Entretien – Pape Djiby Ba : «j’ai été particulièrement séduit par la version d’Amira de Chéri coco»
Cet entretien exclusif avec Pape DJIBY BA a été repris in extenso sur IGFM
Un de ses tubes phares, «Chéri Coco», a été remis au goût du jour par une jeune chanteuse, Amira Abed, et nous a rappelé à son bon souvenir. Pape Djiby Ba, auteur à succès dans les 70-80, avait subitement disparu des radars sénégalais. Nous avons retrouvé l’interprète de «Baliya», qui compte une quarantaine d’années de musique. Il s’est prêté au jeu de nos questions et réponses. Interview…
Nous vous avons quelque peu perdu de vue. Que devient le chanteur Pape Djiba Ba ?
Je suis actuellement au Sénégal en vacances. Je suis venu pour retrouver les miens et prendre du bon temps avec eux. Je suis établi en Europe depuis plusieurs années déjà, entre la France et la Suisse. Naturellement, j’évolue toujours dans la musique, c’est ma raison d’être. J’essaie tant bien que mal de porter haut les couleurs nationales. Il y a à peine deux mois de cela, j’étais en Roumanie dans le cadre d’une tournée avec le groupe «Afro-Suisse». Il n’y avait pas moins de 30 groupes venus de toutes parts, mais nous avons pu tirer notre épingle du jeu. Nos prestations ont été bien appréciées et d’ailleurs, nous avons reçu des distinctions. Cela prouve que nous avons bien représenté notre pays.
Qu’est-ce qui vous a poussé à vous établir en Europe ?
J’ai quitté Dakar pour la France, dans le but d’approfondir ma musique. C’est ainsi que j’ai étudié au Conservatoire Hector Berlioz dans le 10ème arrondissement (de Paris). Par la suite, j’ai donné des cours de musique, en parallèle, aux spectacles que je donnais. Tous les ans, le 4 avril (fête de l’indépendance du Sénégal), l’ambassade du Sénégal en France me sollicite pour représenter le pays et je le fais avec une grande joie. Nous autres Sénégalais sommes de grands voyageurs. C’est dans cette optique que nous avons mis sur pied la fédération internationale des artistes sénégalais de la diaspora. Et j’en suis le président. Elle a été créée et est basée en Suisse. Son but principal est de sauvegarder et vulgariser les valeurs sénégalaises. Nous comptons ainsi mettre en place des projets de développement : social, culturel et économique, avec des institutions internationales. Nous envisageons d’avoir des succursales dans plusieurs autres pays où des Sénégalais sont établis.
«Ma carrière en Suisse…»
En attendant, votre carrière ici au Sénégal est un peu à la traîne. Avez-vous des projets qui vous permettront de revenir au-devant de la scène ?
Je ne vous cacherais pas que j’ai à mon actif plusieurs œuvres que je peaufine depuis plusieurs années déjà. Vous savez le Sénégal est un pays de culture et donc, il faut prendre le temps de parfaire les choses avant de les livrer aux Sénégalais. Je dirais que l’une des raisons qui m’ont poussé à venir au Sénégal, c’est aussi de faire la promotion de mon nouvel opus international, «Jokko», qui signifie se connecter. Malheureusement, c’est tombé au mauvais moment. Vu la situation actuelle, nous l’avons bloqué, en attendant d’y voir plus clair. Nous avons suspendu toutes les activités à cause du coronavirus.
Une jeune fille du nom de Amira Abed a récemment repris un de vos tubes phares, «Chéri Coco». Comment avez-vous accueilli la «cover» ? Etiez-vous au courant avant la sortie du single ?
C’est grâce à mon attaché de presse que j’ai appris l’existence de cette chanson. Très franchement, j’ai été particulièrement séduit par l’interprétation de cette jeune fille. Je la remercie pour son geste ainsi que vous, de me donner l’occasion d’en parler. C’est une fierté pour moi. Lorsque j’ai écouté la reprise de ma chanson par Amira, j’avoue que j’ai frissonné. J’en ai eu la chair de poule. Je ne peux que m’en réjouir et c’est le Sénégal qui en sort gagnant. C’était notre souhait le plus ardent, voir des jeunes nous emboîter le pas et assurer la relève. Amira a de l’avenir, elle a tout mon soutien et mes prières l’accompagnent. J’ose croire que les Sénégalais vont lui prêter une oreille attentive et l’aider dans sa carrière. Une carrière n’est jamais facile. On a traversé le désert et notre objectif était de baliser la route pour la jeune génération. Afin qu’elle puisse cheminer aisément, véhiculer des messages.
Assane Ndiaye, le leader du «Nguéweul gui», avait auparavant repris une autre de vos chansons, «Baliya»…
C’est vrai et c’était un peu dans le même contexte que la demoiselle Amira. Sauf que lui m’avait contacté à l’époque pour me parler de son souhait de faire une reprise de ma chanson. Son geste m’avait aussi beaucoup touché et avait une portée symbolique pour moi. Assane Ndiaye n’est pas n’importe qui sur l’échèquier musical sénégalais. C’est un grand artiste, qui mène une brillante carrière. Ce clin d’œil de sa part, ne pouvait que me faire plaisir. A mes débuts, je reprenais aussi des chansons d’autres artistes. J’avais tout juste 14 ans. Ainsi va la vie, avant d’être aguerri, on est obligé de passer par la case apprentissage. La musique est assez vaste et il y a de la place pour tout le monde. Le reste appartient à la Sodav (société des droits d’auteurs et voisins). C’est à elle de faire la répartition pour les droits…
La musique est assez vaste et chacun peut y trouver sa place, dites-vous. Quel regard portez-vous sur la jeune génération de chanteurs ?
Je fonde énormément d’espoir en eux. La musique sénégalaise étant très vaste, chaque ethnie avec ses rythmes. C’est dire que le Mbalakh seul ne constitue pas la musique sous nos cieux. La palette est large et diverse, tout le monde peut s’y retrouver. Chacun est artiste dans son domaine. Je dis juste une chose : que les plus jeunes s’arment de courage et de patience. Il faut y aller pas à pas, pour éviter de se brûler les ailes. S’ils le peuvent, ils n’ont qu’à étudier la musique et approfondir leur apprentissage à chaque fois qu’ils en auront l’occasion. Maîtriser les rouages et les règles. Il ne sert à rien de courir, il faut partir à point. Certains gagneraient à travailler davantage leur musique et faire des recherches. On entend parfois des morceaux qu’on n’a pas envie de réécouter, parce qu’il n’y a pas de travail en amont. C’est ce qu’on appelle des morceaux kleenex, confectionnés à la va-vite.
Aujourd’hui avec le Covid 19, toutes les activités sont à l’arrêt. Quels sont les projets de Pape Djiby Ba, une fois cette épidémie circonscrite ?
Voilà deux ans que je suis avec le groupe «Afro Suisse», dont je suis le lead-vocal, sur un projet de tournée internationale. Je pense qu’à la fin de cette pandémie, nous allons nous y atteler. Nous devions démarrer par le Sénégal et nous avions choisi Youssou Ndour comme parrain d’honneur de cet événement, sous le haut patronage du Président Macky Sall et de la Première dame, Marième Faye Sall. L’intention est toujours là, pourvu que cette épidémie cesse au plus vite. J’avais aussi dans l’idée de faire venir des investisseurs et des bailleurs de fonds suisses ici au Sénégal afin qu’ils balisent le terrain, dans l’optique d’une future coopération. A part cela, j’entends bien sortir mon album, avec mon label «Union Records». La date initiale de la sortie était le 30 avril. Mais ça a été reporté à une date ultérieure. Ce n’est que partie remise. Il est fin prêt et a été réalisé grâce à l’appui du gouvernement suisse via des agences culturelles. Je magnifie l’intérêt qu’ils ont porté sur ma modeste personne. Cela me motive dans ma conviction, selon laquelle les Sénégalais, où qu’ils puissent être dans le monde, doivent œuvrer pour être des acteurs de développement.
MARIA DOMINICA T. DIEDHIOU