Le Festival de Cannes présente sa sélection 2020, malgré l’absence de manifestation
Privée de festival sous sa forme habituelle, Cannes livre néanmoins sa sélection de 56 films distingués parmi les 2 067 longs-métrages visionnés par ses organisateurs.
Le 73e Festival de Cannes n’a pas eu lieu mais il existe. Ce paradoxe a été soutenu, mercredi 3 juin en fin de journée sur Canal+, par Thierry Frémaux, son délégué général, qui a présenté une sélection de 56 films. « Il n’a jamais été question pour nous d’annuler », a-t-il répété, comme il le fait avec constance depuis trois mois, dans un long communiqué transmis aux médias, rappelant que le festival avait dû s’incliner deux fois sous la pression des événements extérieurs – la seconde guerre mondiale et Mai 1968. « Si le Festival international du film ne pouvait prendre sa forme habituelle, il fallait pour nous qu’il se présente autrement. Mais pas qu’il disparaisse.
Au-delà de leur destin individuel – le public en fera un succès ou un flop –, les œuvres retenues auront une mission générale et altruiste : susciter un désir de cinéma quand les salles rouvriront, à partir du lundi 22 juin. « Décider de livrer une Sélection officielle est la meilleure façon d’aider le cinéma », souligne M. Frémaux dans son communiqué. « La réouverture des salles, après des mois de fermeture, est un enjeu crucial. Même en l’absence d’événement sur la Croisette, surtout en l’absence d’événement sur la Croisette, la Sélection officielle conservera donc son rôle », veut-il croire.
Cette situation exceptionnelle a conduit les organisateurs à délaisser les catégories habituelles (« Compétition », « Un certain regard », « Hors compétition », « Séances de minuit », « Séances spéciales ») au profit de nouvelles catégories telles que : « Les fidèles », « Les nouveaux venus », « Premiers films », etc. A la question habituelle qu’ils se posaient lors des précédentes sélections : « Est-ce un film pour Cannes ? », les responsables assurent en avoir substitué une autre : « N’est-ce pas un film parfait pour le retour en salles ? »
Pour la première fois, la barre symbolique des 2 000 films candidats à figurer sur la Croisette est franchie
Les 56 films distingués sont issus du visionnage de 2 067 œuvres par le comité de sélection. Pour la première fois, la barre symbolique des 2 000 films candidats à figurer sur la Croisette est franchie. Ils n’étaient « que » 1 945 en 2019. Cet engouement constitue la preuve, pour les organisateurs, de l’attraction cannoise, quand bien même la décision d’annuler le festival physique avait été prise. Non sans perfidie, l’un d’entre eux explique que des cinéastes ont préféré voir leur film figurer dans la sélection Cannes 2020 plutôt que de concourir en septembre à la Mostra de Venise qui, pour l’heure, est maintenue… Certains films labellisés pourront concourir dans d’autres festivals comme Saint-Sébastien ou Toronto. Les discussions sont toujours en cours avec Venise. D’autres seront projetés en avant-premières dans des manifestations dont ils seront un atout supplémentaire.
« Un cinéma pugnace »
Ce succès s’illustre aussi par la forte présence de premiers longs-métrages : 909 ont été soumis au comité de sélection, quinze ont été retenus. Autre satisfaction pour les organisateurs : la présence des femmes. Si on observe un fléchissement du nombre de celles qui ont présenté leur film à la sélection (532 contre 575 en 2019), le total des longs-métrages réalisés par des femmes dans la sélection est en hausse : 16 contre 14 en 2019.
Autre particularité de ce festival sans glamour ni palmarès : le nombre de films français représente plus du tiers de la sélection. Un passe-droit ? « Non, la récompense de la qualité », répondent les organisateurs. Et un geste politique. « La France montre ainsi l’exemple d’un cinéma pugnace, qui défend une vision, produit ses propres films et met en valeur ceux des autres pays », martèle Thierry Frémaux.
Et maintenant ? La sélection Cannes 2020 repose largement sur un vœu pieux et un hypothétique cercle vertueux, à savoir que des œuvres de qualité relancent la fréquentation des salles. « Cette Sélection, elle est là, et elle est belle, s’enthousiasme Thierry Frémaux en conclusion de son communiqué. Elle dit que le cinéma est plus vivant que jamais. Le cinéma n’est pas mort, il n’est même pas malade. » Reste à le démontrer au plus vite.
- Les fidèles (déjà venus au moins une fois en Sélection officielle)
The French Dispatch, de Wes Anderson
Eté 85, de François Ozon
Asa ga Kuru (True Mothers), de Naomi Kawase
Lovers Rock, de Steve McQueen
Mangrove, de Steve McQueen
Druk (Another Round), de Thomas Vinterberg
ADN (DNA), de Maïwenn
Last Words, de Jonathan Nossiter
Heaven : To The Land of Happiness, d’Im Sang-soo
El olvido que seremos, de Fernando Trueba
Peninsula, de Yeon Sang-ho
In the Dusk (Au crépuscule), de Sharunas Bartas
Des hommes, de Lucas Belvaux
The Real Thing, de Koji Fukada
- Les nouveaux venus
Passion simple, de Danielle Arbid
A Good Man, de Marie-Castille Mention-Schaar
Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait, d’Emmanuel Mouret
Souad, d’Ayten Amin
Limbo, de Ben Sharrock
Rouge (Red Soil), de Farid Bentoumi
Sweat, de Magnus von Horn
Teddy, de Ludovic et Zoran Boukherma
February (Février), de Kamen Kalev
Ammonite, de Francis Lee
Un médecin de nuit, d’Elie Wajeman
Enfant terrible, d’Oskar Roehler
Nadia (Butterfly), de Pascal Plante
Here We Are, de Nir Bergman
- Un film à sketches
Septet : The Story of Hongkong, d’Ann Hui, Johnnie To, Tsui Hark, Sammo Hung, Yuen Woo-Ping, Patrick Tam et Ringo Lam
- Premiers films
Falling, de Viggo Mortensen
Pleasure, de Ninja Thyberg
Slalom, de Charlène Favier
Casa de antiguidades (Memory House), de Joao Paulo Miranda Maria
Broken Keys (Fausse note), de Jimmy Keyrouz
Ibrahim, de Samir Guesmi
Beginning (Au commencement), de Dea Kulumbegashvili
Gagarine, de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh
16 printemps, de Suzanne Lindon
Vaurien, de Peter Dourountzis
Garçon chiffon, de Nicolas Maury
Si le vent tombe (Should The Wind Fall), de Nora Martirosyan
John and The Hole, de Pascual Sisto
Striding into The Wind (Courir au gré du vent), de Wei Shujun
The Death of Cinema and My Father Too (La Mort du cinéma et de mon père aussi), de Dani Rosenberg
- Documentaires
En route pour le milliard (The Billion Road), de Dieudo Hamadi
The Truffle Hunters, de Michael Dweck et Gregory Kershaw
9 jours à Raqqa, de Xavier de Lauzanne
- Comédies
Antoinette dans les Cévennes, de Caroline Vignal
Les Deux Alfred, de Bruno Podalydès
Un triomphe (The Big Hit), d’Emmanuel Courcol
L’Origine du monde, de Laurent Lafitte
Le Discours, de Laurent Tirard
- Films d’animation
Aya to Majo (Earwig and The Witch), de Goro Miyazaki
Flee, de Jonas Poher Rasmussen
Josep, d’Aurel
Soul, de Pete Docter
Le Monde