EDUCATION: Repenser autrement l’efficacité de l’Ecole sénégalaise

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Dans son adresse à la Nation du 03 avril 2016, veille de la fête de l’indépendance du Sénégal, le Président de la République a consacré un moment au système éducatif, en général et, plus particulièrement, à la nécessité de reprofiler l’Ecole Publique et de requalifier la mission des syndicats d’enseignants, dans le cadre d’une démarche consensuelle, participative et inclusive, avec l’Etat, la FENAPES et la Société civile afin de réaliser une Ecole citoyenne performante, stable et apaisée.

Cette invite du Chef de l’Etat pourrait, sans doute signifier que toutes les forces vives de la Nation devraient se tenir debout comme un seul homme et, dans un élan de sursaut collectif, marcher ensemble vers une Ecole résolument tournée sur le 21ième siècle. Parce que l’Éducation constitue aujourd’hui, plus que jamais, un des piliers sur lesquels le Sénégal compte s’appuyer pour améliorer ses conditions socio-économiques et son développement à travers le PSE, dont la vision s’articule autour d’« Un Sénégal émergent en 2035 avec une société solidaire et un dans Etat de Droit ».

Dans la perspective des orientations stratégiques de cette vision, la valorisation du Capital humain, le renforcement de la Protection sociale et du Développement durable forment ensemble un axe prioritaire vers l’émergence escomptée.

Cependant, les résultats actuels de notre système éducatif sont relativement mitigés et nous fondent à croire qu’au moins, trois grandes tendances annoncent probablement le maintien d’un statu quo et la persistance d’une bureaucratie durant les dix prochaines années, si rien n’est entrepris : des crises cycliques, une résistance au changement et un risque d’absence de candidats à la profession enseignante.

La première tendance se manifeste par une série de crises aux allures à la fois multidimensionnelles et récurrentes, se traduisant d’abord à travers un manque de confiance entre les deux principaux acteurs, l’Etat et les syndicats d’enseignants, sans qu’il y ait possibilité, de la part d’une troisième entité neutre, de les rapprocher, de les concilier, de faire de la médiation voire d’arbitrer les différends, selon les mécanismes d’alerte, de prévention, de règlement et de résolution des conflits si bien connus de notre arbre à palabre plusieurs fois séculaire, au bénéfice exclusif des élèves/étudiants et de leurs parents. Il convient, toutefois, de saluer au passage, les efforts déployés dans ce sens par une organisation comme la COSYDEP. S’y ajoute une autre série de signes qui portent sur un manque de vocation des enseignants, d’adaptation des programmes, d’adéquation de l’environnement scolaire, d’autorité de l’Etat, d’adhésion des parents et de performances scolaires. La seconde tendance a trait à un système éducatif réfractaire aux nouvelles possibilités, à la proactivité et à la prospective, et, donc, résistant au changement et confiné à l’ère des 19ième et 20ième siècles, dans un contexte mondial essentiellement caractérisé par une réduction de l’espace et une dilatation du temps sans précédent. A cet égard, il ne semble pas superflu de constater que la gestion des relations conflictuelles est purement conjoncturelle et que de telles façons de procéder contribuent largement à faire de notre système d’éducation, l’otage de protagonistes qui ne sortiront probablement jamais de l’ornière. En outre, la plupart des enseignants sont parfois dépassés par certains élèves hyper connectés, qui accèdent au savoir et à la connaissance disponible sur le web qui se substitue progressivement à la salle de classe habituelle, sans, toutefois, être en mesure de la remplacer. Ce qui met à nue une insuffisance de formation professionnelle, tant initiale que continuée, surtout au niveau des cycles préscolaire, élémentaire et moyen secondaire général. Une telle réalité annonce même une troisième et dernière tendance qui concerne le risque certain de déperditions massives d’enseignants, à cause de leur existence précarisée par l’appartenance à des corps dits émergents. Qu’ils soient volontaires ou vacataires, maîtres ou professeurs contractuels, ils ont tous comme dénominateurs communs une grande précarité, une faible motivation, des conditions de travail peu attrayantes, des niveaux de salaires relativement bas, et, surtout, un manque de reconnaissance de la part de leur employeur et de la société, en général. A cela s’ajoutent les déperditions déjà effectives des apprenants, ce qui pousse les parents d’élèves à ne plus croire à un système éducatif qui, non seulement, présente souvent une offre éducative non conforme à la demande, mais surtout, empêche d’accéder à l’élite du fait des multiples échecs aux examens et concours tout en ôtant les capacités de réadaptation pour la réinsertion de l’enfant dans sa communauté d’origine qui le rejette, parce qu’il aura perdu l’habitude requise pour les travaux domestiques (s’agissant des filles), agro sylvo pastoraux ou artisanaux…,(concernant les garçons), n’ayant pas été capable de réussite sur le plan académique. Et, pour couronner l’édifice, les jeunes sénégalais qui parviennent à passer entre les mailles du filet des déperditions et deviennent diplômés de l’enseignement technique professionnel, de l’enseignement supérieur, sont frappés, pour la plupart par un chômage inquiétant.

Sous l’évolution démographique, on remarque la persistance de cette tendance qui pourrait s’aggraver encore si l’on sait que, selon le rapport définitif du Recensement Général de la Population, de l’Habitat, de l’Agriculture et de l’Élevage, la population sénégalaise se caractérise par sa jeunesse.  L’âge moyen de la population est de 22,4 ans et la moitié de la population a un âge médian de 18,7 ans, avec un taux brut de scolarisation au primaire des 7-12 ans de l’ordre de 80%. Par contre le taux net de scolarisation au primaire pour cette même tranche est de l’ordre de 58,1% selon l’ANSD, 2013. Le taux d’accroissement annuel moyen de la population est de 2,7%. Ainsi les projections de la population à des fins d’estimation du futur proche, en l’absence d’événements exceptionnels de nature imprévisible, montrent que la tendance évolutive de la population devrait rester continue, suivant du même coup la jeunesse de cette population. Rapportée au secteur de l’Éducation, cette tendance devrait augmenter considérablement la demande en éducation donnant ainsi au Sénégal un dividende démographique qui devrait améliorer notablement le taux net de scolarisation pour l’amener au niveau du taux brut. Ce type de performance demandera des efforts conséquents de planification et de prévision au niveau global du système éducatif. La répercussion logique de cet état de fait est l’augmentation de la pression sur les infrastructures scolaires due à la croissance des effectifs, ce qui selon certains analystes affectent ainsi la qualité. Au Sénégal, l’Agenda post 2015 préconise l’accès pour Tous et eu égard à la forte pression de jeunes en âge d’aller à l’école et au cadre d’opérationnalisation qu’est le PAQUET, le discours politique prescrit d’allier accès et qualité. Ces dix dernières années, d’importantes avancées ont été faites vers l’école universelle, avec un taux brut de scolarisation primaire qui est passé de 54% en 1995 à 93,9 % en 2011, selon le Ministère de l’Education Nationale, 2011. Toutefois, la qualité de l’éducation demeure hétérogène et reste un privilège réservé à certaines populations.

Face à tant de goulots d’étranglement nous nous proposons d’alimenter la réflexion afin de contribuer à éclairer les grandes décisions que le Président de la République devrait prendre, après avoir créé toutes les conditions propices au dialogue socio politique et indiqué la voie royale, sans délai, à tous les acteurs qui s’intéressent à l’émergence du Sénégal, sans exclusive, mais sans préalable et au-delà de toute appartenance politique, religieuse, syndicale ou autre, au nom des intérêts supérieurs de l’Ecole publique sénégalaise. Il s’avère nécessaire de refonder le système éducatif conformément aux réalités sénégalaises et à l’évolution mondiale, sur la base d’au moins quatre recommandations fortes, pour l’émergence d’une école du futur orientée vers la conscience d’avenir du peuple.

 

 

  1. Transformation de l’éducation

Elle répond aux exigences actuelles et devra aboutir à un développement individuel et collectif durable. La vision et la finalité de l’Éducation devra prendre en compte l’ensemble des préoccupations et attentes de la communauté, ses aspirations, ses représentations et valeurs que l’Éducation doit promouvoir, en somme le type de citoyens à former afin de promouvoir une «Éducation à l’autonomie»: apprendre à apprendre et à entreprendre pour un développement durable. Suite aux orientations stratégiques du PAQUET et face à la nécessité de repositionner le système éducatif comme pilier central du développement, les Assises de l’Education et de la Formation ont posé, entre autres axes prioritaires, « une école rénovée dans un environnement apaisé » et « une école où l’on apprend à apprendre ». C’est à ce niveau qu’il faudrait, sans doute, réconcilier les enseignants avec leur employeur. Car, l’amélioration de la qualité est un enjeu pour Tous. Il s’agit notamment de se pencher sur la réforme des curricula, la mise à disposition de matériels didactiques, la qualification, la revalorisation et la redéfinition du rôle des enseignants, l’utilisation des langues locales, etc.

  1. Dynamisme des jeunes

La caractéristique essentielle est la jeunesse de la population sénégalaise. Le recensement général de la population (RGPHAE, 2013) indique que l’âge moyen démographique est de 22,4 ans et que la moitié de la population a 18,7 ans. Le taux d’accroissement annuel moyen de la population est de 2,7%. Cette tendance, sauf choc exceptionnel, va se poursuivre et nécessiter des efforts conséquents en planification, financement et stratégies innovantes d’enseignements permettant de réduire les disparités de tous ordres. Le dividende démographique pourrait être un atout pour l’émergence du Sénégal. Une Vision et des politiques hardies permettront de le transformer en opportunités. Il convient de songer, à cet effet, à la diversification, à l’adaptation aux besoins du marché et à la professionnalisation de l’offre de formation afin que l’arrivée massive de jeunes résultant de l’amélioration des taux de transition soit transformée en atout.

  1. Taux de transition

L’UNESCO indique que le taux de transition donne le degré d’accès ou de transition d’un cycle d’enseignement inférieur au cycle supérieur. C’est un indicateur de résultat pour le cycle d’enseignement inférieur et un indicateur d’accès pour le cycle supérieur. Il évalue aussi la sélectivité relative des systèmes d’éducation, qu’elle soit dictée par des exigences pédagogiques ou par des contraintes financières. Tous les acteurs s’accordent sur son importance pour un système performant. Le taux d’achèvement du primaire  au Sénégal est à 65,9% en 2013. Le Sénégal s’est fixé comme objectif à l’horizon 2020 l’atteinte d’un taux d’achèvement de 100% dans sa Lettre de  Politique Sectorielle. Parce que le dividende démographique devra être un atout pour l’Émergence du Sénégal comme le préconise le PSE. Pour ce faire, une Vision et des politiques hardies devraient être mises en œuvre afin que ce dynamisme des jeunes soit transformé en opportunités. Nous sommes tous interpelés pour réaliser cette performance, non pas parce que c’est facile, mais précisément, parce que c’est difficile.

  1. Nouvelles technologies influençant la transformation de l’éducation et l’apprentissage tout au long de la vie

Nous avons franchi déjà une quinzaine d’années dans la Société du savoir. Et dans une telle société, l’accès à l’information et son contrôle constituent un enjeu majeur. L’éducation et l’apprentissage tout au long de la vie pour Tous, s’appuyant sur les TIC, feront que chacun, dans sa vie privée ou professionnelle, est ou sera amené à utiliser un tableau blanc interactif, internet, un traitement de texte, un tableur, un correcteur orthographique, un logiciel de traduction, etc. Le système éducatif devra introduire de nouvelles modalités : l’enseignement présentiel technologiquement assisté (utilisation du Web dans l’enseignement traditionnel),  l’enseignement à distance (par opposition au présentiel), l’enseignement hybride (combinaison des précédents modes).  Enfin, les acteurs devraient s’orienter aussi vers la révision des référentiels de formation, le rôle de l’enseignant et la Valorisation des acquis de l’expérience (VAE).

 

Tout compte fait, la Transformation de l’éducation qu’entrainera la séquence temporelle 2014-2035, le Dynamisme des jeunes qui devrait être au cœur des projets politiques du Plan Sénégal Émergent, le Taux de transition qui a des conséquences importantes sur l’évolution de l’enseignement moyen, secondaire, professionnel et supérieur ainsi que sur l’Innovation, les Nouvelles technologies influençant la transformation de l’éducation et l’apprentissage tout au long de la vie trouvent toute leur importance puisque ces différents signes reflètent bien les nouvelles tendances du système éducatif sénégalais. Au-delà de l’absolue nécessité de la cohérence des programmes éducatifs sénégalais, les lacunes, tensions et freins identifiés depuis longtemps et mis en exergue par les Assises Nationales de l’Éducation et de la formation tout comme la Concertation Nationale sur l’Enseignement Supérieur, méritent d’être pris en compte dans une nouvelle gouvernance du système. Cette nouvelle approche devrait permettre d’apporter les réponses adaptées à la problématique de l’alliance de la démocratisation de l’accès et de l’amélioration de la qualité, de l’équité et de la transparence, des concepts qui, loin d’être antagonistes pourraient, à travers les nouvelles technologies de l’information et de la communication, aller harmonieusement ensemble et hisser le Sénégal vers la Société du Savoir qui, bien encadrée, garantira l’épanouissement intégral de l’homo senegalensis.

Papa Moustapha GUEYE- Inspecteur de l’Education et de la Formation,

Diplômé de GRH,

Spécialisé en Planification Internationale de l’Education

Titulaire d’un Diplôme d’Etudes Supérieurs Spécialisées en Leadership dans les TIC et la Société des Savoirs

Militant de base de l’APR à Fatick

 

 

 

 

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