Coup d’État en Turquie: « Les responsables le paieront cher »

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Les responsables de la tentative de putsch intervenue vendredi soir en Turquie paieront un lourd prix pour leur trahison, a déclaré le président turc Recep Tayyip Erdogan lors d’une allocution télévisée tôt samedi matin. Il a annoncé le début d’une opération visant à « nettoyer l’armée de ses éléments traîtres ». Un groupe de putschistes de l’armée a tenté de prendre le pouvoir en Turquie, entraînant une violente riposte d’Ankara dans la nuit de vendredi à samedi avec des affrontements qui ont fait 265 morts, civils et policiers. Une source gouvernementale a également fait état de 2.839 arrestations au sein de l’armée.

La tentative de putsch militaire qui a secoué la Turquie dans la nuit de vendredi à samedi a été mise en échec, a annoncé le général Ümit Dündar, chef de l’armée turque par intérim. Au total, 104 putschistes ont été abattus, auxquels il faut ajouter 90 autres victimes. « Cette tentative de coup a été mise en échec », a-t-il dit devant la presse à Istanbul confirmant que 90 personnes – 41 policiers, deux soldats et 47 civils – « sont tombées en martyres » dans les violences. Un bilan revu à la hausse ensuite.

La présidence turque a de son côté exhorté les Turcs sur Twitter à rester dans les rues, mettant en garde contre une « nouvelle flambée ».

Dans son discours, M. Erdogan a accusé les putschistes d’être de mèche avec Fethullah Gülen, un imam exilé depuis des années aux Etats-Unis qui avait auparavant été son allié. Le chef d’Etat a également affirmé que l’hôtel où il se trouvait sur la côte turque a été bombardé après son départ et qu’il ignorait om se trouvait actuellement le chef de l’armée.

« Il y a en Turquie un gouvernement et un président élus par le peuple qui sont au pouvoir et si Dieu le veut nous allons surmonter cette épreuve », a-t-il dit avant de féliciter les Turcs pour être descendus « par millions » dans les rues pour défendre la Nation.

Des explosions et des coup de feu sporadiques étaient toujours entendus au petit matin dans le centre-ville d’Ankara où le Parlement a été bombardé, ainsi qu’à Istanbul.

265 morts et 2.839 arrestations

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Les affrontements ont fait 265 morts et plus de 1.400 blessés, selon le dernier bilan. Un total de 2.839 militaires ont été arrêtés en lien avec cette tentative. En outre, cinq généraux et 29 colonels ont été démis de leurs fonctions sur ordre du ministre de l’Intérieur Efkan Ala, Rien qu’à Ankara, au moins 42 morts sont à déplorer, selon un bilan provisoire officiel.

Sur de nombreuses photos, on peut voir des policiers et des civils sympathisants d’Erdogan affronter les militaires putschistes et les arrêter ou y aider. Des milliers de Turcs ont inversti les rues, obligeant les soldats à les laisser passer, à reculer, ou à fuir pour éviter le lynchage. A Istanbul des soldats avaient ouvert le feu sur la foule.

L’armée turque, la plus grande en nombre au sein de l’Otan après les Etats-Unis, a mené trois coups (1960, 1971, 1980) et forcé un gouvernement d’inspiration islamiste à quitter sans effusion de sang le pouvoir en 1997. En dehors de celui de 1960, ces putschs ont été réalisés sous la stricte hiérarchie militaire qui a pris le contrôle du pays.

Cette fois-ci, des hauts responsables militaires qui sont généralement très discrets et ne parlent que très rarement à la presse ont défilé par téléphone tout au long de la nuit sur les chaînes de télévision pour dénoncer « un acte illégal » de leurs compagnons d’armes, les appelant à réintégrer immédiatement leurs baraques. Le dernier putsch raté en Turquie remonte à 1963, son auteur, un colonel, avait été exécuté. La Turquie a depuis aboli la peine de mort.

Un groupe de putschistes de l’armée a tenté de prendre le pouvoir en Turquie, entraînant une violente riposte d’Ankara dans la nuit de vendredi à samedi avec des affrontements qui ont fait 194 morts, civils et policiers.

La situation dans ce grand pays de 80 millions d’habitants, membre-clé de l’Otan, restait confuse six heures après l’annonce de la tentative de coup d’Etat. Des coups de feu sporadiques étaient toujours audibles au petit matin dans plusieurs quartiers d’Ankara et d’Istanbul, après une nuit marquée par des explosions causées, selon les médias, par des bombardements aériens.

« Ceux qui sont descendus avec des chars seront capturés car ces chars ne leur appartiennent pas », a ajouté M. Erdogan. Il a félicité les Turcs pour être descendus « par millions » dans les rues pour défendre la nation, notamment sur l’emblématique place Taksim à Istanbul, noire d’opposants au putsch.

Le Premier ministre Yildirim a ordonné samedi à l’armée d’abattre les avions et les hélicoptères se trouvant aux mains des militaires putschistes, a indiqué un responsable turc. « Des avions de combat ont décollé de leur base d’Eskisehir », dans l’ouest de la Turquie, pour combattre les appareils rebelles, a précisé ce responsable.

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Fethullah Gülen © ap.
A son arrivée à l’aéroport d’Istanbul, où l’attendait une foule compacte de sympathisants, M. Erdogan a dénoncé tôt samedi « une trahison » menée depuis plusieurs heures par des soldats putschistes, qu’il a accusés d’être liés à son ennemi juré Fethullah Gülen, un imam exilé depuis des années aux Etats-Unis.

Le mouvement de ce dernier a condamné, dans un communiqué, « toute intervention armée » et fustigé les commentaires « irresponsables » du pouvoir turc. « J’ignore pour l’instant le sort du chef d’état-major », qui selon les médias serait prisonnier des putschistes à Ankara à son quartier général, a indiqué M. Erdogan.

Le chef d’état-major des armées turques, le général Hulusi Akar, a été libéré des militaires putschistes qui le retenaient sur une base aérienne située dans la banlieue d’Ankara samedi et conduit dans un lieu sûr, ont depuis rapporté les chaînes de télévision.

Devant la presse à l’aéroport Atatürk, le chef de l’Etat a affirmé que l’hôtel où il se trouvait en vacances à Marmaris, station balnéaire du sud-ouest de la Turquie, avait été bombardé après son départ.

Le Premier ministre Yildirim a fait état de 120 arrestations liées à la tentative de coup d’Etat « idiote » et « vouée à l’échec ». Vers 03H00, il a affirmé que la situation était « largement sous contrôle » à la télévision NTV. Un porte-parole du service de renseignements a également évoqué un « retour à la normale ».

Le Parlement, autour duquel des chars ont été déployés, a été bombardé dans la capitale Ankara, où 17 policiers ont été tués, a annoncé l’agence Anadolu. A Istanbul des soldats ont ouvert le feu sur la foule, faisant des blessés, a constaté un photographe de l’AFP. Des avions de chasse F-16 ont abattu un hélicoptère des putschistes, selon la télévision turque, après qu’un couvre-feu et la loi martiale ont été instaurés.

Deux heures environ après l’annonce du coup d’Etat, le président Erdogan avait prédit son échec, la voix blanche à la télévision et s’exprimant depuis un endroit non précisé, avec un portable via FaceTime.

La chaîne publique turque de télévision avait diffusé peu avant minuit (21H00 GMT) un communiqué émanant des « forces armées turques », faisant état de la proclamation de la loi martiale et d’un couvre-feu sur l’ensemble du territoire national.

« Nous ne permettrons pas que l’ordre public soit dégradé en Turquie (…) Un couvre-feu est imposé sur le pays jusqu’à nouvel ordre », a indiqué un communiqué signé par le « Conseil de la paix dans le pays », qui dit avoir « pris le contrôle dans le pays ».

Les ponts enjambant le Bosphore entre l’Asie et l’Europe à Istanbul ont été fermés dans les deux sens. A Istanbul, des grandes artères menant notamment à la place Taksim, dans le centre de la première métropole de Turquie, étaient bloquées par les forces de l’ordre et la présence policière était importante dans les rues.

Les télévisions ont montré des foules importantes réunies près de l’aéroport Atatürk à Istanbul, se réjouissant de la tentative de coup d’Etat. Mais d’autres, notamment place Taksim, protestaient en masse contre le putsch.

De nombreux habitants semblaient saisis d’inquiétude, voire de panique, et se sont précipités dans les magasins pour acheter bonbonnes d’eau et nourriture et aux distributeurs d’argent pour retirer des liquidités.

« Restaurer la démocratie »

Les putschistes ont, dans un communiqué publié sur le site internet de l’état-major des armées, justifié leur « prise de pouvoir totale dans le pays » par la nécessité « d’assurer et de restaurer l’ordre constitutionnel, la démocratie, les droits de l’Homme et les libertés et laisser la loi suprême du pays prévaloir ».

« Tous nos accords et engagements internationaux restent valides. Nous espérons que nos bonnes relations continueront avec les autres pays », poursuit le texte.

Le président américain Barack Obama a appelé à soutenir le gouvernement turc « démocratiquement élu », « faire preuve de retenue et éviter violence ou bain de sang ». La chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini a également exhorté à la « retenue » et au « respect des institutions démocratiques ». Son homologue russe Sergueï Lavrov, dont le pays vient de se réconcilier avec la Turquie, a demandé d’éviter « tout affrontement meurtrier ». Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a jugé « crucial de réinstaurer le pouvoir civil et l’ordre constitutionnel rapidement et pacifiquement ». En Iran voisin de la Turquie, le ministre des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif a exprimé sa « grande inquiétude ».

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