Hausse des droits de douane Américains: Une menace pour les exportations sénégalaises

L’économie sénégalaise fait face à un nouveau défi majeur. Depuis le 5 avril 2025, les États-Unis appliquent un droit de douane de 10 % sur toutes les importations mondiales, en vertu d’un décret promulgué trois jours plus tôt. Une mesure qui concerne également le Sénégal, sans distinction de volume ou de niveau de développement, malgré son statut de pays en développement.
Cette décision survient alors que les échanges commerciaux entre le Sénégal et les États-Unis connaissent une croissance soutenue depuis plus d’une décennie.
Grâce à l’African Growth and Opportunity Act (AGOA), les exportations sénégalaises vers le marché américain ont été multipliées par 46 depuis 2010, atteignant 94 milliards de FCFA en 2023. Les États-Unis se positionnent désormais comme le 10e client du Sénégal, représentant 2,9 % de ses exportations totales.
Parmi les produits sénégalais les plus exportés vers les États-Unis en 2024 figurent les hydrocarbures (32 %), les produits de la mer et crustacés (23 %), ainsi que les minerais non ferreux (12 %). D’autres secteurs comme les engrais, textiles artisanaux, et produits alimentaires transformés complètent cette offre diversifiée.
L’agonie de l’AGOA
Cependant, l’augmentation soudaine des tarifs douaniers américains pourrait sérieusement compromettre la compétitivité de ces produits. Le coût des droits de douane appliqués aux exportations sénégalaises est estimé à plus de 23 millions de dollars, un montant qui pourrait être réduit à environ 14 millions de dollars après prise en compte des exemptions.
Selon les experts, cette taxe pourrait entraîner une hausse des prix à l’entrée du marché américain, compromettant ainsi la compétitivité des produits sénégalais et menaçant l’intégration des chaînes de valeur mondiales. Certains produits (comme les pâtes alimentaires, les crustacés frais ou réfrigérés, ou encore les articles textiles artisanaux) pourraient être particulièrement affectés, en raison de leur sensibilité aux variations de prix.
De la nécessité d’une résilience économique
Malgré tout, une lecture plus nuancée permet de noter que, paradoxalement, l’harmonisation des tarifs douaniers imposée à tous les partenaires des États-Unis pourrait, dans certains cas, rééquilibrer la concurrence et même renforcer la compétitivité sénégalaise sur certains segments.
Le Commissaire aux Enquêtes économiques, Ansou Souba Badji, conclut : « En fin de compte, les exportateurs sénégalais auront plus affaire à un renchérissement des prix qu’à une exclusion formelle du marché américain. Mais cela pourrait néanmoins se traduire par une baisse de la demande».
Alors que le gouvernement sénégalais envisage des mesures d’atténuation et de diversification des débouchés, cette décision américaine relance le débat sur la résilience économique du pays face aux nouvelles turbulences du commerce international.
Babou Biram Faye