COVID-19 SENEGAL: Le Dr Papa Ndary NIANG diagnostique la gestion de la pandémie et donne des pistes de solutions

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Il s’appelle Papa Ndary NIANG, Docteur vétérinaire Hygiéniste alimentaire à la base.  Consultant International en Stratégie et Management depuis 21 ans, avec une expérience globale de 29 ans, Monsieur NIANG dirige le cabinet AFRIQUE EMERGENCE CONSEIL (AEC) depuis 14 ans qui travaille sur les questions d’émergence en Afrique, avec plus de 300 références dans 30 pays ACP.

A son actif, il a réalisé le projet IRESSEF du Pr MBOUP et le projet SMIT du Pr SEYDI, un peu pour dire que les vétérinaires et les médecins sont complémentaires en matière de santé publique. D’ailleurs, le Concept «One Health» développé par l’OMS et l’OIE va dans ce sens.

Dans un entretien  accordé à votre quotidien préféré Laquestion, le Docteur vétérinaire revient largement sur la gestion de la pandémie du coronavirus covid-d19 et fait un diagnostic réaliste sur l’équation de la transmission communautaire avant de donner des pistes de solutions.

ENTRETIEN

Docteur, quel est votre avis sur la stratégie de lutte contre la pandémie et comment résoudre l’équation de la transmission communautaire?

Dr Papa Ndary NIANG:  Il est vrai que lors de la première vague, les autorités sénégalaises ont pu, grâce à la sensibilisation sur le respect des mesures barrières, limiter la pandémie, ce qui a valu au Sénégal une performance appréciable dans la lutte contre la pandémie.

Par contre, depuis l’arrivée de la deuxième vague, on a constaté que les cas communautaires continuent d’augmenter en dépit des mesures restrictives prises notamment pour les régions de Dakar et Thiès. Les populations crient leur ras le bol car les efforts de respect des mesures sont annihilés par la flambée des cas positifs et les mortalités. Le comité de gestion de crise, devrait réajuster son approche car la bataille contre la pandémie n’est pas seulement médicale. Il y a d’autres paramètres que le médecin soucieux de la santé du patient et de la santé publique pourrait ne pas voir au regard de l’évaluation qu’il se fait de la maladie à COVID 19 sous l’angle du risque sanitaire.  Les aspects socioculturels à mon avis n’ont pas été suffisamment pris en compte. Le couvre-feu dans sa forme actuelle ne fera qu’accentuer les contaminations, vu la condensation des populations à la descente dans les stations de transport en commun à partir de 16H. Un couvre-feu à 21h même s’il reste dissuasif n’a pas de réelle incidence sur la réduction des contaminations. Pour preuve les cas n’ont pas diminué, pas parce qu’il y a une nouvelle variante au Sénégal, mais surtout parce qu’avec le couvre-feu, on accroît la psychose des populations de se retrouver dehors au-delà de 21H ce qui crée des bousculades, des contact rapprochés et l’oubli des gestes barrières, car personne ne souhaiterait passer un mauvais quart d’heure entre les mains de nos valeureuses forces de sécurité et défense qui font preuve de compréhension malgré tout.

 

Les sénégalais n’ont pas la culture de descendre et d’aller prendre un café sur une terrasse. Ce sont des habitudes des pays du nord et des arabes. C’est là un point d’amélioration. Les sénégalais sortent surtout les week-end (mariages, cérémonies familiales, etc.). Et ça on n’y a pas travaillé pour rompre la chaîne de contamination. En attendant que les populations se fassent vacciner, un confinement total obligatoire tous les week-end pour le cas de Dakar et Thiès serait judicieux. Le couvre-feu pourrait aller de 22H à 5H du matin avec toujours une interdiction d’ouverture des bars, discothèques.

 

Les autorités devraient également revenir à plus de rigueur dans les mesures édictées au tout début pour les cérémonies funèbres. Aujourd’hui, lors des funérailles c’est des dizaines de personnes qui viennent. Il est important de limiter les effectifs à 10 personnes maximum et les autres au besoin useraient de leurs téléphones pour filmer les cérémonies funèbres. Ces mesures devraient être appliquées à nouveau pour les baptêmes, avec un accès réglementé aux lieux de culte. Il faudrait également plus de rigueur dans le nettoyage hebdomadaire des marchés.

 

Enfin, la communication pour les tests fait défaut. Les populations connaissent les centres de tests pour les voyages, rares sont celles qui savent qu’elles peuvent aller se faire dépister gratuitement dans les établissements de santé dès qu’elles ont certains symptômes. Or, le dépistage volontaire aiderait à faire des bonds dans la maîtrise de la pandémie. Il est important que la communication aille également dans ce sens.

Docteur, malgré le démarrage de la campagne de vaccination, une bonne frange de la population reste sceptique quant à l’efficacité du vaccin, aidée en cela par certaines informations alarmantes véhiculées ça et là.

Autrement, que dites-vous à propos de la vaccination?

 

Dr Papa Ndary NIANG: Le vaccin demeure le seul moyen efficace et durable pour mettre un terme à cette pandémie. En attendant de vacciner toute la population ou d’atteindre l’immunité collective (soit 70% de la population), il est important de repenser les cibles. Le comité a prévu de vacciner le corps médical, les personnes de plus de 65 ans et les patients avec des comorbidités. La bataille de la santé publique pour cette pandémie ne saurait occulter d’autres acteurs de la santé publique. A mon avis, les vétérinaires, les pharmaciens et les chirurgiens-dentistes devraient faire partie des cibles prioritaires ; car ils sont avec les médecins, les acteurs de la santé publique. Traiter exclusivement le coronavirus en occultant les incidences sur la santé et le bien-être des populations via ces autres acteurs serait une grave erreur. Si l’on occulte ces cibles de même que l’armée, il faut s’attendre à situations de « comorbidités induites » (maladies des populations du fait d’un déficit de prestations médicales pour cause de Covid+ de ces cibles oubliées)

 

Pour continuer sur la vaccination, c’est une bonne chose que le Sénégal ait reçu ses premières doses. Maintenant, débute une toute nouvelle approche liée à la sensibilisation pour l’acceptation de la vaccination par les populations. En réalité, l’État a prêté le flanc sur le plan de cette acceptation. Le Sénégal étant déclaré pays en catastrophe sanitaire, dès lors la question du choix ne se justifie plus. Le Chef de l’État aurait pu utiliser les pouvoirs qui lui sont dévolus pour imposer la vaccination sans créer ce débat. En situation de guerre, on réquisitionne les bras valides pour appuyer les soldats. C’est la même situation, nous vivons une situation de guerre sanitaire, la vaccination devrait être obligatoire pour tous. Mais bon le Sénégal reste un pays de dialogue, il ne sera pas nécessaire d’arriver à une telle situation.

 

Pour un succès de la campagne de vaccination, la sensibilisation devrait être portée par les chefs religieux, le Clergé et aussi les pouvoirs publics, les politiciens du pouvoir comme de l’opposition devraient avoir un discours commun, rassurant tout en faisant partie des personnes à vacciner en premier. Je suis persuadé que si nos guides religieux se vaccinent la bataille de la vaccination sera rapidement gagnée.

 

C’est de cette manière seulement que la pandémie pourra être définitivement maîtrisée.

Entretien réalisé par Abdoul Latif NDIAYE

 

 

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