Pour une personnalité spéciale jugée par une juridiction spéciale, ce procès de Karim Wade et Cie ne pouvait être qu’historique tout comme la décision de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei). L’ancien ministre et fils de Abdoulaye Wade a été condamné le 23 mars à 6 ans de prison ferme et à plus de 138 milliards de F Cfa. Alors que ses complices ont écopé de fortunes diverses. Un dossier économique dans ses aspects comptable, pénal pour le délit d’enrichissement illicite, commercial pour la constitution des sociétés, constitutionnel pour la loi créant la Crei. Voilà pourquoi Le Quotidien a choisi de publier in extenso et en exclusivité l’arrêt rendu par Henri Grégoire Diop et ses assesseurs que les spécialistes du droit attendaient impatiemment pour plonger dans le débat. Un véritable «commentaire d’arrêt» à soumettre aux étudiants. 11 pages à consommer. En exclusivité.
Sur la recevabilité des exceptions soulevées
Considérant que les exceptions tant de la nullité de citation que de la procédure, ainsi que les exceptions préjudicielles doivent être soulevées avant toute défense au fond en vertu des dispositions des articles 373 et 374 du code de procédure pénale ;
Considérant que les prévenus ont soulevé ces exceptions après avoir été interrogés sur leur identité ;
Qu’à ce stade de la procédure, ils n’avaient encore articulé aucun moyen de défense touchant au fond ;
Considérant que de telles exceptions sont toujours recevables tant que le prévenu n’a pas, sur interrogatoire du président de l’audience, articulé un moyen de défense touchant le fond, soit en contestant les faits qui lui sont reprochés, soit en les discutant au cours des débats ;
Que toutes les exceptions dont l’irrecevabilité a été soulevée ont été déclinées par la défense avant que cette phase de la procédure ne soit entamée ;
Que dès lors, l’irrecevabilité ainsi soulevée ne peut être retenue ;
Qu’il y a lieu par conséquent de déclarer recevables en la forme les exceptions soulevées par la défense ;
Sur le bien fondé des exceptions soulevées
Sur la violation du droit à un procès équitable
Considérant que la défense plaide la violation du droit à un procès équitable, en soutenant que les lois sur la CREI opèrent un renversement de la charge de la preuve, portent atteinte à la présomption d’innocence et ne permettent pas l’exercice du droit à un recours effectif ;
Considérant qu’il n’appartient pas à la cour de céans de statuer sur la supposée violation des principes directeurs du procès énoncés ci-dessus car elle ne peut en aucune façon se prononcer, sans outrepasser sa compétence, ni sur la constitutionnalité, ni sur la conventionalité des lois 81-53 relative à la répression de l’enrichissement illicite et 81-54 portant création de la Cour de répression de l’enrichissement illicite ;
Que la presque totalité des conventions évoquées par la défense ont été constitutionnalisées au Sénégal et qu’en tout état de cause, les dispositions des lois précitées ne sont pas incompatibles avec celles des conventions et traités internationaux dont se prévaut la défense ;
Qu’en effet, en vertu des dispositions de l’article 92 alinéa premier de la Constitution du Sénégal «Le Conseil constitutionnel connait de la constitutionnalité des lois, des règlements intérieurs des Assemblées et des engagements internationaux, des conflits de compétence entre l’Exécutif et le législatif, ainsi que des exceptions d’inconstitutionnalité soulevées devant la Cour Suprême» ;
Qu’en application desdites dispositions, le Conseil constitutionnel a déjà été saisi de l’exception d’inconstitutionnalité soulevée devant la Cour Suprême des lois précitées ;
Que par arrêt en date du 03 mars 2014, la haute juridiction susvisée a déclaré lesdites lois conformes à la Constitution, et par conséquent aux instruments juridiques internationaux ratifiés par le Sénégal ;
Considérant que les décisions du Conseil constitutionnel s’imposant aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles, aux termes de l’article 92 alinéa 2 de la Constitution, la Cour de céans ne peut par conséquent connaitre des exceptions tirées d’une supposée violation alléguée des principes du procès équitable par les règles édictées par les lois 81-53 et 81- 54 du 10 Juillet 1981 ;
Qu’il y a lieu par conséquent de rejeter lesdites exceptions ;
Sur la violation des droits de la défense
Considérant que l’article 11 de la loi 81/54 dispose que : «les infractions de la compétence de la CREI sont instruites selon les règles de procédure de droit commun, sous réserve de l’application des dispositions particulières de la présente loi» ;
Considérant que la Commission d’instruction a, tout au long de l’instruction, appliqué les dispositions du code de procédure pénale, code régissant la procédure de droit commun appliqué par toutes les juridictions pénales du Sénégal ;
Considérant que le juge, qui est soumis à la loi, ne peut de son propre chef, décider qu’une telle loi supposée violer les droits de la défense, ne saurait s’appliquer ;
Considérant qu’aux termes de l’article 13 de la loi 81-54, les décisions de la Commission d’instruction ne sont susceptibles d’aucun recours à l’’exception de l’arrêt de non lieu ;
Que celle-ci ainsi que la Cour de céans, n’ont pas à se prononcer sur les demandes de recours formulées par la défense contre les décisions précitées ;
Considérant qu’au demeurant, le Code de Procédure Pénal ne permet à l’inculpé, dans les procédures de droit commun, de faire appel, que dans des cas limitativement énumérés ;
Que le système de double degré de juridiction n’existe pas devant beaucoup de juridictions dont la Cour de justice de la CEDEAO, la Cour des Comptes du Sénégal, le Conseil Constitutionnel, la Haute Cour de Justice, le Tribunal militaire, la Cour d’Appel en formation de jugement des avocats ou la Cour Suprême statuant en matière de recours pour excès de pouvoir ou jugeant des magistrats ;
Qu’on ne peut reprocher à ces juridictions qui appliquent le droit existant de violer les droits de la défense, la simple absence de double degré de juridiction n’étant pas ipso facto synonyme de violation de droit de la défense ;
Qu’en tout état de cause, le Conseil Constitutionnel ayant déclaré conformes à la constitution les lois sur la CREI, le juge en appliquant les dispositions desdites lois ne viole en aucune façon un quelconque droit des parties ;
Considérant que la défense qui se plaint de la violation de ses droits n’a pas articulé ses différents droits qui auraient été violés ;
Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article 14 de la loi 81-54 du 10 Juillet 1981, ce sont les règles du CPP applicables devant le tribunal correctionnel qui régissent la procédure en ce qui concerne les débats et le jugement devant la CREI ;
Qu’en se conformant auxdites dispositions à l’instar du tribunal correctionnel, la Cour de céans ne peut en aucune façon violer les droits de la défense ;
Considérant qu’en ce qui concerne les mesures d’interdiction de sortie du territoire national, de limitation du droit d’aller et de venir et autres qui ont été pris par le ministère public avant l’inculpation des prévenus, les décisions de placement sous mandats de dépôt et de mise sous contrôle judiciaires prises par la Commission d’instruction, par application des dispositions des articles 127 bis et 127 ter du CPP, y ayant mis fin, la CREI ne saurait désormais se prononcer sur lesdites mesures ;
Considérant qu’il y a lieu, au vu de tout ce qui précède, de rejeter la demande de nullité de la procédure pour violation des droits de la défense ;
Sur la question préjudicielle relative aux biens immobiliers
Considérant que l’article 372 du Code de Procédure Pénal (CPP) dispose que «le Tribunal saisi de l’action publique est compétent pour statuer sur toutes les exceptions proposées par le prévenu pour sa défense, à moins que la loi n’en dispose autrement, ou que le prévenu n’excipe d’un droit réel immobilier» ;
Qu’il résulte de ce texte que l’exception préjudicielle de nature immobilière n’est admise que si le prévenu excipe d’un droit réel immobilier autrement dit s’il se prévaut d’un tel droit ;
Considérant qu’il est reproché aux prévenus, non de détenir des droit réels sur des immeubles, mais d’être, d’après l’arrêt de renvoi, les actionnaires ou les bénéficiaires économiques de sociétés qui elles-mêmes détiennent des droits réels immobiliers ;
Qu’aucune contestation n’ayant été soulevée sur le droit de propriété des sociétés morales dont les noms figurent sur les titres produits par les prévenus eux-mêmes, les dits titres ne donnent pas de fondement par conséquent aux prétentions de ceux-ci ;
Qu’il y a lieu, dans ces conditions, Karim Meïssa Wade, contestant par ailleurs tout droit sur les immeubles cités comme étant sa propriété, de ne pas admettre, conformément aux dispositions de l’article 374 alinéa 3 du code de procédure pénale l’exception préjudicielle soulevée et de la rejeter comme non fondée ;
Sur la violation de l’article 101 du CPP
Considérant qu’il ressort de la lecture des mentions figurant sur les procès-verbaux d’interrogatoire de première comparution des prévenus, qu’après avoir donné avis aux comparants de leur droit de choisir un conseil parmi les avocats inscrits au tableau ou admis au stage, et après avoir constaté leur identité, les juges de la Commission d’instruction de la CREI leur ont fait connaitre les faits qui leur sont imputés et les ont inculpés pour lesdits faits avant de les avertir qu’ils sont libres de ne faire aucune déclaration ;
Considérant qu’après avoir lu toutes les mentions figurant sur les procès-verbaux précités, les prévenus en présence de leurs conseils, les ont tous signés, reconnaissant ainsi que lesdites mentions sont exactes et n’ont fait l’objet d’aucune réserve de leur part ;
Qu’ils sont malvenus par conséquent à prétendre que la commission d’instruction ne leur a pas fait connaitre les faits qui leur sont reprochés, faits dont Karim Meïssa WADE avait d’ailleurs déjà eu connaissance après avoir reçu notification de la mise en demeure que lui avait adressée un mois avant son inculpation, le procureur spécial de la CREI ;
Qu’il y a lieu de rejeter la demande de nullité de la procédure fondée sur les dispositions de l’article 101 du CPP ;
Sur la violation de l’article 105 du Code de Procédure Pénale
Considérant que l’article 105 du Code de Procédure Pénale ne réglemente pas la durée entre les interrogatoires et confrontations, mais le délai minimum de convocation du conseil de l’inculpé et de mise à disposition du dossier qui est de vingt-quatre (24) heures si le conseil réside au siège de la juridiction et huit (08) jours s’il ne réside pas au dit siège ;
Considérant qu’il résulte des pièces du dossier, notamment des convocations à conseil cotées de A750 à A755, que les conseils des prévenus ont toujours été régulièrement convoqués et la procédure mise à leur disposition vingt-quatre heures au plus tard avant chaque interrogatoire ;
Qu’ils ont pu, par conséquent, consulter le dossier avant chaque confrontation avec les témoins ;
Que la commission d’instruction de la CREI peut immédiatement après un interrogatoire au fond, procéder, sans violer les dispositions de l’article 105 du CPP et si elle l’estime nécessaire, à une ou des confrontations, le dossier ayant déjà été mis à la disposition des conseils concernés, qui ont pu prendre connaissance des déclarations faites par les témoins dans le délai prescrit par la loi ;
Considérant qu’aucune preuve de la violation de l’article 105 n’ayant été rapportée par la défense, le prévenu Karim Meïssa WADE ayant reconnu lui-même dans la déclaration qu’il a faite devant la Commission d’instruction le 03 avril 2014 que ses «avocats consultent le dossier tous les jours depuis un an», il y a lieu de rejeter la demande de nullité de la procédure fondée sur l’article 105 du CPP ;
Sur la violation de l’article 178 du Code de Procédure Pénale
Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article 178 du code de procédure pénale, les ordonnances rendues par le juge d’instruction indiquent la qualification légale du fait imputé à l’inculpé et, de façon précise, les motifs pour lesquels il existe ou non contre lui des charges suffisantes ;
Considérant qu’il ressort de la lecture de l’arrêt de renvoi notamment des pages cotées D1540/1 et D1540/2, que la Commission d’Instruction a respecté les dispositions de l’article 178 précité en identifiant les prévenus auxquels elle a indiqué clairement les qualifications légales des faits qui leur sont reprochés ainsi qu’il suit :
« Attendu qu’il résulte ainsi de l’information charges suffisantes contre :
1) Karim Meïssa Wade de s’être à Dakar, de 2000 à 2012, en tout cas avant prescription de l’action publique, étant titulaire d’une fonction gouvernementale ou de tout autre mandat public, notamment conseiller du président de la République, président du Conseil de surveillance de l’Agence Nationale d’Organisation de la Conférence Islamique (ANOCI) et Ministre de la République, enrichi d’un patrimoine estimé provisoirement à la somme de cent dix sept milliards trente sept millions neuf cent quatre vingt treize mille cent soixante quinze francs (117.037.993.175) francs CFA, sous réserve des biens et sociétés qui n’ont pas encore été évalués ou qui sont en cours de l’être et, d’avoir été dans l’impossibilité d’en justifier l’origine licite ;
D’avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, étant citoyen chargé d’un ministère de service public, dirigeant ou agent de toute nature d’un établissement public, sollicité ou agréé des offres ou promesses, sollicité ou reçu des dons ou présents pour faire ou s’abstenir de faire un acte de ses fonctions ou de son emploi, juste ou non, mais non sujet à salaire ;
2) Ibrahim ABOUKHALIL dit Bibo Bourgi : d’avoir à Dakar, de 2000 à 2012, en tout cas avant prescription de l’action publique, avec connaissance, aidé ou assisté le nommé Karim Meïssa WADE, dans la préparation, la facilitation ou la consommation des faits d’enrichissement illicite qui lui sont reprochés ;
3) Mamadou POUYE : d’avoir à Dakar, de 2000 à 2012, en tout cas avant prescription de l’action publique, avec connaissance, aidé ou assisté le nommé Karim Meïssa WADE, dans la préparation, la facilitation ou la consommation des faits d’enrichissement illicite qui lui sont reprochés ;
4) Karim ABOUKHALIL : d’avoir à Dakar, de 2000 à 2012, en tout cas avant prescription de l’action publique, avec connaissance, aidé ou assisté le nommé Karim Meïssa WADE, dans la préparation, la facilitation ou la consommation des faits d’enrichissement illicite qui lui sont reprochés ;
5) Pierre Goudjo AGBOGBA : d’avoir à Dakar, de 2000 à 2012, en tout cas avant prescription de l’action publique, avec connaissance, aidé ou assisté le nommé Karim Meïssa WADE, dans la préparation, la facilitation ou la consommation des faits d’enrichissement illicite qui lui sont reprochés ;
6) Alioune Samba DIASSE : d’avoir à Dakar, de 2000 à 2012, en tout cas avant prescription de l’action publique, avec connaissance, aidé ou assisté le nommé Karim Meïssa WADE, dans la préparation, la facilitation ou la consommation des faits d’enrichissement illicite qui lui sont reprochés ;
7) Mbaye NDIAYE : d’avoir à Dakar, de 2000 à 2012, en tout cas avant prescription de l’action publique, avec connaissance, aidé ou assisté le nommé Karim Meïssa WADE, dans la préparation, la facilitation ou la consommation des faits d’enrichissement illicite qui lui sont reprochés ;
8) Mamadou AIDARA dit Vieux : d’avoir à Dakar, de 2000 à 2012, en tout cas avant prescription de l’action publique, avec connaissance, aidé ou assisté le nommé Karim Meïssa WADE, dans la préparation, la facilitation ou la consommation des faits d’enrichissement illicite qui lui sont reprochés ;
9) Evelyne RIOUT DELATRE : d’avoir à Dakar, de 2000 à 2012, en tout cas avant prescription de l’action publique, avec connaissance, aidé ou assisté le nommé Karim Meïssa WADE, dans la préparation, la facilitation ou la consommation des faits d’enrichissement illicite qui lui sont reprochés ;
10) Mballo THIAM : d’avoir à Dakar, de 2000 à 2012, en tout cas avant prescription de l’action publique, avec connaissance, aidé ou assisté le nommé Karim Meïssa WADE, dans la préparation, la facilitation ou la consommation des faits d’enrichissement illicite qui lui sont reprochés » ;
Considérant que la Commission d’instruction a également exposé, aux pages cotées D1540/3 à D1540/17, de façon précise, les motifs pour lesquels il existe ou non des charges suffisantes contre les prévenus, motifs qui justifient, aux termes du dispositif, le renvoi de ceux-ci devant la Cour de céans ;
Que les charges retenues contre les prévenus étant ainsi suffisamment et clairement détaillées dans l’arrêt de renvoi, ceux-ci peuvent organiser valablement leur défense en toute connaissance de cause ;
Que dès lors le moyen tiré de la violation des dispositions de l’article 178 du CPP est inopérant ;
Sur la violation de l’article 10 de la loi 81-54 du 10 Juillet 1981 sur la CREI
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que les prévenus poursuivis suite au réquisitoire introductif du parquet spécial pris le 17 avril 2013 ont été inculpés le même jour ;
Que le 16 octobre 2013 suite à un réquisitoire en date du 14 octobre 2013, ils ont de nouveau été inculpés pour enrichissement illicite corruption, et complicité d’enrichissement illicite ;
Considérant qu’avant la première inculpation des prévenus, l’un de ceux-ci, Ibrahim ABOUKHALIL, poursuivi pour complicité d’enrichissement illicite de Karim Meïssa WADE, ayant reconnu détenir un compte personnel à Monaco lors de l’enquête préliminaire, le ministère public avait envoyé une demande d’entraide pénale internationale aux autorités judicaires monégasques ;
Considérant que la réponse à ladite demande a fait état de l’existence de trente comptes bancaires ayant un lien direct avec les inculpés Ibrahim ABOUKHALIL, Karim ABOUKHALIL, Karim Meïssa WADE et Mamadou POUYE ;
Considérant que dans la première mise en demeure adressée à Karim Meïssa WADE le 15 mars 2013, n’est visé que le compte de l’ING Baring Bank de Monaco dans lequel aurait été viré 4.014.413 dollars américains ;
Considérant que des faits nouveaux non visés dans le réquisitoire du 17 avril 2013 ayant été portés à la connaissance du ministère public, celui-ci après une nouvelle mise en demeure adressée à Karim M WADE, a saisi la Commission d’instruction d’un nouveau réquisitoire daté du 14 octobre 2013 ;
Considérant que celle-ci a inculpé Karim Meïssa WADE, Ibrahim ABOUKHALIL et Mamadou POUYE le 16 octobre 2013 et requis, en menant son information suite à cette nouvelle inculpation, par Commission rogatoire internationale, les autorités judiciaires de Monaco ;
Considérant qu’après avoir constaté que les deux procédures dont elle a été saisie, présentent un lien de connexité certain, elle a ordonné leur jonction, conformément aux dispositions des articles 375 et 196 du Code de Procédure Pénale ;
Considérant que la nouvelle procédure qui s’est déroulée du 16 octobre 2013 au 16 avril 2014, n’a pas, tout comme la première procédure, duré plus six 06 mois ;
Que par conséquent, le délai prévu l’article 10 de la loi 81-54 du 10 Juillet 1981 ayant été respecté au cours des deux procédures qui ont été jointes, aucune disposition dudit article n’a été violé ;
Considérant qu’en ce qui concerne M’baye N’DIAYE, il soutient n’avoir été ni inculpé une deuxième fois, ni interrogé au cours de la seconde information et demande l’annulation de toute la procédure pour violation de l’article 10 de la loi 81-54 du 10 Juillet 1981 précité ;
Considérant que le prévenu en question ayant été inculpé le 17 Avril 2013 et placé sous mandat de dépôt, interrogé le 09 Octobre 2013 et mis en liberté auparavant le 18 Juin 2013, à la suite d’un nouveau réquisitoire du ministère public demandant une nouvelle inculpation pour d’autres prévenus que lui, dans une autre procédure qui sera finalement jointe à celle le concernant, ne peut prétendre, puisque aucun acte d’information n’a été mené contre lui lors de la seconde procédure, que l’information a duré plus de six mois à son encontre ;
Considérant qu’ayant été mis en liberté provisoire au bout des six mois qu’a duré la première procédure, il n’a subi aucun préjudice ;
Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article 12 de la loi 81/54, la procédure d’instruction est clôturée par un arrêt de non-lieu ou de renvoi qui saisit la CREI ;
Considérant que la Commission d’instruction est tenue de prendre l’un des arrêts précités pour clôturer son information, qu’elle ait ou non respecté le délai prévu par l’article 10 de la loi 81-54 du 10 Juillet 1981 ;
Qu’au demeurant le respect ou non dudit délai n’est assorti d’aucune sanction ;
Que seules pourraient éventuellement s’appliquer en l’espèce les dispositions de l’article 755 bis du CPP qui prévoient que l’inobservation par tout magistrat, greffier en chef, greffier ou secrétaire, des délais et formalités prévus par le CPP constituent une faute entrainant des sanctions disciplinaires prévues par les statuts particuliers ;
Qu’il y a lieu de rejeter, au vu de tout ce qui précède, l’exception de nullité de la procédure fondée sur la violation de l’article 10 de la loi 81-54 du 10 Juillet 1981 ;
Sur la nullité tirée de la désignation des experts et des administrateurs provisoires
Considérant qu’il résulte des pièces du dossier, que toutes les ordonnances de même que les rapports d’expertise ont tous été notifiés aux parties et notamment à la défense conformément aux articles 153 et 161 du CPP ;
Qu’il y a lieu de rejeter la demande de nullité tirée du défaut de notification des ordonnances de désignation et des rapports d’expertise ; (VOIR PIECES COTEES POUR LES RAJOUTER)
Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article 87 bis du CPP «lorsqu’il est saisi d’un dossier d’information, le juge d’information peut d’office ou sur la demande de la partie civile ou du ministère public, ordonner des mesures conservatoires sur les biens de l’inculpé» ;
Considérant que s’il est vrai que la société commerciale, qui acquiert la personnalité juridique, et dispose par conséquent d’un patrimoine distinct de celui de ses actionnaires ou associés dès son immatriculation au registre du commerce et du crédit mobilier, conformément à l’article 98 de l’Acte uniforme portant droit commercial général, ne peut être considérée comme un bien, il n’en demeure pas moins que si pour s’enrichir illicitement la personne poursuivie a utilisé des sociétés dont elle est le principal actionnaire ou le bénéficiaire économique, celles-ci, qui ne peuvent être poursuivies pour complicité en l’état actuel de la législation sénégalaise, peuvent être placées sous-main de justice et administrés provisoirement par d’autres personnes ;
Qu’en effet le juge d’instruction ne peut laisser un inculpé poursuivi pour enrichissement illicite gérer ou faire gérer par des prête-noms ou des hommes de paille des sociétés qui lui permettent de continuer à s’enrichir illicitement ;
Que c’est par conséquent à bon droit que la Commission d’instruction, en se fondant sur les dispositions des articles 72 et 87 bis du CPP, a mis sous administration provisoire les sociétés AHS, ABS, AN MEDIA, HARDSTAND et BLACK PEARL FINANCE ;
Qu’il y a lieu, au vu de ce qui précède, de rejeter la demande de nullité des actes désignant des administrateurs provisoires ; (A REVOIR POUR PARFAIRE)
Sur le sursis à statuer
Considérant que la CREI a déjà statué sur la demande de sursis à statuer et l’a rejetée par arrêt n°04 en date du 20 Août 2014 ;
Considérant que la défense aurait du demander la réouverture des débats avant le prononcé de l’arrêt précité pour pouvoir plaider des moyens et des arguments nouveaux ;
Qu’une fois le délibéré vidé, la Cour est dessaisie de la demande de sursis à statuer et ne peut plus examiner d’autres moyens ou arguments développés par les parties ;
Que c’est par conséquent à bon droit, que la Cour de céans a décidé de ne pas se prononcer sur la nouvelle demande de sursis à statuer et a poursuivi son audience en attendant que la Cour Suprême saisie par pourvoi en date du xx/xx/xxxx se prononce sur l’arrêt déjà rendu ;
Sur la nullité des actes accomplis par le Substitut du Procureur Spécial
Considérant qu’il ressort de l’arrêt rendu le 26 Septembre 2013 par la Cour Suprême, que tout en annulant l’acte de nomination de Antoine DIOME, en qualité de substitut du procureur spécial de la CREI, ladite Cour a souverainement décidé d’écarter l’effet rétroactif de sa décision ;
Qu’elle en a suspendu les effets à un (1) mois ;
Que dans ce délai un nouveau décret de nomination respectant les conditions posées par la loi 81-54 du 10 Juillet 1981 a été pris ;
Considérant que la défense n’a pas rapporté par ailleurs la preuve que le substitut DIOME a pris des actes d’enquête ou de poursuite antérieurement à la décision d’annulation de sa nomination, la demande d’enquête préliminaire, la mise en demeure, le réquisitoire introductif et les autres actes figurant au dossier ayant tous été signés par le procureur spécial Alioune NDAO ;
Qu’il y a lieu au vu de ce qui précède, de rejeter la demande de nullité de la procédure fondée sur de supposés actes accomplis par le substitut du procureur spécial ;
Sur la deuxième mise en demeure et le réquisitoire du 14 Octobre 2013
Considérant que le code de procédure pénale (CPP) dispose en son article 71 alinéa premier que «le juge d’instruction ne peut informer qu’en vertu d’un réquisitoire du Procureur de la République, même s’il a procédé en cas de crime ou de délit flagrant» ;
Que l’alinéa 6 du même article ajoute que «lorsque des faits, non visés au réquisitoire, sont portés à la connaissance du juge d’instruction, celui-ci doit immédiatement communiquer au Procureur de la République les plaintes ou les procès verbaux qui les constatent» ;
Qu’il résulte de ces dispositions, que le juge d’instruction, saisi in rem, ne peut instruire que sur les faits visés dans le réquisitoire du Procureur de la République et qu’en cas de survenance de faits nouveaux, il appartient à ce dernier soit de délivrer un réquisitoire supplétif aux fins d’étendre la saisine du juge d’instruction, soit de requérir l’ouverture d’une information distincte qui peut être confiée au même juge, soit d’ouvrir une enquête ou même décider d’un classement sans suite, le tout en application des dispositions de l’article 32 du CPP ;
Qu’en l’espèce, les faits visés dans le réquisitoire du 14 Octobre 2013 sont différents de ceux évoqués dans le réquisitoire introductif du 17 Avril 2013, l’existence des comptes de Monaco visés dans la seconde mise en demeure adressée à Karim Meïssa WADE et dans le nouveau réquisitoire en date du 14 Octobre 2013 n’ayant été découverts qu’après la première saisine de la commission d’instruction ;
Que le respect des dispositions des articles 163 bis du Code Pénal (CP) et 3 de la loi 81-53 du 10 Juillet 1981 exigeant qu’une mise en demeure soit servie aux personnes poursuivies pour enrichissement illicite, pour leur permettre dans le délai d’un mois de s’expliquer en prouvant l’origine licite de leur fortune, la commission d’instruction ne saurait instruire directement sur les faits nouveaux, sans le respect de ce préalable, ce qu’aurait pour effet un réquisitoire supplétif dans le cas d’espèce ;
Qu’ainsi le choix d’un nouveau réquisitoire pour faire instruire sur les faits nouveaux, ne violant aucune disposition pénale justifiant son annulation, il y a lieu de rejeter l’exception y relative comme mal fondée ;