J’accuse et interpelle l’Etat
Il y a quelques jours, un séminaire politique fut organisé par la coalition dénommée Benno Bokk Yaakaar. Plusieurs idées y ont été agitées et partagées à des fins de capitalisation entre les membres de ladite coalition, comme s’ils avaient la légitimité d’acter au nom des 65% de citoyens qui portèrent le Président Macky SALL à la tête de la magistrature suprême et surtout des 35 autres % du collège électoral d’alors. Les multiples échanges ont semblé retenir entre autres mesures, la création d’une « Commission des Sages » qui devrait être chargée de prévenir et de régler les conflits, autour du chef de l’Etat en vue de cheminer en synergie vers l’édification d’un Sénégal émergent.
A l’heure où le front social se réchauffe ouvrant ainsi les portes à des risques de conflits majeurs préjudiciables à ce que la société possède de plus précieux, nos enfants, la jeunesse, l’humanité en fleur, du fait des débrayages et grèves cycliques légitimes des organisations syndicales de travailleurs en général, et de celles des enseignants en particulier, j’interpelle fortement tous les leaders de BBY pour que l’éducation figure au cœur des problématiques prioritaires de cette future commission de sages et surtout du Plan Sénégal Emergent (PSE).
En raison de son caractère éminemment sensible, dans le contexte socio-économique actuel et en ma qualité de citoyen, j’interpelle tous ces sages pour qu’ils mettent en avant les intérêts supérieurs de la nation et non les leurs, qu’ils maîtrisent bien le système éducatif avant de s’aventurer à éclairer les décisions du Chef de l’Etat et de son gouvernement pour une prise en charge conséquente de l’éducation nationale dans tous ses compartiments (du préscolaire à l’université, du formel au non formel) dans le cadre du premier Plan Quinquennal d’Actions Prioritaires de 2014/2018 (PAP).
Une telle exigence est d’autant plus fondamentale qu’une simple analyse nous mènerait à l’évidence : contrairement aux engagements pris par la communauté internationale en 2000 ici, au Sénégal, l’Éducation pour tous en 2015 est devenue inaccessible.
Les obstacles qui se dressent face à l’accès des enfants à l’éducation ne sont pas les seules en cause : même lorsque les enfants vont à l’école, des enseignants qui ne sont pas pris en charge convenablement, une éducation de mauvaise qualité nuisent à l’apprentissage. Beaucoup d’enseignants sont démotivés par le sentiment de manque de reconnaissance et de considération qu’ils ressentent de la part des pouvoirs publics qui les emploient et environ un tiers des enfants en âge de fréquenter l’enseignement primaire ne possèdent pas les compétences de base en lecture, production d’écrits et mathématiques.
Nous nous devons tous de redoubler d’efforts afin de mettre des apprentissages de qualité à la portée de tous les enfants de la nation, particulièrement en direction de ceux appartenant aux couches vulnérables, quels qu’en soient les facteurs, au nom de la justice distributive, gage de transparence et d’équité. Pour y parvenir, Il est essentiel de (re) valoriser la fonction enseignante, en la (re) qualifiant, mettant fin à toutes les formes de précarisation et de discrimination qui persistent sous forme de corps émergents ; en (re) profilant l’école, pour améliorer les conditions d’existence et de travail des enseignants par l’octroi de salaires et de tous les accessoires de salaire arrimés au même niveau de salaires que perçoivent tous les agents de l’Etat possédant les mêmes niveaux académiques et de qualifications professionnelles. Parce que les enseignants sont les acteurs privilégiés de la qualité d’un système éducatif et, donc de la valorisation du capital humain d’un pays, même s’ils participent à un niveau relativement faible des processus électoraux.
Osons dire que l’éducation gagne en qualité si les enseignants sont valorisés et soutenus, ce qui n’est toujours pas encore le cas au Sénégal et elle se dégrade dans le cas contraire, entraînant alors des taux inacceptables d’analphabétisme des jeunes qui sont censés être les piliers de l’émergence tant convoitée depuis le retour de rendez-vous de Paris.
Le Sénégal actuel, qui se voudrait être pré émergent à moyen terme, sera social ou ne sera pas si nous voulons conduire la locomotive nationale sur les rails de l’émergence, à long terme. Ceci traduit la nécessité de la part du gouvernement d’intensifier ses efforts à travers la mise en place d’un environnement porteur d’enseignants de qualité afin d’offrir à tous les enfants sénégalais une éducation digne de ce nom. Une telle option exige d’abord de sélectionner d’excellents enseignants afin de tenir compte de la diversité des élèves. Ces enseignants doivent, ensuite, suivre une formation qui leur permette de soutenir les apprenants les plus faibles, et ce, dès les toutes premières années. Ainsi, parviendrions-nous à vaincre les inégalités en matière d’apprentissage en nommant les meilleurs enseignants dans les lieux les plus difficiles. Enfin, et c’est ce qui demeure le plus important, l’Etat devrait s’engager à offrir aux enseignants un ensemble satisfaisant de mesures incitatives pour les encourager à rester dans la profession et à veiller à ce que tous les enfants soient des apprenants, quelle que soit leur situation particulière : respect des engagements issus des protocoles d’accord, exercisation puis systématisation de tables de concertations pour garantir un climat social favorable au dialogue, suivi et amélioration du traitement de l’évolution des carrières, prise en charge psycho sociale convenable, etc.
Un nouveau programme de développement durable pour le monde de l’après-2015 pointant à l’horizon, ne devrions-nous pas tirer les enseignements de ces observations pour veiller à ce que nos enfants et nos jeunes apprennent tous les compétences fondamentales et qu’ils aient la chance d’acquérir les compétences transférables dont ils ont besoin pour devenir des citoyens du monde, à l’ère de l’excès de compétition, de l’éphémère et du développement de soi ?
Papa Moustapha GUEYE, citoyen de la République du Sénégal