Les bienheureux boulevards du nouveau Rwanda
«Il n’y a pas de destin forclos, il n’y a que des responsabilités désertées». Il y a de cela une décennie, je suis tombé, au cours de mes lectures sur cette belle maxime d’un grand homme qui a marqué son temps. J’ai été attiré et ébloui par la justesse de ces propos, la teneur de cette courte phrase. Ceci a été pour moi un réconfort dans ma quête du sens et un viatique pour la vie. Cela signifie qu’il ne faut jamais abandonner, jamais. Ne point laisser la place à un quelconque découragement. La vie est un éternel combat. Relever les défis est notre destin, se battre nous appartient car la réussite est au bout de l’effort.
Personne ni aucun peuple n’est condamné. Soit on se résigne, on se «remet à Dieu» et on déserte ses responsabilités, soit on se relève et on continue. L’histoire retiendra qu’un petit pays de l’Afrique de l’est (de par sa superficie) a choisi la deuxième voie. Magnifique ! Cette ancienne colonie allemande avant de devenir belge a connu une histoire tumultueuse, comme d’ailleurs la plupart des pays des grands lacs, mais d’une autre façon, une façon qui a engendré des cassures et des blessures profondes.
Quand j’ai eu l’opportunité de séjourner au Rwanda et notamment dans sa capitale Kigali, il y a de cela quelques bonnes semaines, je me suis dit au fond de moi : ah bien oui, il a raison ! Ce que ce pays est devenu, ce à quoi Kigali ressemble maintenant prouve à merveille qu’il n’y a point de «destin forclos».
Par vol Kenya Airways, après une courte escale à Nairobi, on arrive à Kigali au petit matin, lorsque les dernières lueurs du jour ont fini de chasser les dernières ténèbres de la nuit, lorsque l’activité reprend timidement mais sûrement dans la ville aux innombrables collines. On est d’abord frappé par la disponibilité du personnel de l’aéroport et la propreté des lieux. L’aéroport de Kigali est impeccable. Les formalités sont vite réglées et les bagages rapidement récupérés, ici on ne perd pas de temps pour des futilités et chaque agent vous accueille avec un large sourire. On vous écoute, on vous oriente, on vous parle avec courtoisie, et cerise sur le gâteau, on vous souhaite un excellent séjour. Et si c’est un chauffeur disponible et courtois qui vient vous accueillir, alors vous aurez beaucoup de réponses sans avoir à poser beaucoup de questions. Sur le chemin qui mène à l’hôtel ou à un autre lieu de destination, vous aurez un régal : des routes bien faites, de très jolies bordures vertes, de beaux arbres bien taillés vous giflent l’œil en passant ; pas de bruits de klaxon excessifs et les ronds-points constituent des œuvres d’art.
A la réception de l’hôtel Umubano, vous êtes accueilli comme un roi quelque soit votre statut. Ici la sécurité est une priorité et le plus petit agent est professionnel jusqu’au bout des ongles. Quelle belle ville, me diriez-vous, certainement. Et pourtant ce n’est que le début.
A Kigali, tout le monde est au pas, toute chose est bien rangée. Sur les artères, les piétons traversent les routes à travers les passages cloutés. Naturellement ! Les motocyclistes ont tous deux casques obligatoires, l’autre est pour le passager : être ordonné et prudent est devenu un réflexe quotidien, ancré dans la conscience collective. Ici les sacs en plastique sont interdits depuis 2006, ils ont été remplacés par des sacs en papiers biodégradables, comme dans tout le reste du pays.
Il est donc aisé de constater que les autorités ont une vision claire de ce qu’elles veulent faire : une transformation structurelle de la société, un développement harmonieux et intégré.
Si vous vous promenez à travers la ville le dernier samedi du mois, vous seriez étonné par le vide et le silence : c’est l’Umuganda : le travail communautaire pour tous. Les citoyens de plus de 16 ans sont censés participer à l’œuvre collective. Quelle belle formule ! Les travaux sont organisés au niveau des plus petites échelles de l’Administration territoriale.
Le visiteur est sans doute émerveillé par tous ces chantiers qui sortent de terre. C’est une multitude de nouveaux bâtiments, des centres commerciaux aux normes et des routes goudronnées sans nid de poules. Cette belle vue panoramique ne concerne pas que Kigali, m’a-t-on dit. Allez à Butare ou ailleurs, c’est le même spectacle de changement qui s’offre à vous.
J’estime, pour ma part, qu’il faut rendre un vibrant hommage au Président Paul Kagamé. En tout cas, les projets spectaculaires accomplis par les autorités rwandaises sont unanimement décrits par les économistes. Félicitations au Général pour avoir récupéré un pays en lambeaux, exsangue, ravagé par le génocide et de l’avoir relevé pour le porter au sommet, mais surtout pour y avoir installé l’ordre, mais surtout encore pour avoir transformé la mentalité des populations. Le cadre de banque, l’agent de l’administration, le planton en service à la City Tower, la caissière à Nakumatt te diront qu’ils ne sont ni H…, ni T… mais des Rwandais (et pas plus) et qu’ils parlent tous le Kinyarwanda et le Kiswahili. Quel merveilleux et beau pays ! A l’accueil du Kigali Génocide Mémorial, le jeune homme ou la jeune dame vous guide et vous oriente ; il ou elle vous donne des mouchoirs pour essuyer vos larmes, mais il ou elle refuse de pleurer. On vous regarde avec dignité et vous remercie avec élégance. Je suis fier de ce que le Rwanda a pu accomplir, de ce que le Rwanda est devenu seulement en deux décennies après les douloureux évènements de 1994.
Ceci doit constituer un exemple pour toute l’Afrique. Le développement est possible, mais cela commence par un changement des mentalités, des habitudes et des comportements. Il faut avoir une mentalité de développé pour pouvoir émerger. C’est la voie de la sagesse. La persévérance dans l’effort nous réserve des destins bienheureux et nous trace de larges boulevards. C’est à travers ces larges boulevards que le Rwanda, ce «petit pays», est devenu «un nouveau grand pays».
Amadou Tidiane FALL
Administrateur civil
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