Lettre ouverte à Monsieur Abdou DIOUF, Secrétaire Général de la Francophonie, sur les difficiles conditions de vie des malades mentaux errant au Sénégal.
Monsieur le Secrétaire Général
Le Sénégal va abriter, du 29 au 30 novembre 2014, le quinzième Sommet de la Francophonie, avec de nombreux Chefs d’Etats et de Gouvernements qui prendront part à cette importante manifestation que notre pays a encore, pour la seconde fois, l’honneur d’abriter. Marquant ainsi la fin de votre mandat à la tête de cette prestigieuse organisation planétaire, cette rencontre de Dakar sera aussi l’occasion pour tous les participants, de saluer à sa juste valeur, le travail très remarquable et salutaire que avait eu à accomplir pour toute la communauté francophone, de manière générale. Pour cela, veuillez recevoir ici au préalable, toutes nos sincères félicitations et remerciements d’avoir hisser à un niveau si élevé et important, notre diplomatie qui a toujours fait de notre cher pays, une très grande nation, bien respectée à travers le monde. Mais, à côté de toutes ces belles réalisations, magnifiées par l’ensemble de vos concitoyens, nous sommes malheureusement au regret d’attirer votre attention, à quelques heures seulement de l’ouverture officielle de vos travaux, sur les difficiles conditions de vie des malades mentaux errant au Sénégal, dans notre Capital plus particulièrement, au nombre de deux mille cent quatre vingt douze (2192). Comme vous le savez déjà puisqu’étant promulguée par le Président feu Léopold Sédar SENGHOR, alors que vous étiez son Premier Ministre, la loi n°75-80 du 09 juillet 1975, relative au traitement des maladies mentales et au régime d’internement de certaines catégories d’aliénés, a très clairement ordonné, en son article premier, leur prise en charge médicale gratuite, par décision de justice. Et, c’est la raison pour laquelle, le Centre Hospitalier National Psychiatrique de Thiaroye, étant devenu entre temps un Etablissement Publique de Santé (EPS) de niveau 3 qui ne peut plus donc leur assurer ces traitements médicaux, nous leur avons trouvé un autre endroit comme c’était prévu dans cette loi, plus que jamais conforme à nos réalités, pour leur permettre d’accéder ainsi à leurs droits les plus élémentaires et inaliénables , à la santé et au bien-être.
En clair, il s’agit du Centre d’Encadrement et de Traitement des Malades Mentaux Errants, construit à notre demande à Bouchra au niveau de Kaolack depuis 2004, sur un terrain de quatre hectares que ladite Commune avait octroyé en 2001 à notre Association Sénégalaise pour le Suivi et l’Assistance aux Malades Mentaux (ASSAMM), initiatrice et bénéficiaire même de cette magnifique structure. Mais, malheureusement, à notre grande déception, dès son accession au pouvoir en mars 2012, le Président Macky SALL et son Gouvernement, à travers son Ministre de la Santé et de l’Action Sociale, le Professeur Awa Marie Coll SECK, s’opposent injustement, par simple abus de pouvoir, à leur internement, comme initialement prévu, dans ce Centre de Kaolack qui, malgré son inauguration très médiatisée par son ex-Premier Ministre Madame Aminata TOURE, seulement pour tromper la vigilance des populations, reste jusqu’ici fermé, c’est-à-dire, non fonctionnel. Alors que les malades mentaux errants pour qui il a été crée, meurent régulièrement en pleine rue, sans aucune assistance, notamment à Dakar, ce qui est d’ailleurs totalement contradictoire au respect des droits de l’Homme auquel votre institution accorde beaucoup d’importances. Egalement, pour nous qui avons bénévolement choisi d’être au service de cette couche la plus vulnérable de notre société, le pouvoir en place nous empêche ainsi de travailler après avoir sacrifié plus de quinze longues années de notre vie, pour défendre à juste raison, ces concitoyens ne jouissant pas de leurs facultés mentales. Pourtant, pour résoudre facilement ce grave problème national qui entrave énormément la sécurité publique, nous ne demandons présentement rien absolument à l’Etat du Sénégal, si ce n’est que de nous impliquer directement, en tant que pionniers de la lutte contre ce vaste fléau social, pour qu’ensemble, nous puissions y apporter les solutions pratiques qui sont déjà à notre disposition. Aujourd’hui, à quarante huit heures de cette grande rencontre internationale, vous pouvez bien sûr constater de vous-mêmes, de leur présence massive dans les rues notre Capital, avec tout ce que ce triste spectacle désolent pourrait avoir comme conséquences néfastes pour les nombreux hôtes de marque de notre pays. A Tambacounda, il y a seulement quelques mois, neufs d’entre eux avaient été sauvagement assassinés pour des raisons jusqu’ici inconnues, par des malfaiteurs que ni la police, la gendarmerie encore moins la justice sénégalaise n’ont pas pu encore identifier malgré tous les indices qu’elles avaient dont les grosses pierres, utilisées pour fracasser la tête de l’une des malheureuses victimes, et montrées même en image sur la télévision nationale (Rts).
Monsieur le Secrétaire Général, après avoir souhaité la bienvenue en terre sénégalaise, à vous personnellement et l’ensemble des Chefs d’Etats et de Gouvernements, nous souhaiterions que la Commission des Droits de l’Homme de la Francophonie statue sur le cas de ces malades mentaux errants, laissés à eux-mêmes, malgré l’existence de toutes les conditions nécessaires pour leur prise en charge médicale et leur réinsertion dans la société. Ceci, non seulement pour préserver la sécurité des populations mais, aussi et surtout, pour leur permettre d’accéder à leur droits à la santé, surtout que leurs chances de guérison à quatre vingt dix pour cent des cas, est reconnue, aussi bien par l’Organisation mondiale de la santé (Oms), que par nos éminents spécialistes de la santé mentale, dont le Professeur Aïda SYLLA, Chef de la Division de la Santé Mentale, au Ministère de la Santé et de l’Action Sociale, le Professeur Mamadou Habib THIAM, Chef du Service de la Psychiatrie du Centre Hospitalier National Universitaire de Fann et Docteur Léopold BOISSY, Médecin Chef de l’Hôpital Psychiatrique de Thiaroye.
Espérant avoir une suite favorable à nos requêtes, pour le respect strict des droits de ces malades mentaux errants, veillez agréer, Monsieur le Secrétaire Général, l’expression de notre considération distinguée.
Rufisque, le 27 novembre 2014
Ansoumana DIONE, Président de l’Association Sénégalaise pour le Suivi et l’Assistance aux Malades Mentaux (ASSAMM) – Tel : 77 550 90 82