Lettre ouverte à Monsieur Abdoulaye Daouda Diallo, Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique du Sénégal

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Monsieur le Ministre, 

C’est encore avec émoi et consternation que les sénégalais ont appris ce mercredi 10 février, le décès par accident de deux sœurs, Marie Parsine Diop Ndiaye et Rokhaya Diop. 
Selon les témoignages recueillis par les journalistes, c’est l’acte irresponsable d’un chauffeur de minicar qui a voulu faire demi-tour sur l’autoroute, qui a coûté la vie à ces sœurs. 
Si la volonté divine est souvent mise en avant, la responsabilité de l’homme ne peut nullement être occultée. 
Monsieur le Ministre, les choses se répètent et se ressemblent sans que vous ne preniez l’ampleur du danger qui nous guette. En effet, Il ne se passe un seul jour sans que des accidents ne soient répertoriés sur le territoire national. Ceci, généralement, du fait de l’indiscipline de certains usagers de la route. Si le problème des accidents n’est pas spécifique au Sénégal, il faut constater que les causes dans notre pays, relèvent souvent de l’indiscipline caractérisée de la plupart des conducteurs.
Monsieur le ministre, le laxisme, l’inaction et l’indifférence de vos agents (policiers et gendarmes) ont créé les conditions d’une généralisation du phénomène de l’indiscipline, avec son cortège de blessés et de morts, chaque jour que Dieu fait.
Comment comprendre, qu’en 2016, dans un pays qui aspire à l’émergence économique, que soit encore autorisé des « car-rapides » dont la plupart date des années 70, avec des receveurs communément appelés « apprentis » qui s’y agrippent sous l’indifférence des autorités.
Comment comprendre, Monsieur le Ministre, que des « minibus TATA » qui devaient souffler un vent de renouveau dans le secteur du transport, soient autorisés à rouler avec des surcharges extraordinaires de passagers sous le regard indifférent de nos agents de sécurité?
L’avidité des transporteurs, le manque de contrôle et de sanctions ont poussé les chauffeurs à établir un « code de l’indiscipline ». Des humains sont parqués comme du bétail dans des véhicules dont la plupart sont en fin de vie. L’essentiel étant de faire le maximum de profit, le confort des usagers n’est nullement pris en compte. Ainsi, à certaines heures, des chauffeurs se garent tout simplement au niveau des arrêts dans l’attente de « clients ».

Comment comprendre, lors des matchs de navétanes et pendant les combats de lutte, que des « cars-rapides » portant à la place des bagages, des jeunes inconscients, passent devant des agents de sécurité sans qu’ils ne soient arrêtés ?

Aujourd’hui, c’est avec amertume que nous constatons le mépris de nos autorités envers les masses populaires. Il ne faut surtout pas que le confort de vos bureaux et de vos véhicules vous poussent à oublier le rôle qui est le vôtre. De par votre fonction, vous êtes aujourd’hui garant de la sécurité des sénégalais. Les actes que vous posez, doivent avoir des impacts directs sur le quotidien sécuritaire des populations.
Depuis que des sénégalais vous alertent sur le péril des bus TATA, des véhicules de transport interurbain et des taxis, vous n’avez pas pris la moindre mesure allant dans le sens de la protection des citoyens dans ce sens. Aujourd’hui, hormis celles des bus de la société « Dakar Dem Dikk », les plaques d’indications des arrêts, ne servent plus que de tableaux d’affichages d’annonces publicitaires. Les chauffeurs s’arrêtent n’importe où et n’importe comment, pour prendre des « clients », ils s’arrêtent aussi durant de longues minutes pour attendre d’éventuels « clients », font la course pour arriver premier au « terminus ». Les mêmes pratiques, les mêmes abus, les mêmes chauffeurs, les mêmes policiers pour les mêmes catastrophes.
Notre police nationale est devenue une unité de répression, elle charge les manifestants des causes nobles, elle charge les maires et les opposants c’est-à-dire ceux qui constituent un danger pour la réélection du président. Les agents de sécurité ne sont mobilisés que lorsqu’il s’agit de faire face à des adversaires politiques, ou à des jeunes qui se battent contre les abus et la dépravation des mœurs. Notre police est devenue, une unité au service exclusif du président de la république et de ses ministres qui les utilisent pour sécuriser leurs demeures, leurs bureaux et leurs déplacements.
L’inaction de vos agents a poussé des conducteurs à emprunter des passerelles pour piétons, d’autres à emprunter des sens interdits car sachant que les sanctions sont inexistantes.
Aujourd’hui, les sénégalais sont en danger, ils sont en danger surtout parce qu’un simple billet de banque peut devenir une autorisation de tuer, ils sont en danger parce que les contrôles et les sanctions se limitent à l’aspect administratif (vérification de papiers). Tous les usagers de la route sont en danger de mort du fait de l’inaction de leurs autorités.
Les citoyens et conducteurs des autres pays ne sont pas forcément plus disciplinés que les sénégalais mais la peur de se voir infliger une forte amende, de se faire retirer son permis de conduire, ou tout simplement de se retrouver derrière les barreaux, a fini par dissuader ceux qui seraient tenter de s’adonner à certaines pratiques.

Monsieur le ministre, vous avez une occasion d’arrêter le carnage, vous avez les moyens de contribuer à un changement positifs des comportements, vous pouvez sauver des vies. Monsieur le Ministre, transformer vos forces de répression, en force de sécurité au service du peuple, transformer votre ministère en instrument de service public et non en ministère chargé des élections et des interdictions de marches. Pour y arriver, vous n’aurez pas besoin de proposer des lois, des arrêtés et des circulaires supplémentaires, vous aurez juste besoin de faire appliquer les textes qui existent déjà.
Oui Monsieur le Ministre, vous ne pouvez pas tout faire, mais vous pouvez contribuer à un changement positif des mentalités, tout simplement en remplissant comme il se doit les missions qui vous sont assignées.
En synergie avec le ministère des transports et des autres autorités compétentes, vous devez prendre un certain nombre de mesures, notamment :
Que les chauffeurs des transports en commun soient poussés à respecter les points d’arrêts,
Que les citoyens soient autorisés à filmer, photographier et poster sur le site du ministère les actes d’indisciplines dont ils seront témoin. Et pour cela, mettre à la disposition des citoyens un site internet de sensibilisation et de publication de ces actes ainsi qu’un numéro vert,
Fixer une durée de vie maximale de 15 ans pour les véhicules de transport en commun, tout en exigeant le respect de certaines normes de sécurité et de confort minimales,
Limitation chiffrée du nombre de passagers à transporter, grâce à un système de contrôle à temps réel du nombre d’usagers en cours de transport,
Que soit établi un permis de conduire spécifique pour transport en commun avec des règles spécifiques et une possibilité de retrait au-delà d’un certain nombre d’infraction,
mener des enquêtes pour déterminer les raisons qui poussent des chauffeurs d’une même ligne à se faire la course, mettant en danger des vies,
Que les examens du permis de conduire ne consistent plus uniquement au passage du créneau entre des pneus, avec ces examinateurs zélés, mais que les candidats soient évalués grâce à un examen sérieux,
Que sur les tenus de nos agents de sécurité, les noms et matricules soient mises en valeur afin que les citoyens puissent dénoncer les éventuels abus.
En comptant sur votre engagement pour Sénégal meilleur, veuillez recevoir, Monsieur le Ministre, l’expression de ma haute considération.

Mohamadou SECK
Professeur de sciences économiques et sociales
Doctorant en Intelligence Economique à l’Université Paris 8 et en Sciences de Gestion à l’UCAD.
E-mail : seckmoham@gmail.com

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