferez pas moins que Diouf et Wade, et qu’en 2024, vous allez organiser des élections libres et démocratiques, que le meilleur gagne». En renonçant à une 3e candidature, vous rendrez un service à votre coalition qui certainement aura plus de chance aux prochaines élections législatives. Mais, en s’entêtant à vouloir maintenir le suspens, vous allez encore subir les conséquences de la pire des manières.
Monsieur le président, vous avez perdu, parce que les Ministres semblent remettre en cause votre autorité. Et cela se traduit par leur refus, pour la majeure partie d’appliquer vos directives. Les populations se sont alors rendues compte que le «fast track » n’était qu’un slogan.
Monsieur le président, êtes-vous au courant de la grève des enseignants depuis quelque temps ? Avez-vous des solutions pour satisfaire leurs revendications ou bien votre Gouvernement compte continuer dans sa logique de dilatoire face aux engagements pris face aux Syndicats ? Comment pouvez-vous gagner des élections alors qu’en pleine campagne électorale, les professeurs sèchent les cours provoquant l’amertume des parents d’élèves ?
Monsieur le président, vous avez perdu les élections et il faudra faire une lecture lucide et sage des résultats, afin d’éviter de commettre des erreurs qui seraient fatales pour vous, pour votre famille et pour le Sénégal. Ensuite, dans vos paramètres de réflexion devant vous conduire à une prise de décision, tenez toujours compte de ce qui s’est passé au Mali, au Burkina Faso, au Tchad et en Guinée…
Mamadou Mouth BANE