Et le psychologue Serigne Mor Mbaye lâcha la cause du mal-être sociétal sénégalais
Enfin ! Il l’a bien dit. Mais le message est à coup sûr très mal entendu. Qui y a prêté attention ? A-t-on comme toujours tendu la «mauvaise oreille» ? Moi, j’ai sursauté. A la suite de cet «avis des auditeurs» sur la Rfm, avec le talentueux journaliste Antoine Diouf, le psy sénégalais, sans doute le plus couru du pays, Serigne Mor Mbaye, a lâché la vérité qui aurait valu à un petit guerrier comme moi les foudres d’une opinion publique. Laquelle préfère encore refouler les vérités les plus neutres. Dieu merci !
Le psy à la fois téméraire et froid sur ses analyses a, à travers un procédé brocard dont il est seul à détenir le secret, lâché la vérité qui fâche et personne n’y est revenu. Je le fais. Interpellé sur la prise de drogue par les enfants en milieu scolaire, le rappeur de Keur Gui et non moins «activiste» au sein du mouvement citoyen Y’en a marre, Thiat, affirme grincheux : «Les parents ont démissionné.» Et le psychologue de cadrer : «Les parents n’ont pas démissionné. Ils n’ont jamais missionné pour démissionner. Avant de démissionner, il faut d’abord missionner.» Jusque-là, que du réchauffé sur les raisons qui ont favorisé le dérèglement de la société sénégalaise. Rien de nouveau. Du déjà-entendu quoi ! Et hop, Serigne Mor Mbaye creva l’abcès ! «Je pense qu’il faut lancer une campagne d’éducation des parents.» Oups ! Smm l’a osé. Les parents sont mal éduqués. Monsieur Mbaye estime qu’«être parent, c’est avant tout un état d’esprit». Des responsabilités. Les enfants sont souvent victimes de remontrances qui ne devraient jamais être orientées vers eux. Ces pauvres innocents ont bon dos chez nous. Dans une société patriarcale où chacun pense avoir fait son rôle et que «le plus petit» est toujours le principal destinataire des appréciations négatives dont on devrait valablement coller au chef, situer des responsabilités objectives demeure une affaire de véridiques ou de marginaux. C’est selon. «Les plus grands» se défaussant sur le manque d’éducation «des plus petits». «Ki rew kan moko wara ya»? «Xalebi rew ana mak biko warona ya» ? «Gone meune na teu mak ?» L’enfant n’est pas responsable de son éducation, que je sache. Sur qui repose naturellement cette responsabilité ? Un producteur mal formé produira toujours un produit mal apprécié sur le marché. On entendait toujours «way jur yi yara tuñu». Mais jamais on n’avait droit à «way jur yi yaruwuñu». On n’entrevoyait imputer aucune responsabilité aux chefs de famille. Toujours, c’étaient «xaleyi yaruwuñu. «Ndaw yi amatuñu kersa. Jigeen yi xamuñu sen bop.» C’en est fini tout cela ! Collez la paix aux enfants et osez lire votre ordre de dé-mission. «Ñi wara yar suñu yaruwul ñuy yare ?» L’enfant qui prend de la drogue le fait avec quel argent ? Le surveille-t-on assez ? Le gamin qui découche est-il toujours un orphelin ? Le collégien qui fume et boit de l’alcool, cherche-t-on à savoir où il a vu un homme fumer ou lever le coude pour la première fois ? A la télé. Dans le salon de son papa et en sa présence. Lui a-t-on inculqué les valeurs de «jom, kersa, sutura, fayda» ? La grosse somme d’argent dont ta fille te fait cadeau, comment l’a-t-elle gagnée ? Lui a-t-on appris les valeurs de «ngor ak maanute» ? Cupides, voraces, matérialistes et très frivoles, beaucoup de parents se passent de ces questions. Mais le psy s’oblige, par devoir et par responsabilité, à se chercher les causes du mal-être sociétal qui corrompt l’homosenegalensis. Ce mal-être sociétal auquel Monsieur Mbaye semble vouloir nous extirper au cours de sa «campagne d’éducation des parents» est tributaire d’un manque criard de responsabilité et d’engagement inexplicable de la part des «plus grands».
Rien ne peut justifier qu’on ne prenne en charge l’éducation de ses enfants. Rien. Abandonné à lui-même, l’enfant tentera tout ce qui lui tente et dont une éducation à la base aurait pu le détourner. L’enfant est un être hybride. Il est la somme des éducations (familiale, scolaire et sociale) reçues directement ou indirectement. Si le produit est mauvais, c’est parce que le producteur l’est d’abord, dit-on.
Il en existe certes, des enfants égarés dont les parents sont d’une moralité irréprochable, mais il faut le dire pour s’en désoler : «Lici beri dom ja, ndey ja. Aussi «bax ta baxalo say dom musibala». De la faiblesse coupable. Tout comme il en existe des parents si à cheval sur une éducation de base avec des enfants «sages comme des images». Ils sont peu nombreux. Par contre, ceux-là dont la progéniture s’est irrémédiablement égarée par leurs fautes sont un peu beaucoup. A bon entendeur, «na way jur yi yaru ta yar xaleyi». Que la société sénégalaise se jette dans la mare de son redressement. «Cissé (de)Lô» douce, que le docteur m’ordonne d’en boire une bonne Kan (Ti) té.
Ndiaga NDIAYE
Professeur d’anglais au Cem de Diogo
ndiaganjaay@gmail.com