Iran: victoire de Ebrahim RAISSI élu Président

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Âgé de 60 ans, Ebrahim Raïssi est un proche du Guide suprême Ali Khamenei dont il a été élève au séminaire. Bien qu’il porte le turban, il n’est pas un ayatollah, mais un hodjatoleslam, un rang du clergé chiite inférieur. C’est parce qu’il est aussi un seyyed – un descendant du prophète Mahomet dans l’islam chiite –, qu’il est autorisé à porter le turban de couleur noire, une distinction populaire auprès de l’électorat pieux.

Placé à des postes clés du pouvoir

Homme de confiance du Guide, Ebrahim Raïssi est lui aussi originaire de la ville sainte de Mashhad, dans le nord-est de l’Iran. Aussi, ce n’est pas un hasard s’il est propulsé en 2016 par Ali Khamenei à la direction de la puissante fondation religieuse Astan Qods Razavi, gestionnaire du mausolée de l’imam Reza – huitième successeur du prophète selon les chiites duodécimains –, situé dans cette même ville de Mashhad.

Ce haut lieu de pèlerinage chiite draine des milliards d’euros de dons que l’organisation Astan Qods Razavi est chargée de faire fructifier. La fondation, qui fonctionne à la fois comme un organisme de charité et une holding, possède une multitude de biens immobiliers, des terres agricoles et des entreprises dans des domaines aussi divers que la construction, le tourisme ou l’agroalimentaire. Prendre la tête de cette fondation, c’est diriger un empire économique. Ce que fera Ebrahim Raïssi durant trois ans, avant d’être appelé par le Guide suprême à de nouvelles fonctions.

En mars 2019, il est nommé à la tête de l’Autorité judiciaire iranienne. Encore un poste influent pour Ebrahim Raïssi, chargé par l’ayatollah Ali Khamenei de lutter vigoureusement « contre la corruption ».

Loyal comme à l’accoutumée, il multiplie depuis sa prise de fonctions les procès pour corruption largement médiatisés et visant de hauts dignitaires de l’État – mais aussi, fait nouveau, des juges. Des procès qui lui permettent au passage d’évincer quelques adversaires politiques de taille, comme son prédécesseur à la tête du système judiciaire, Sadeq Larijani, dont un proche conseiller s’est retrouvé mêlé à un de ces scandales de corruption. Sadeq Larijani est le frère d’Ali Larijani, pressenti pour la présidentielle mais dont la candidature a été rejetée par le Conseil des gardiens – probablement en raison de cette affaire familiale.

Ebrahim Raïssi fait d’ailleurs de la lutte contre la corruption l’un de ses slogans de campagne. Dans un communiqué, il s’est ainsi présenté comme « l’adversaire de la corruption, de l’inefficacité et de l’aristocratie », et a promis de lutter sans relâche « contre la pauvreté » s’il est élu.

Une figure hostile à l’Occident

Ce partisan d’une vision « étatiste » ne devrait pas plaider pour l’ouverture de l’économie iranienne aux investisseurs étrangers. « L’Iran sous Ebrahim Raïssi devrait continuer à investir dans les infrastructures, l’eau, l’électricité et la santé avec une économie dominée par les fondations qu’il connaît bien et les Gardiens de la révolution [qui possèdent eux aussi de nombreuses entreprises] », analyse l’économiste et spécialiste de l’Iran Thierry Coville. Plusieurs chercheurs estiment que ces acteurs paraétatiques représentent actuellement plus de 50 % de l’économie iranienne, mais que le phénomène reste difficile à chiffrer car ces entreprises ne présentent pas de « traçabilité claire » et évoluent dans un « système clientéliste ».

Quant à l’accord sur le nucléaire iranien en cours de négociation, bien que défiant vis-à-vis de l’Occident, Ebrahim Raïssi ne devrait pas s’y opposer clairement, estime Thierry Coville, qui rappelle que c’est « le Guide suprême qui donne le ton de ces négociations ».

Sur la question des mœurs, l’ultraconservateur, qualifié de « traditionaliste », est soutenu par les partisans de la ligne dure. Son beau-père n’est autre que l’ayatollah Ahmad Alamolhoda, le représentant du Guide dans la province du Khorasan (nord-est). Connu pour son austérité, le clerc s’était illustré en 2016 par l’interdiction des concerts de pop iranienne dans la ville de Mashhad, placée sous son autorité religieuse, alors que ceux-ci, en plein essor, avaient été autorisés dans les autres grandes villes d’un Iran modernisé.

Chez les organisations de défense des droits humains et plus particulièrement auprès de la diaspora iranienne, le nom d’Ebrahim Raïssi rappelle des heures sombres de la République islamique.

Possible successeur du Guide suprême

Certains voient en Ebrahim Raïssi un probable successeur du Guide. Passé à la tête de l’empire financier de la Fondation du mausolée de l’imam Reza, puis au cœur du système judiciaire iranien, Ebrahim Raïssi est aussi depuis peu le vice-président élu de l’Assemblée des experts, l’organe chargé de proposer un Guide suprême en cas de disparition de l’ayatollah Ali Khamenei.

Il ne lui manquait plus qu’une place à la tête de l’exécutif pour avoir fait le tour des institutions iraniennes et acquérir la légitimité du peuple. A noter qu’Ali Khamenei était lui-même président de la République islamique au moment où il a été appelé à occuper le poste de Guide suprême en 1989, à la mort de l’ayatollah Khomeini.

L’âge avancé d’Ali Khamenei, 82 ans, et les questionnements sur son état de santé laissent penser que le futur président pourrait être celui qui vivra la succession du numéro un de l’État iranien. Aussi, l’élection pourrait finalement servir à Ebrahim Raïssi de tremplin vers la fonction de Guide suprême.

Avec AFP

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