El Hadji Abdoulaye THIAM: «Le Sénégal a intérêt à se retrouver pour un scrutin paisible»

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Vous le savez, le Sénégal est une vieille tradition démocratique. On vote depuis plus d’un siècle. D’abord, il y avait ce qu’on appelait les quatre communes, Dakar, Gorée, Rufisque et Saint-Louis où les populations étaient des citoyens français. N’oubliez pas que Blaise Diagne a été député en France et Secrétaire d’Etat dans un gouvernement français. Il faut reconnaître qu’une partie de l’opposition et de la société civile s’est mobilisée pour dire non à la loi votée par l’Assemblée mais il faut bien préciser que le décret de promulgation n’a pas encore été pris par le président de la République actuel. Cela veut dire que cette loi n’est pas applicable. Cette mobilisation du vendredi 9 février dans une partie de Dakar a été bien suivie et presque tout le commerce avait baissé rideau. Pour certains pour répondre à l’appel et pour d’autres pour raison de sécurité afin de protéger leurs biens face à certains manifestants qui profitent de ces occasions pour piller.

La démocratie reprend-elle donc ses droits au Sénégal après la décision qui a choqué tout un pays et les démocrates, décision de votre président de reporter l’élection présidentielle dix heures seulement avant le début de la campagne électorale ?

Je vous confirme que le Sénégal est et restera toujours démocratique. En ma qualité d’observateur, depuis février 1983, je suis les événements politiques dans mon pays, voire dans la sous-région. J’ai couvert les élections pendant quatre décennies et je suis toujours l’actualité politique. En démocratie, les soubresauts ne peuvent pas manquer. La démocratie n’est jamais parfaite. Il faut toujours améliorer les conditions. Au Sénégal, l’isoloir a été introduit après rudes batailles de Me Wade alors opposant, de même que l’encre indélébile, etc. Les médias ont beaucoup contribué au renforcement de la démocratie avec les résultats en direct au téléphone à partir des bureaux de vote les plus éloignés du pays. Le report annoncé par le président Macky Sall a été contesté devant le Conseil constitutionnel qui a eu raison, même si certains doutaient de sa compétence. Une raison de plus pour dire que notre pays est toujours démocratique. Il faut rappeler que c’est un groupe parlementaire de l’opposition appuyé par la majorité qui avait demandé le report de l’élection.

Après des jours de crise politique inédite, quel est le sentiment général dans votre pays depuis l’invalidation, jeudi, par le Conseil constitutionnel de la loi Sall qui reportait la présidentielle au 15 décembre 2024 et l’annulation du décret de votre président qui annulait la convocation du corps électoral pour le 25 février ?

Cette décision tombée jeudi vers 20 heures a été acceptée par toutes les parties, majorité comme opposition, et la société civile sénégalaise. Aucun recours n’est permis par la loi et nous attendons de voir ce que l’administration centrale va décider pour une nouvelle date très attendue par les Sénégalais.

Justement, quand est-ce que les Sénégalais pourront élire leur futur Président puisque le Conseil des sept sages soulignent également qu’il ne sera plus possible de tenir le scrutin le 25 février ?

A mon humble avis, je pense qu’il sera difficile de tenir le scrutin ce 25 février. Il nous reste neuf jours alors que la loi a prévu une campagne électorale de 21 jours. Il y a également le matériel électoral à convoyer dans 14 régions du pays, les 46 départements, et dans le monde où nous comptons des centaines de milliers de compatriotes. Il faut aussi une formation du personnel électoral, car certains, vu leurs âges ne sont plus aptes à siéger. Les autorités administratives sont tenues de prendre des actes pour plus de 6 000 bureaux de vote, de même que la Commission électorale nationale autonome (Cena), superviseur des élections, sans oublier les magistrats de la Cour d’appel de Dakar qui est chargée du recensement.

C’est une grande machine électorale qui sera sur le terrain pour un scrutin serein et transparent. Bref, je pense que le Sénégal étant un pays de dialogue, toutes parties se retrouveront pour un scrutin paisible. La libération d’une centaine de détenus à la suite des derniers évènements de 2023 est une très bonne chose pour décrisper la situation politique.

lexpress.mu

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