Le Bloc-notes de Abdou GNINGUE: Plus jamais ça !
J’ai honte pour mon pays ! Après ce qui s’est passé la semaine dernière entre deux groupes d’étudiants identifiés comme Sereers et Diolas. Je suis peiné parce que ces deux groupes, selon la légende, sont les descendants de deux sœurs jumelles Aguene, la Diola et Diambogne la Sereer, séparées à cause du chavirement de leur embarcation en pleine mer.
Après avoir dérivé, chacune d’elle a échoué sur une rive pour y fonder une communauté. Depuis les temps immémoriaux, ces deux ethnies se considèrent comme des cousins de sang. Chaque Groupe veille au respect de cette parenté avec des manifestations concrètes. Par exemple, si un Diola immole un animal, avant de toucher à la viande, il demande s’il y a un Sereer dans l’assistance pour qu’il vienne prendre sa part avant toute consommation. Ce rituel est respecté dans toutes les circonstances.
Autre exemple de ce cousinage pris très au sérieux par ces deux groupes, c’est de ne jamais faire du mal et ne jamais verser une goute de sang d’un des membres. On raconte cette histoire vraie qui s’est passée au début de la rébellion dans le Sud. Un haut fonctionnaire en tournée dans la région a vu son convoi braqué par des rebelles.
Quand le cortège s’est arrêté, l’homme en arme a voulu dépouiller les passagers mais le haut fonctionnaire Sereer d’origine et connaissant les liens de cousinage qu’entretiennent les deux groupes, lance au braqueur ces quelques mots : Va dire à ton chef que son cousin Sereer lui demande de venir lui répondre. Ce dernier s‘exécute et va rendre compte à ce chef, imbu lui aussi de sa culture Diola comme le haut fonctionnaire Sereer. Il lui ordonna illico presto de retourner sur ses pas et de libérer immédiatement le convoi tout en lui donnant un cadeau en guise d‘excuse à son cousin Sereer. Voilà ce qui a toujours caractérisé les relations séculaires entre Diolas et Sereers . On pouvait multiplier les exemples à l‘infini.
Un autre fait significatif de cette parenté voulue et acceptée par Diolas et Sereers, nous est donné par Saliou Sambou ancien gouverneur de la région de Fatick, Diola de pure souche qui a fait renaître ce cousinage en créant le Festival des origines qui se réunissait alternativement dans une localité de Casamance et du Sine.
C’était des moments de retrouvailles au cours desquelles Saltigues et hommes du Bois Sacré échangeaient pour la paix et la prospérité dans les deux communautés. C’était aussi des moments de ressusciter les Cultures Sereer et Diola. Mieux, Saliou Sambou a fait venir dans les cimetières de Fatick le corps de son père pourtant décédé en Casamance. Pour Saliou Sambou, la terre du Sine et celle de Casamance, c‘est comme bonnet blanc et blanc bonnet car, sous le regard bien veillant, de Aguene et Diambogne, nos ancêtres communs.
Alors une solidarité d’une telle solidité ne doit pas être mise entre parenthèses par des énergumènes qui ne méritent même pas d’être désignés par le titre d’étudiants. Ils sont dans ce temple du Savoir pour prendre la relève de demain et assurer un avenir radieux à notre Nation. Qu’est-ce des armes blanches viennent faire dans des chambres d’étudiants comme des refuges de vulgaires agresseurs?
Quelle tristesse que d’entendre qu’à l’université de Dakar, ce temple du Savoir, des étudiants se regroupent par ethnies pour défendre leurs intérêts! Cette situation dépasse l‘entendement surtout pour votre serviteur qui est un Sereer ancré aux valeurs culturelles Sereers que nous ont léguées nos Ancêtres. Mes cousins Pulaars en savent quelque chose, eux que je taquine à longueur d‘année dans cette chronique et qui l‘acceptent toujours avec des sourires en coin! Eux aussi, des liens de sang nous unissent.
Au jeune Sereer, on lui dira toujours que s‘il boit une tasse de lait en présence d‘un cousin Pulaar, il doit absolument partager avec ce dernier sinon, son lait se transformera en…sang! Vous savez que l‘enfant a une peur bleue du sang et sera toujours prêt à partager tout ce qu‘il aura avec son cousin Pulaar sinon un malheur pourrait lui arriver. Voilà comment les Anciens avaient bétonné ces relations multi séculaires.
Cela le Père Léopold Sédar SENGHOR l‘avait bien compris lui s‘était basé sur toutes ces valeurs culturelles pour bâtir la Nation sénégalaise. Il disait toujours que la Culture était au début et à la fin de tout développement. L‘Histoire lui a donné raison sur toute la ligne!
Heureusement les jeunes antagonistes sont revenus à la raison et tout est bien qui finit bien et les hauts responsables des associations culturelles Diola et Sereer ont scellé la réconciliation après un malentendu malheureux. Disons donc, plus jamais ça!
Il faudrait cependant attirer l‘attention de certains leaders politiques qui, dès qu‘ils ont des déboires dans la vie se retirent dans leur communauté pour appeler à une solidarité communautaire, à grands coups de médiatisation. Il n‘est pas interdit de retourner aux sources pour chercher de la protection mystique mais cela doit se faire dans la plus grande discrétion. Ainsi, Le Père Léopold se rendait, de temps en temps, dans son Sine natal, très discrètement, pour se purifier dans les eaux de Mama Nguedj ce génie protecteur de Sangamar. Mieux, le Président SENGHOR qui parlait Sereer couramment, se refusait de s‘exprimer cette langue en public, même en tournée dans le Sine, pour éviter toute idée d’ethnocentrisme. Il recevait chaque année les différents groupes ethniques (sauf les Sereers) de notre pays dont la plupart étaient ses cousins à plaisanterie, pour les exhorter à consolider la Nation sénégalaise. Voila ce que nous attendons de nos hommes politiques qui doivent s‘inspirer de ce comportement hautement républicain de notre Académicien national!
Disons, pour conclure, que le communautarisme tue la Nation, par contre, un régionalisme réfléchi peut aider les régions à se spécialiser et rivaliser économiquement et culturellement, pour se compléter et assurer notre développement intégral.
Ainsi, nous aurons atteint notre objectif à nous tous, qui est, cette commune volonté de vivre en commun, dans une atmosphère de paix, de prospérité et de cohésion sociale.
Abdou GNINGUE
Journaliste Citoyen du monde rural