L’abstentionnisme : Quelle lecture ? (par Mor Ndiaye Mbaye)

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Lors des dernières élections législatives de 2012 qui avaient connu un fort taux d’abstention, j’avais produit une analyse qui tentait de comprendre le phénomène afin de dégager des pistes de réflexion qui pourraient constituer des raisons qui sinon le justifièrent, du moins l’expliquèrent. Aujourd’hui encore, dans une unanimité presque parfaite, acteurs politiques, analystes et autres politologues épiloguent tous sur l’abstentionnisme et semblent s’accorder à le déplorer compte tenu de son impact supposé sur les résultats du scrutin qui, pour certains d’entre eux, posent un problème de légitimité du texte. 

Cette question de l’abstentionnisme, je le disais dans ma première analyse, est un fait politique très répandu dans les pays où le vote n’est pas obligatoire et qui a toujours existé. Il doit faire l’objet d’une étude scientifique et sociologique approfondie pour le moins dans nos contrées où il est monnaie courante. Cela devient un impératif pour tous les chercheurs, qu’ils soient scientifiques (statisticiens-démographes), sociologues, ou politologues, si l’on veut réellement en comprendre les soubassements aux fins de pouvoir y apporter des solutions idoines.

Le cas du Sénégal

Les raisons du fort taux de non participation des électeurs inscrits aux joutes électorales en général et de ce référendum en particulier se situent à plusieurs niveaux. La toute première est l’important stock mort dans le fichier électoral qui gonfle artificiellement le nombre d’électeurs. Lors de l’élection présidentielle de 2012, des experts auditeurs de l’Union européenne estimaient ce stock à 130 000. Ce chiffre très en deçà de la réalité et représentant essentiellement des électeurs décédés non radiés du fichier, pourrait être estimé annuellement à environ 35 000, ce qui fait que sur les dix années d’existence du fichier, on pourrait sans risque de nous tromper le situer actuellement autour de 350 000. Si l’on y ajoute les nombreux changements d’adresses des électeurs très mobiles et qui ne mettent pas à jour leurs données, ce chiffre peut facilement dépasser les 500 000 depuis la création du fichier.
Cette situation découle d’une réalité sociologique gravissime qui est que la plupart de nos compatriotes n’ont pas la culture de la déclaration des faits d’état civil en général et des décès en particulier.

Il s’y ajoute que même pour les cas de décès déclarés à l’état civil, aucune procédure n’est mise en place en ma connaissance pour une mise à jour automatiquement du fichier électoral le cas échéant. Cette mise à jour n’est faite qu’à l’occasion des périodes de révision des listes électorales où les citoyens doivent se déplacer vers les commissions créées à cet effet pour s’y atteler. Et durant ces périodes de révision ce sont quasiment des modifications et de nouvelles inscriptions qui sont effectuées.

D’autres raisons non moins importantes contribuent grandement au manque d’intérêt que les citoyens manifestent de plus en plus envers les compétitions électorales en prenant le choix de vaquer à leurs occupations plutôt que d’aller accomplir leur devoir citoyen, celui de voter. On peut en citer le discours politique inadapté, creux et qui n’apporte rien de réellement captivant pour le citoyen qui n’y accorde que peu de crédit et l’appréhende sous l’angle purement politicien. Ce discours qui doit être conçu à l’aune du profil de l’électeur qui est un élément déterminant sur son choix de vote, mais aussi des enjeux du type d’élection, ne saurait être une somme de contre-vérités, d’attaques individuelles et autre calomnies comme celui des partisans du « Non » lors du référendum.

Les partisans du non
Foulant au pied toute considération de patriotisme, ou tout simplement de cohérence dans leur démarche et faisant fi des dispositions proposées dans le projet de réforme, ils ont choisi de dénaturer le débat et ainsi déporter complétement le sens du vote qu’ils ont réussi à diriger pour ou contre le Président Macky. Ils ont adopté une stratégie de communication consistant à envahir les médias, se prêtant à de la désinformation, à la fabulation, à l’intoxication, à la diffusion de fausses nouvelles, etc. Leurs intentions manifestes étaient de diaboliser le projet et prêter à son auteur des intentions inavouées afin de le faire rejeter par le peuple. Et en cas d’échec de leur entreprise, ce qui est le cas actuellement, ils poursuivraient leur sale besogne par de la subversion en développant des stratégies et techniques visant à divertir les masses pour dissimuler leur cuisant camouflet et se donner une nouvelle existence politique.
De la désinformation à la diversion en passant par les calomnies, accusations fallacieuses d’achats de conscience et autres insultes au peuple qui a librement choisi, aucune pratique n’est pour eux immorale, abjecte ou répréhensible, peu importent les moyens utilisés, l’essentiel étant pour eux d’arriver à leurs fins.
Leur modus opérandus très connu consiste à tenter d’affaiblir le pouvoir et démoraliser les citoyens en se fondant sur la connaissance des lois de la psychologie et de la psychosociologie des masses. Il consiste à camoufler la vérité dans des flots de fausses informations, une dialectique complexe pour infiltrer des informations biaisées, trompeuses, aussi saugrenues les unes que les autres mais qui paraissent authentiques. Leur méthode, du has been bien connu du reste, s’appuie sur l’intox, l’injection du doute, la destruction des valeurs, la culpabilisation afin de faire perdre au peuple sa conviction sur la justesse et la pertinence de son choix.
De simples agitations et contestations dans le but de déstabiliser le pays et installer un chaos qui exigerait des négociations politiques. De guerre lasse, leurs agissements sont entrain de migrer vers la remise en cause des fondements idéologiques de l’Etat de droit et si on n’y prend pas garde, ils iront jusqu’au sabotage d’institutions de la République en vue d’installer un climat de crise et exiger des négociations politiques qui leur permettraient de garantir leur existence politique. La manœuvre ne passera pas.
Ce qu’il faut comprendre de l’abstentionnisme

Ce sur quoi l’on semble s’accorder aujourd’hui c’est que l’abstentionnisme revêt un caractère structurel lié à ses rapports avec la catégorie sociale des électeurs, leur âge, leur situation géographique (localisation des lieux de votes), etc. et un caractère conjoncturel qui relève des circonstances, de la période, de la situation socio-économique, du type d’élection, de la perte de crédit des politiciens, etc. L’un et l’autre des deux caractères sont complexifiés à la fois par un manque de déterminisme et une absence totale de constance : les mêmes causes ne produisant pas toujours les mêmes effets.

Il ne s’agit pas simplement de constater l’abstentionnisme électoral, de l’analyser et d’en expliquer les causes. S’il mérite autant d’égards en tant que phénomène c’est que d’aucuns pensent qu’il entache l’objectivité, la rationalité et la pertinence des résultats électoraux ; chaque camp croyant dur comme fer que c’est à son détriment. Au-delà de la nécessité de comprendre le phénomène, c’est cet aspect lié à ses incidences sur les résultats électoraux qui motive, entre autres, notre présente réflexion.
Quel impact sur les résultats ?
Nous pensons que si, sous l’angle superficiel des chiffres, l’évidence semble être établie qu’un fort taux d’abstention pose un problème de légitimité, il n’en est pas de même, à mon sens et sous l’angle scientifique j’allais dire statistique des comportements électoraux, de la véritable influence de cet abstentionnisme sur les résultats obtenus par les uns et les autres.

En effet, le taux de participation n’a pas d’impact significatif une fois que les tendances sont dégagées sur la base de comportements de vote issus d’un échantillonnage statistique rigoureusement établi. Les ratios obtenus alors restent inchangés quelque soit le nombre de votants ; c’est toute la pertinence des sondages basés sur des techniques d’échantillonnage statistiques. Les bureaux témoins (environ 5% du nombre total de bureaux de vote) toujours utilisés par le Ministère de l’Intérieur pour obtenir les tendances dans toutes les élections, en constituent une preuve empirique puisque donnant les résultats à chaque scrutin, avec un écart généralement autour de 1,5% au plus.

Il est établi que le sens d’un vote est largement tributaire du comportement électoral des groupes sociaux ou socioéconomiques confrontés à des dilemmes identitaires. Dans ce contexte de crise et de perte de repères, de recomposition des référentiels sociologiques, économiques, idéologiques et culturels, l’identité constitue un abri protecteur, un refuge pour les groupes humains. Les transformations agissent tant au niveau de la société dans sa globalité, qu’au niveau individuel et affectent les comportements. A cela s’associent les croyances partagées par la catégorie sociale rendue saillante qui, par leurs différentes fonctions, orientent et justifient le comportement électoral.

Afin de mieux comprendre le comportement électoral, les motivations du vote doivent être appréhendées dans leur ensemble à la fois sur le plan des prédispositions politiques des électeurs, de leur groupe socioprofessionnel, de leur sensibilité religieuse et des facteurs conjoncturels. Les uns sont le fruit des mécanismes de socialisation, les autres sont liés à la nature de l’élection et au contexte politico-économique au sein duquel elle prend place.

Par conséquent, la signification du vote déterminée par les valeurs relatives (pourcentages) obtenus par les uns et les autres au sein d’un groupe homogène d’électeurs ne saurait être fonction du taux de participation qui lui, impacte sur les valeurs absolues (nombre de voix obtenues).

Messieurs, même avec un taux de participation de 100%  le « OUI » l’aurait emporté avec un taux du même ordre et je défie quiconque de me prouver le contraire.

Une chose est au moins sûre : la vérité est dans les chiffres, l’interprétation qu’on en fait est une autre paire de manche.

Mor Ndiaye Mbaye
Responsable APR Thies Nord
Membre de la CCR
DC/MEDER

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