Eau, assainissement et exploitation des ressources: Construire un développement équilibré face aux défis environnementaux

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Dans le cadre des Concertations nationales sur l’eau et l’assainissement à Kaolack, plusieurs défis structurels et environnementaux majeurs touchent le Sénégal. Parmi ceux-ci, la gestion des inondations causées par les lâchers d’eau du barrage de Manantali, la pollution des eaux due aux orpailleurs sauvages, et les remontées salines dans les régions de Kaolack et Fatick représentent des problématiques centrales. Ces enjeux, qui affectent directement la vie des populations, nécessitent des réponses durables et inclusives.

Remontées salines : un défi agricole et économique majeur
Dans des régions comme Fatick et Kaolack, les remontées salines constituent une menace croissante pour l’agriculture, principal moyen de subsistance des populations locales. La salinisation des sols, due à l’intrusion des eaux marines dans les terres basses, dégrade leur fertilité, réduisant considérablement les rendements agricoles. Face à cette situation, une question stratégique se pose : faut-il privilégier l’exploitation du sel, qui offre des perspectives économiques importantes, au détriment du développement agricole et de la sécurité alimentaire ?

L’exploitation du sel, bien que porteuse d’opportunités économiques, risque de compromettre davantage les terres agricoles et d’aggraver les déséquilibres environnementaux. En effet, la conversion massive des terres agricoles en salins pourrait accentuer l’insécurité alimentaire dans une région déjà vulnérable. À Fatick, où les pratiques agricoles traditionnelles coexistent avec l’extraction du sel, un choix clair entre spécialisation et cohabitation doit être fait.

Vers une coexistence entre agriculture et exploitation salicole
Plutôt que d’opposer les deux activités, une approche intégrée et équilibrée pourrait être adoptée pour permettre leur coexistence. Ce modèle, inspiré de pratiques réussies dans d’autres régions, comme le delta du Nil en Égypte, pourrait inclure :

La création de zones dédiées à l’exploitation salicole, avec des délimitations claires pour éviter l’empiètement sur les terres agricoles.
Le développement de cultures tolérantes à la salinité, capables de prospérer dans des conditions de sol difficiles.
La mise en œuvre de pratiques de gestion des sols pour freiner la progression de la salinisation. Cela inclut l’usage des coques d’arachide, une technique locale qui, bien que sous-exploitée, a montré son efficacité dans le passé à Fatick pour limiter la salinité et améliorer la structure des sols.
Ces solutions doivent être accompagnées par des projets de restauration des sols dégradés et des infrastructures pour limiter l’intrusion saline, notamment des digues anti-sel modernisées, tirant les leçons des expériences passées où l’entretien insuffisant avait compromis leur efficacité.

L’eau, une ressource à préserver entre usages agricole et industriel
La gestion des ressources en eau est une autre clé pour résoudre le dilemme entre agriculture et exploitation salicole. Pour garantir un accès équitable à l’eau douce, des mesures spécifiques doivent être envisagées :

Des bassins de rétention capables de stocker l’eau douce pour les besoins agricoles, notamment en période de sécheresse.
Des systèmes de dessalement à petite échelle, adaptés aux besoins des exploitations salines et limitant leur impact sur les ressources locales.
Un contrôle rigoureux de la qualité de l’eau, pour prévenir la contamination des nappes phréatiques par les activités salicoles ou agricoles.
Inondations et lâchers d’eau du barrage de Manantali
Parallèlement, les récents événements à Saint-Louis et Bakel ont mis en lumière l’urgence d’une meilleure gestion des lâchers d’eau du barrage de Manantali. Les crues causées par ces lâchers obligent des milliers de personnes à quitter leurs maisons, aggravant la vulnérabilité des communautés riveraines. Une solution réside dans :

La mise en place de systèmes d’alerte précoce, permettant aux populations et aux autorités locales d’anticiper et de se préparer aux crues.
La construction de bassins tampons en aval, pour réguler les flux d’eau et réduire leur impact sur les zones habitées et agricoles.
Une meilleure coordination entre les États membres de l’OMVS (Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal) pour définir des calendriers optimaux de lâchers d’eau, tenant compte des réalités locales.
Pollution des eaux et orpaillage sauvage : un combat impératif
Le long du fleuve Sénégal, l’orpaillage sauvage continue de poser une menace environnementale majeure. L’utilisation de substances toxiques comme le mercure et le cyanure pollue les cours d’eau, réduisant leur disponibilité pour les populations locales. Des mesures drastiques doivent être prises pour encadrer ces activités :

Renforcer la surveillance environnementale grâce à des brigades spécialisées et à des technologies de suivi (drones, capteurs).
Installer des stations de décontamination des eaux, inspirées des expériences colombiennes, pour éliminer les polluants et restaurer la qualité des eaux contaminées.
Proposer des alternatives économiques durables aux orpailleurs, pour réduire leur dépendance à cette activité destructrice.
Évaluation et suivi pour des solutions durables
Chaque solution mise en œuvre doit s’accompagner d’une évaluation rigoureuse et continue. Cela implique :

Un suivi de l’impact environnemental, notamment sur la salinité des sols, la qualité de l’eau et la biodiversité.
Des analyses socio-économiques, pour évaluer les retombées des projets sur les communautés locales et l’économie régionale.
Un dialogue constant avec les populations, afin d’adapter les mesures aux besoins réels et d’assurer leur adhésion.
Construire un avenir résilient et équitable
Le Sénégal est à un moment décisif pour répondre aux défis de l’eau et de l’assainissement tout en valorisant ses ressources naturelles. À Fatick et Kaolack, le choix entre l’agriculture et l’exploitation salicole ne doit pas être un dilemme irréversible, mais une opportunité d’innover et de bâtir un modèle de coexistence durable. Les Concertations nationales offrent une plateforme pour définir des orientations stratégiques, conciliant développement économique, sécurité alimentaire et préservation de l’environnement. En adoptant une approche intégrée, basée sur des solutions locales et des expériences internationales éprouvées, le Sénégal peut transformer ces défis en leviers pour un développement harmonieux et durable.

Hady TRAORÉ
Consultant en gestion stratégique et politique publique-Canada

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