Je dédie ce texte au jeune rappeur, Abdou Karim Gueye, arrêté dans un silence général inacceptable par un régime qui continue de violer les libertés individuelles, démocratiques.

Par Adama Gaye

Les hypocrites sont de sortie. Ils sont décidément irrécupérables. Même en cette saison sainte de l’islam, moment d’abstinence et de dévotion, on s’étouffe de les voir sur tous les fronts s’exercer au pire des péchés. Ce trait, l’un des plus abjects chez l’homosenegalensis, n’a eu de cesse de s’incruster dans la société sénégalaise au point d’en être désormais un marqueur essentiel.

En ces temps particulièrement troubles, quand les morts du Covid19 s’alignent, la famine frappe de plein fouet, la démocratie est assassinée, la corruption et la prévarication au cœur des politiques publiques, l’économie par terre, il se trouve encore des sénégalais, prêts à marcher sur les cadavres de leurs proches, pour défendre celui qui a conduit le Sénégal dans le désastre qu’il subit.

Ne parlons pas des minables mercenaires de la plume qui offrent sites et journaux, et leurs âmes, pour tenter de prouver le faux. Exemple: faire accroire que Macky Sall et son fils, et qui sait -un dignitaire malade ?- n’étaient pas à l’hôpital principal où les urgences avaient été vidées pour leur en laisser la place.

Plus hypocrite que Seydou Goebbels, tu meurs. Couard, surtout. Il n’ose pas assumer jusqu’au bout les mensonges qu’il doit débiter à un rythme industriel pour servir servilement l’homme le plus détesté de l’histoire du Sénégal. Son hypocrisie a lui, Seydents, tient à sa fatuité dentaire: après ses bluffs sur son Roccardisme de Barbes, il est devenu le micro central d’un Mackysme en déroute.

Chaque sénégalais peut voir en lui l’incarnation nationale de l’hypocrisie. C’est dommage. Car d’autres cas plus succulents méritent un meilleur sort. Je vous en présente un, qui justifie ce post.
C’est un sénégalais de Lyon. Il aime souvent s’y faire passer comme le parrain de la communauté Galsenienne. On sent, à distance, qu’il a une envie d’exister, de compter, de côtoyer…bref, il est atteint d’une crise d’ego.

Quelle ne fut ma surprise à mon réveil hier de recevoir un message par lequel, sous des mots douillets, m’interpellant en “frerot”, mot maçonnique auquel je ne m’identifie pas, il me signale le bruit qui agite mon écosystème. “Wakhji Barrina”, éructe-t-il, dans une de ces formules adorées par les hypocrites sénégalais.
J’ai vite compris. Cet homme que je n’ai jamais rencontré en dehors de la blogosphère, était en mission commandée. S’était-il présenté comme un de mes amis ? Sans doute! A-t-il fait croire à un Macky en feu qu’il pouvait me convaincre de me taire, de disparaître? Probablement.

Après avoir ri en douce de sa démarche, je m’en suis offusqué. Car il s’agissait d’une hypocrisie en pire, c’est-à-dire revêtue d’un manteau de fausse sagesse.
C’est ainsi qu’on parvient à pousser les opposants à se rendre à Canossa, à abdiquer au nom d’une prétendue union sacrée autour du coronavirus, à reconnaître la légitimité d’un président frauduleux.
Quand il s’agit de prendre position sur les viols des libertés individuelles, les arrestations illégales, le pillage des finances publiques et des ressources naturelles, personne, ou presque, de cet acabit d’hypocrite n’est visible ou audible pour remonter les bretelles aux fauteurs de troubles juchés au cœur d’un État bandit et malfaisant.

L’hypocrite qui m’a écrit hier ne l’a pas fait pour mon bien. Il a agi certainement pour voler au secours d’un frère maçon en détresse, démasqué à l’hôpital principal et traqué partout jusque sur sa chaise anglaise, son lieu de prédilection désormais connu de tous. Il cherche peut-être à se faire récompenser par un poste de consul ou par une rétribution financière. A moins qu’il ne soit un petit agent au service des délations et des médiations juste pour être coopté et exister.
Je déteste cette hypocrisie et ce matin je pose la question centrale: de quoi-je-me-mêle ?
Ces incursions pour soit-disant inoculer les vertus de la sagesse à qui ne suit pas les mouvements de soumission et de compromission dans un pays à la dérive ont pour conséquence de créer un climat univoque, d’imposer un silence, un alignement sous les fourches caudines de l’autocrate aux petits pieds.

En clair, il est question de subtilement générer en faveur d’un President, le plus impopulaire qui soit, un soutien collectif immérité à son projet de resuscitation individuelle pour lequel il est prêt à assassiner libertés individuelles et publiques, en un mot la démocratie.

Les contradictions, le bruit, la fureur, la colère, les désaccords sont la substance de la démocratie. Et la diversité des êtres, de leurs comportements, y compris leurs tares et qualités, en sont l’autre partie intégrante.
À cet hypocrite envoyé en minable proconsul sans titre, depuis Lyon, je dis: basta.
Nous n’avons pas combattu jusqu’à ce point, l’avoir payé d’un injuste, illégal, séjour carcéral pour autoriser qui que ce soit, surtout pas quelque charognard, à marchander notre liberté d’action et de parole.

Conclusion: Le débat aura lieu. Féroce. Macky Sall, entends-tu les claques ?

Adama Gaye, Le Caire 10 Mai 2020

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