Lettre ouverte à Monsieur le président de la République- La place d’un étudiant n’est pas la prison (Par Kalounaye Sané)

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Monsieur le Président, Comme tout sénégalais, je constate avec beaucoup de regrets que la saga d’emprisonnement des étudiants se poursuit encore, avec la mise sous mandat de dépôt de quatre autres, accusés comme les premiers d’atteinte à la sûreté publique et d’association de malfaiteurs. Mettre en prison quatre jeunes sénégalais, c’est sacrifier des espoirs de quatre familles sénégalaises et pire encore, des espoirs de toute une nation. Depuis le 23 mars 2015, des étudiants croupissent en prison en même temps que Toussaint Manga secrétaire général de l’UJTL et ont déjà perdu hélas, l’année académique en cours.

Voilà que s’ajoutent à cette liste, d’autres étudiants dont le seul tort est d’avoir été au campus ce jour-là, autrement dit au mauvais moment et au mauvais endroit. Libérez ces étudiants car leur place n’est pas la prison mais plutôt, dans les amphithéâtres, dans les bibliothèques, dans les salles de classes et dans les campus universitaires ; en train de chercher le savoir, le savoir-faire et le savoir-acquis. Loin de moi l’idée de cautionner le caillassage d’un cortège présidentiel, qui est une première faut-il le rappeler dans l’histoire des revendications estudiantines au Sénégal, mais je vous demande tout simplement de bien vouloir résoudre le mal au niveau de la racine, c’est-à-dire de revoir le mode management de notre système éducatif.

Tous les régimes qui se sont succédé avant votre magistère ont eu à former des mouvements d’étudiants du PS à l’APR en passant par le PDS, mais jamais au plus grand jamais l’on n’ a noté ce qui s’est produit lors de votre visite à l’UCAD. Je me pose alors la question de savoir est-ce le cortège du chef de l’Etat qui a été caillassé ou celui du candidat Macky ? Parce que, l’ambiance folklorique lors de l’accueil était maquée de T-shirts et de banderoles aux couleurs de votre parti en lieu et place du drapeau national. Monsieur le Président, dans le système éducatif, il me plait de le préciser, que l’étudiant n’occupe que le dernier palier, son devoir c’est d’ETUDIER, c’est comme en entreprise un PRODUIT. La qualité de ce « PRODUIT » dépend donc entièrement du top management et en premier lieu de l’Etat dont la responsabilité n’est pas à écarter. Je demeure convaincu Monsieur le Président que cet incident aurait pu être évité si des mesures idoines étaient prises à temps pour pacifier l’espace universitaire, décrisper la tension dont les prémisses se faisaient déjà sentir et enfin, dépourvoir de toute connotation politique cette importante visite.

Halte au sacrifice d’innocents étudiants ! Les causes de ce qui s’est produit lors de votre visite doivent être cherchées ailleurs, ne faites pas de ces étudiants des boucs émissaires. Nous savons tous que la fougue de jeunesse a toujours animé tout étudiant au point d’en poser parfois des actes hélas regrettables comme le cas des bus saccagés de Dakar Dem Dikk et parfois même, la destruction de biens d’honnêtes citoyens sénégalais. C’est là, une manifestation évidente d’une foule en furie et qui plus-est d’un mouvement estudiantin. Est-ce une raison suffisante pour les mettre en prison ? Est –ce que c’est de leur faute d’ignorer le principe sacro-saint du respect de l’institution que vous représentez ? N’était-ce pas là le signe évident de l’incivisme de notre population ? Voilà autant de questions que je me pose et qui nous interpellent tous en tant que sénégalais. Monsieur le Président, le mal qui gangrène notre système éducatif dépasse de loin les étudiants, c’est la résultante de tant d’incohérences dans la prise en charge des revendications aussi bien estudiantines que syndicales par votre régime. Pour en citer quelques exemples, il me semble que la question des bourses, de la réforme universitaire, de l’université virtuelle, de l’enquête sur le meurtre de l’étudiant Bassirou Faye et tant d’autres sont encore pendantes.

Monsieur le Président, ces quatre étudiants aux mains de la justice ne peuvent pas tenir en haleine tout un dispositif sécuritaire avec des jets de pierres. Alors, s’il vous plait ne jetez pas l’anathème sur ces malheureux étudiants qui par coïncidence sont des militants actifs de certains partis de l’opposition. C’est pourquoi, je vous prie de bien vouloir les libérer et de libérer également les autres étudiants détenus depuis le 23 mars 2015. Cela contribue à mon avis, à décrisper le climat social déjà tendu dans le pays et à vous permettre de vous focaliser sur des priorités comme l’énergie, l’agriculture avec la soudure en milieu rural, les inondations avec l’hivernage qui s’installe et la recrudescence de la criminalité.

J’attire votre attention sur le caractère sensible de ce problème et le « crime » que vous commettez en privant à ces étudiants de leur droit fondamental à l’éducation. Ne faites pas de ces étudiants des malfrats, votre devoir en tant que Président est de protéger tous les sénégalais. Comme dans la mythologie grecque, couper une tête, deux, voire trois de l’hydre de Lerne ne l’empêche pas de vivre car d’autres têtes vont pousser à nouveau. Ne donnez pas aux étudiants une raison de plonger à nouveau le pays dans une spirale de grèves interminables. Il est grand temps Monsieur le Président d’arrêter cette persécution des étudiants sinon l’histoire politique du Sénégal retiendra que c’est sous votre magistère que des étudiants sont condamnés pour le délit de « caillassage au cortège du président ».

Kalounaye SANE Hann Mariste Dakar 

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