EPIDÉMIE D’EBOLA : Le docteur Diène Ngom met en place un modèle mathématique pour endiguer la propagation du virus

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Face à la propagation du virus Ebola à travers le monde et notamment en Afrique de l’ouest, des chercheurs en mathématiques dont le jeune Docteur Diène Ngom en collaboration avec ses collègues espagnoles ont mis en place le modèle   Be-CoDiS (Between-Countries Disease Spread)pour endiguer l’expansion de l’épidémie. A la suite de la publication de cette recherche en Espagne, les « NOUVELLES DU CNDST » sont  allées à la rencontre du   Docteur Diène Ngom qui aborde, entre autres questions, l’originalité et l’intérêt de ce   modèle  mathématique dans la lutte contre le virus Ebola.

Docteur, présentez-vous brièvement.

   Permettez-moi tout d’abord de vous remercier pour l’intérêt particulier que vous accordez à la recherche dans les universités sénégalaises.

J’ai fait mes études secondaires au Lycée Coumba Diouf de Fatick où j’ai obtenu mon baccalauréat (Série C) en 1997. J’ai ensuite suivi un parcours universitaire classique en Mathématiques Appliquées jusqu’au Doctorat à l’université Gaston Berger de Saint-Louis. Je précise que j’ai fait une thèse de Doctorat en Mathématiques Appliquées avec une option en Analyse numérique sous la Direction des Professeurs Mary Teuw NIANE et  Abderrahmane IGGIDR au sein du Laboratoire d’Analyse Numérique et d’Informatique (LANI) de l’université Gaston Berger de Saint Louis. En 2009, quelques mois après l’obtention de ma thèse, j’ai été recruté comme enseignant chercheur au département de Mathématiques de l’Université Assane Seck de Ziguinchor. Je suis actuellement chargé d’enseignement et chef du département de Mathématiques à l’Université Assane Seck de Ziguinchor.

Mes travaux de recherches tournent pour l’essentiel sur la modélisation des systèmesdynamiques et sur l’analyse et le contrôle des équations différentielles ordinaires. Mes travaux sont basés sur des théories mathématiques mais sont, malgré tout, en lien avec la pratique.

Récemment vous avez publié, avec vos collègues mathématiciens espagnolesde l’Université de la Complutense de Madrid, un article sur l’épidémie du virus Ebola. Cette publication a fait, pendant des jours, la Une de plusieurs  journaux en Espagne. Pouvez-vous nous expliquer l’objet de cette recherche ?

          Au mois de septembre, j’ai séjourné à l’université de la Complutense de Madrid dans  le cadre de mes collaborations scientifiques avec les Professeurs  Benjamin Ivorra et Angel M. Ramos, tous deux enseignants-chercheurs au département de mathématiques de la dite université. Mon séjour à coïncidé avec la période où le Sénégal à enregistré son premier cas importé d’un malade du virus EBOLA et quelques jours plus tard, c’était au tour de l’Espagne d’enregistrer son premier cas de malade du virus Ebola. A la vue de l’avancée importante de la maladie en Afrique et ses premières manifestations en  Europe et aux Etats Unis, nous nous sommes dit qu’il serait intéressant de faire un travail sur l’évolution de l’épidémie d’EBOLA afin de bien comprendre sa dynamique et d’évaluer les zones de risque. En tant que mathématicien, notre premier réflexe a été de développer un modèle mathématique baptisé Be-CoDiS (Between-Countries Disease Spread) qui estime comment le virus EBOLA pourrait se propager à travers le monde.

Le modèle que vous avez  baptisé Be-CoDiS (Between-Countries Disease Spread), qu’est ce qui fait son originalité et son impact dans les recherches et travaux jusque-là entrepris au sujet du virus Ebola ?

L’une des originalités du modèle Ebola Be-CoDiS est qu’il permet de faire des projections sur l’évolution de l’épidémie d’Ebola à travers le monde en tenant compte des pays actuellement contaminés. En cela, le modèle  Be-CoDiS  peut être un véritable outil de décision afin d’aider les autorités à  focaliser leurs efforts sur les régions à fort risque d´introduction de cette maladie et ainsi lutter de manière plus efficace contre ce virus.  Une autre originalité du modèle Be-CoDiS  est qu’il prend en compte certains facteurs déterminants pour l’évolution de la maladie tels que : le flux migratoire entre les pays, les effets des mesures de contrôle (comme les personnes hospitalisées et les secteurs de mise en quarantaine) et des coefficients dynamiques adaptés à chaque pays.

L’impact de notre travail de recherche sur les études  entreprises jusque-là au sujet du virus Ebola est qu’il semble apporter plus de précision sur les zones à risque, suivant certaines hypothèses. Depuis le début de l’épidémie de 2014, des consignes d’hygiène sont données à travers le  monde et malgré  tout le virus Ebola a fini par surprendre certains pays où on ne l’attendait pas du tout. Avec ce modèle, différents scénarios (hypothèses) pourront être considérés afin  d´obtenir diverses projections sur l’évolution du virus et d´anticiper les mesures de contrôles à prendre.

Etant des mathématiciens, comment avez-vous conçu ce modèle ?

        D’abord il faut comprendre  que  le modèle Be-CoDiS  est un modèle épidémiologique spatio-temporel. Ce modèle est basé sur la combinaison d’un modèle déterministe individu centré  et d´un modèle déterministe  à compartiments. Le modèle  déterministe individu centré  décrit les risques d´introduction et de diffusion du virus Ebola d’un pays en fonction des pays avec lesquels il partage des flux migratoires et le modèle déterministe à compartiments nous renseigne sur l’évolution de l’épidémie d’Ebola à l´intérieur d´un pays. Dans un premier temps nous avons proposé une formulation mathématique du modèle  en se basant sur un système d’équations différentielles ordinaires. Ensuite pour valider le modèle, nous avons fait diverses  simulations numériques en tenant compte des paramètres historiques obtenus sur l’épidémie d’Ebola de 2014.

Aujourd’hui, quelles sont les chances de validation ou d’acceptation scientifique de ce modèle par la communauté des pairs ?

Au vu des résultats obtenus, il y a une réelle chance de validation du modèle. Toutefois, il ne nous appartient pas d’apprécier la validité de ce modèle. Nous allons laisser le soin à la communauté scientifique de juger notre travail, parce que c’est ainsi qu’évoluent les sciences. Néanmoins, au vu des premiers résultats de validation obtenus en utilisant les données de l’épidémie de 2014,  le comportement de Be-CoDiS semble satisfaisant.

Est-ce à dire que les solutions concernant le virus Ebola comme tant d’autres épidémies qui s’attaquent aux  humains se trouvent dans les Sciences mathématiques ?

Il serait prétentieux de répondre par l’affirmative parce qu’un modèle mathématique ne reste valable que sous certaines hypothèses bien spécifiques. Mais une chose est certaine, les Sciences Mathématiques peuvent  fournir des outils  permettant d´aider à la lutte  des épidémies de maladies  affectant les humains.

Parlons à présent, de l’enseignement et de la recherche dans les nouvelles universités comme Ziguinchor, quels ont les difficultés auxquels vous êtes confrontés  en tant que jeune chercheur dans ces régions ?

Larecherche est le parent pauvre dans les nouvelles universités du Sénégal, les moyens mis à la disposition des chercheurs sont très insuffisants pour espérer booster la recherche dans les nouvelles universités. Parmi les difficultés rencontrées par les jeunes chercheurs on peut citer : l’insuffisance des budgets consacrés à la recherche, la dépendance à l’aide étrangère, le manque de documentation approprié dans les laboratoires de recherche et  l’absence d’une masse critique de chercheurs pour diversifier les thèmes de recherche. A cela, il faut ajouter l’absence de véritable politique de valorisation de la recherche dans les universités.

Que faut-il faire pour encourager les jeunes chercheurs voire même les chercheurs seniors à rester dans les jeunes universités du Sénégal ?

D’abord, il faut  que les autorités mettent les moyens matériels et financiers nécessaires à la recherche scientifique dans les universités. Il faut aussi considérablement augmenter le recrutement dans les universités afin d’avoir une masse critique de chercheurs permettant la mise en place  d’équipes de recherches solides qui seront capables d’exister au plan international en  terme de production scientifique. Enfin il serait bien que les autorités développent des stratégies politiques pour valoriser les recherches qui se font au niveau des universités.

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