La Chronique de MLD: La cour, les comptes de Macky et Sonko…

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« Dans les débats de société,vous pouvez dire n’importe quoi, à condition de parler plus longtemps que l’adversaire : comme dans les querelles de ménage, c’est l’endurance qui fera la différence ».
Georges Picard

Par Mamadou Lamine DIATTA

Comme à l’accoutumée, une vive émotion s’est emparée des Sénégalais à la publication du rapport de la cour des comptes portant audit des finances publiques de 2019 au 31 mars 2024, c’est-à-dire au cours du tout dernier mandat du Président Macky Sall. A la lecture de ce document officiel faisant foi, nous devons à la vérité de constater que rarement de hauts fonctionnaires ont pris autant de libertés avec l’argent public au point d’inciter le Chef de l’Etat à donner hic et nunc des instructions fermes pour des mesures conservatoires et correctives.
La principale divergence tourne autour de l’encours total de la dette qui se monte à 99, 67 % du Pib pour le rapport contre 70 % selon l’administration Macky Sall.
C’est curieux, dès la publication de ce rapport de la discorde, tout le monde s’est improvisé économiste –spécialiste des finances publiques et les réseaux sociaux se sont vite enflammés. Comme le dit si bien Georges Picard, écrivain français contemporain : « Dans les débats de société, vous pouvez dire n’importe quoi, à condition de parler plus longtemps que l’adversaire : comme dans les querelles de ménage, c’est l’endurance qui fera la différence ».Voilà de manière sommaire le point de la situation.
Pourtant en pareilles circonstances, la sagesse recommande de prendre de la distance et de laisser les sachants se prononcer en priorité.
La macro-économie, ce n’est pas de tarte à la crème. Elle donne le tournis aux non –initiés mais sa maîtrise est vitale surtout dans un pays pauvre importateur net de produits alimentaires.
Pour autant, pas besoin de marquer une quelconque surprise en constatant que des identités remarquables de l’opposition comme Samba Diouldé Thiam, Youssou Diallo( Sénégal émergent ) et tant d’autres du régime déchu regardent leurs concitoyens les yeux dans les yeux pour évoquer une commande politique d’Ousmane Sonko. C’est comme avec l’histoire des hauts magistrats du conseil constitutionnel traînés dans la boue après avoir été accusés de corruption par le Pds Karim Wade et une partie de l’APR anti-Amadou Ba . Ils avaient accusé le candidat de Macky Sall à la présidentielle d’avoir corrompu des juges… Au même titre, que l’ancienne ministre AissataTall Sall qui a décredibilisé publiquement la cour des comptes hier en conférence de presse.
C’est terrible, dans ce pays, l’histoire se répète très souvent et on constate que les divers protagonistes n’en tirent jamais les bonnes leçons. Pour eux, seul compte leur gain politique immédiat.
Il faut savoir que la cour des comptes composée de magistrats parmi les meilleurs du pays ne condamne aucun gestionnaire de l’argent public. Elle vérifie, confronte et publie un rapport. Ce sont les cours et tribunaux qui sanctionnent à la suite d’enquêtes commanditées suivant la procédure.
Alors devrait-on au non d’une logique politicienne éculée jeter ces magistrats à la vindicte populaire? Par ailleurs n’est-il pas fort de café de voir la main de Sonko dans tout ce qui se fait dans la haute administration de notre pays ? Cette cour a-t-elle été montée par Sonko ? Qu’est ce qui a changé entre temps au point que certains opposants désabusés se permettent d’inviter les magistrats de la cour des comptes à démissionner par « éthique de responsabilité » ? Pourquoi l’indignation sélective reste le dénominateur commun des participants au débat public ?
Autant d’interrogations qui turlupinent des observateurs dépassés par l’ampleur de la casse, du moins si l’on se réfère par exemple au seul encours de cette dette bancaire de l’Etat estimée aujourd’hui à près de 3000 milliards (intérêts et autres frais y compris). Une situation désastreuse de nature à réduire drastiquement les marges de manœuvre budgétaire du pays.
En vérité, cette fixation systématique et systémique de l’opposition sur Ousmane Sonko se comprend aisément d’autant que c’est d’ailleurs le marqueur incontestable de notre trajectoire politique de 2021 à nos jours.Autrement dit, depuis le déclenchement de la fameuse guéguerre entre le Boss de Pastef et l’ancien Chef de l’Etat. Mais il faudrait bien se demander si l’actuel Premier ministre peut bien manipuler des magistrats et des chiffres dans ce contexte actuel…Il y’a des domaines hermétiques qui échappent à la virtuosité de n’importe quel acteur politique mais c’est connu également : la politique sous nos cieux, c’est le champ fertile de la manipulation, des outrances, de l’amalgame, des insultes et même des attaques en -dessous de la ceinture. Même s’il faut également reconnaître que Sonko lui-même par son style provocateur et sa tendance à faire en public des déclarations sources de polémiques, ne fait rien pour éviter cette perception qui est en train de polluer l’atmosphère. Ses contempteurs rappellent à l’envi sa fameuse déclaration d’Agnam ( au cœur du Fouta) lorsqu’il annonçait urbi et orbi que Farba Ngom, tout- puissant sherpa du régime APR n’aura plus le temps de s’occuper de politique à la suite de la campagne électorale. Une allusion à peine voilée sur les déboires judiciaires que le maire des Agnams est en train de vivre.
Tout de même, ce débat sérieux relatif à la reddition des comptes est parasité par la politisation outrancière et cette forte bipolarisation du débat public. Or, l’argent n’aime pas le bruit.
In fine, les agences de notation vont sûrement rétrograder le Sénégal de nouveau et la qualité de notre signature en prendra par ricochet un sacré coup. Sans oublier cette chute des euro-obligations de notre pays après la publication dudit rapport.
Mais fallait-il fermer les yeux et se passer de cet exercice de redevabilité reconnu d’ailleurs comme un gage de transparence et de performances ultérieures ? Non assurément et pour faire une omelette il faut casser des œufs. Le hic, c’est que c’est toujours le maillon faible de notre vivre-ensemble, disons les populations démunies qui vont encore payer la note. Les politiciens professionnels vont se castagner par presse interposée comme d’habitude. On va sanctionner quelques gestionnaires indélicats, accepter de transiger pour d’autres plus coopératifs et la vie va reprendre son cours normal comme si de rien n’était.
Même si l’Etat a tôt fait de rassurer tout le monde sur les probables sanctions infligées au Sénégal par les marchés financiers. Le ministre de l’économie et le Secrétaire Général du gouvernement sont rapidement montés au créneau comme pour envoyer un message clair aux magnats de la haute finance : La note actuelle du Sénégal ( 12) n’est pas loin de celle des meilleurs pays africains ( 13) et l’ambition est d’atteindre la note 15.
Même en cas de dégradation de ladite note, la perspective de l’économie nationale serait favorable selon le ministre de l’économie.
De quoi apporter du baume au cœur d’un peuple un tantinet désabusé par cette politique politicienne qui mobilise au quotidien pouvoir et opposition confondus.

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