La Cedeao, d’un modèle d’intégration économique réussi à l’effritement
Autrefois considérée comme l’un desmodèles d’intégration les plus aboutis en Afrique, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) est aujourd’hui au bord de l’effritement avec le retrait annoncé du Mali, du Niger et du Burkina Faso de cet organe régional.
Annoncé dimanche 28 janvier 2024, dans un communiqué conjoint signé par les dirigeants de ces trois pays du Sahel en proie à des attaques terroristes depuis plusieurs années, ce retrait vient estampiller une situation inédite dans la communauté économique ouest africaine, une organisation intergouvernementale qui a su instaurer un modèle de coopération économique donnant naissance à une kyrielle d’accords régionaux.
Instituée par le traité de Lagos signé le 28 mai 1975 par quinze pays de l’Afrique de l’Ouest (Bénin, Burkina, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Mali, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone, Togo), la Cedeao a connu des avancées considérables durant ses 49 ans d’existence, avec à la clé des initiatives communautaires allant de la libre circulation des personnes, des biens et services à la levée progressive des barrières douanières sur certains produits pour faciliter les échanges commerciaux entre les Etats membres.
La force d’intervention militaire de la Cedeao pour la stabilisation de ses pays membres en guerre ou en crise socio-politique, l’application d’un tarif extérieur commun (TEC) harmonisant les politiques douanières de l’espace ainsi que la création d’un chèque de voyage Cedeao en juillet 1999 pour faciliter les opérations de commerce et de paiement dans l’espace communautaire, sont entre autres satisfécits de cette communauté économique. A cela, s’ajoutent les fortes institutions que compose l’organe régional pour son bon fonctionnement et l’atteinte de ses objectifs économique, politique, monétaire, social et culturel.
Cependant, le soleil s’obscurcit pour la Cedeao qui depuis trois à quatre ans, fait face à des régimes militaires putschistes sahéliens décidant à mettre à nu l’incurie de son fonctionnement. Précurseur du rejet des injonctions de la Cedeao, le régime militaire du Mali dirigé par le Colonel Assimi Goita, après avoir pris le pouvoir par la force, a essuyé les sanctions économiques de cette institution régionale mais n’a pas réfléchi. Emboitant le pas à leur voisin du Sahel, le Burkina, le Niger ainsi que la Guinée Conakry, désormais gouvernés par des militaires au pouvoir suite à des coups d’état, sont parvenus à tenir tête à l’organe régional, foulant au pied le respect des normes communautaires établies au sein de ladite structure.
Le retrait du Mali, du Niger et du Burkina Faso n’est autre que le résultat d’un bras de fer qui commençait à trop durer entre ces juntes militaires et la Cedeao qui leur a enjoint d’assurer une transition et d’organiser des élections libres et transparentes. Bottant d’un revers de la main les exigences et recommandations de la Cedeao, les autorités militaires ont longtemps fustigé les sanctions économiques qui leur sont imposées. Leur communiqué conjoint arguant dans ce sens, traite la Cedeao d’être « sous l’influence des puissances étrangères ». Cet organe, selon eux, a trahi ses principes fondateurs. Reprochant à la Cedeao de ne pas porter assistance à leurs Etats respectifs dans leurs luttes existentielles contre le terrorisme et l’insécurité, ces chefs d’Etat, arrivés au pouvoir après avoir renversé des Présidents démocratiquement élus, ont décidé de prendre leur destin en main.
Ablaye Modou Ndiaye