Écraser Gaza ou temporiser: Israël face à un dilemme historique
Tsahal a massé des dizaines de milliers de soldats à la frontière. Le risque d’échec, d’embrasement de la région et d’exécutions d’otages est immense.
Des blindés Merkava 4 de l’armée israélienne se positionnent à la frontière avec la bande de Gaza, le 13 octobre 2023.
Des blindés Merkava 4 de l’armée israélienne se positionnent à la frontière avec la bande de Gaza, le 13 octobre 2023. © ARIS MESSINIS / AFP
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Après les attaques meurtrières sans précédent contre Israël lancées le 7 octobre par le Hamas, qui ont fait plus de 1 300 morts, dont 245 soldats, côté israélien, le Premier ministre Benyamin Netanyahou a promis « d’écraser » le mouvement terroriste. Des frappes aériennes massives ont eu lieu contre Gaza, durant lesquelles l’armée israélienne a lancé plus de 4 000 tonnes d’explosifs et déjà provoqué la mort de 1 800 personnes, dont près de 600 enfants, selon l’Autorité palestinienne. Et une opération terrestre se profile. Elle aura pour objectif la liquidation des hauts gradés et peut-être du mouvement terroriste tout entier.
Plusieurs dizaines de milliers de soldats israéliens sont déjà massés à la frontière avec la bande de Gaza, alors que 360 000 réservistes ont été rappelés pour renforcer les 180 000 soldats professionnels. En face, les effectifs du Hamas sont estimés entre 20 000 et 30 000 combattants, disposant d’un armement varié, y compris des armes antichars capables de détruire les blindés israéliens les plus lourds, les Merkava 4. Le gouvernement d’urgence israélien et son cabinet de guerre, dont la formation a été entérinée par le Parlement jeudi 12 octobre, ont ordonné l’évacuation de 1,1 million de personnes vers le sud de la bande Gaza en vue de l’offensive. Cette demande, quasi irréalisable, a été rejetée par le Hamas et condamnée par l’ONU, mais des milliers de personnes fuyaient vendredi vers des zones moins dangereuses de ce petit territoire coincé entre Israël, l’Égypte et la mer Méditerranée.
Les souterrains, piège pour Tsahal
Une offensive terrestre de grande ampleur est bien plus risquée que l’utilisation combinée de frappes aériennes ciblées et de forces spéciales, comme Israël a l’habitude de le faire ces dernières années. Les soldats de Tsahal devront évoluer dans un environnement particulièrement dangereux, fait de ruines, de dizaines de kilomètres de souterrains, le tout étant très probablement piégé par le Hamas. Conscient que son attaque massive du 7 octobre ne pourrait rester sans réponse, le mouvement terroriste espère peut-être attirer l’armée israélienne dans un guet-apens, et a probablement préparé ses défenses depuis plusieurs semaines ou plusieurs mois.
L’un des leviers de cette guerre pourrait être la question des otages. Environ 150 Israéliens et binationaux ont été enlevés le 7 octobre, une situation inédite pour l’État hébreu qui n’a eu à gérer qu’une vingtaine de prises d’otages ces quatre dernières décennies. « Nous ne sommes pas dans la situation où vous auriez des forces spéciales prêtes à intervenir sur un terrain dégagé, avec des cibles facilement localisables, comme ce fut le cas lors du célèbre assaut de l’aéroport d’Entebbe [en Ouganda, où une centaine d’otages furent libérés par les soldats israéliens, NDLR] en 1976 », explique Étienne Dignat, professeur à Sciences Po et auteur de La Rançon de la terreur – Gouverner le marché des otages (PUF, 2023).
Guerric PONCET Le Point