Chronologie des tourments judiciaires de la famille Gbagbo
Depuis 2011, le sort de la famille Gbagbo est entre les mains de la justice. Ecroué à la prison de La Haye de la Cour pénale internationale, l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo est en attente de son procès pour crimes contre l’humanité. Son épouse Simone Gbagbo, également accusée de crimes contre l’humanité, sera prochainement jugée, mais à Abidjan, par un tribunal local. Michel Gbagbo, le fils du président déchu, est pour sa part en liberté provisoire, mais ne peut quitter Abidjan. Retour sur les moments clés de la famille Gbagbo depuis 2010.
2010
28 novembre : Tenue du deuxième tour du scrutin présidentiel qui a finalement lieu, après avoir été reporté six fois. Ses résultats sont contestés et le pays plonge dans une longue crise qui oppose le président sortant Laurent Gbagbo à son rival Alassane Ouattara reconnu vainqueur du scrutin par la communauté internationale. Le Conseil constitutionnel ivoirien proclame pour sa part la victoire de Laurent Gbagbo. Légitimité internationale, contre légalité constitutionnelle, le bras de fer entre les deux hommes va durer quatre mois et causer la mort d’au moins 3 000 personnes.
2011
28 mars : Alassane Ouattara qui tient le Nord lance une offensive vers le Sud, s’empare de la capitale politique, Yamoussoukro. Ses Forces républicaines (FRCI), regroupant essentiellement les ex-rebelles des Forces nouvelles, entrent dans la capitale économique, avec l’aide discrète de la France. C’est le début de la bataille d’Abidjan. Les bastions de Gbagbo à Abidjan sont bombardés par l’Onuci et les forces françaises de l’opération Licorne, en vertu de la résolution 1975 de l’ONU.
11 avril : Arrestation de Laurent et Simone Gbagbo par les Forces républicaines (FRCI) de Ouattara. Le camp Gbagbo affirme que l’ex-président a, en réalité, été pris par les Forces spéciales françaises avant d’être remis aux FRCI.
13 avril : Laurent Gbagbo est transféré à Korhogo, la grande ville du nord. Le 23, son épouse Simone est placée en résidence surveillée à Odienné, dans le nord-ouest.
11 août: Une mission de l’ONU en Côte d’Ivoire, autorisée à rendre visite au couple Gbagbo, se déclare préoccupée par leurs conditions de détention, y compris l’accès à l’information et à leurs avocats.
18 août : Laurent Gbagbo et son épouse sont inculpés par la justice ivoirienne et sont officiellement placés en détention préventive pour « crimes économiques ». Afin de ne pas être accusé de partialité dans un éventuel procès Gbagbo en Côte d’Ivoire, le président Ouattara a pris la décision, en mai, de demander à la CPI d’enquêter sur les crimes les plus graves, la justice ivoirienne se chargeant des « crimes économiques, des crimes de sang et des crimes contre la sécurité de l’Etat ».
3 octobre : A la suite de la demande d’Alassane Ouattara, la CPI se saisit du dossier, même si la Côte d’Ivoire n’est pas membre à part entière de cette institution. Ce pays n’adhère pas au statut de Rome, mais a toutefois reconnu sa compétence dès 2003. La CPI est donc habilitée à intervenir. Les juges de la CPI autorisent Luis Moreno-Ocampo, le procureur de la Cour, à enquêter sur le terrain avec ses équipes sur la réalité des crimes de guerre commis durant la crise postélectorale, dont sont soupçonnés les forces pro-Ouattara et les forces pro-Gbagbo.
23 novembre : Suivant l’avis du procureur, la CPI délivre un mandat d’arrêt à l’encontre de Laurent Gbagbo. L’ex-président est accusé en tant que « co-auteur indirect » de crimes contre l’humanité pour quatre chefs d’inculpation : meurtres, viols et autres violences sexuelles, actes de persécution et autres actes inhumains perpétrés entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011. Sa responsabilité est engagée pour quatre évènements particuliers : la répression d’une marche des pro-Ouattara se rendant au siège de la Radiotélévision ivoirienne en décembre 2010, la répression d’une manifestation de femmes à Abobo et le bombardement au mortier d’un secteur densément peuplé d’Abobo en mars 2011, et des représailles menées par des pro-Gbagbo à Yopougon en avril 2011.
30 novembre : Le 29 novembre, les autorités ivoiriennes remettent Laurent Gbagbo aux mains de la CPI. Le lendemain, l’ancien président est transféré et incarcéré à la Haye.
05 décembre : L’audience de première comparution de Laurent Gbagbo se tient devant la Chambre préliminaire III de la CPI. Cette première audience a pour objet d’informer Laurent Gbagbo des crimes qui lui sont reprochés et de ses droits.
2012
13 et 14 novembre : Vingt mois après son arrestation et son transfert à Odienné, dans le Nord, Simone Gbagbo est interrogée à son lieu de détention par le juge d’instruction auprès du tribunal de première instance d’Abidjan, Mamadou Koné, qui l’a entendue en présence de son avocat. En février, elle avait vu les charges retenues contre elle s’étendre à des « faits de génocide ».
22 novembre : La CPI délivre un mandat d’arrêt international contre Simone Gbagbo pour des crimes contre l’humanité commis lors des violences de 2010-2011. Première femme réclamée par la CPI, l’épouse de l’ancien président faisait l’objet d’un mandat d’arrêt confidentiel depuis le 29 février, émis par le procureur de la CPI qui estimait que « Simone Gbagbo était idéologiquement et professionnellement très proche de son mari » et « se comportait en alter ego de son mari, en exerçant le pouvoir de prendre des décisions d’Etat ». L’ancienne première dame, surnommée « la Dame de fer » est soupçonnée d’avoir été liée à des « escadrons de la mort ». C’est sur cette question que la CPI veut entendre Simone Gbagbo. Or, le régime ivoirien refuse de la livrer à La Haye de peur de perdre la maîtrise de l’agenda. Tout au long de l’année 2012, le président Alassane Ouattara n’a cessé de répéter qu’Abidjan n’enverra plus personne à La Haye, rappelant que l’appareil judiciaire ivoirien était en mesure d’organiser un procès équitable. Le pouvoir craint par ailleurs de ne pouvoir s’opposer, par la suite, aux demandes de transfèrement des personnalités importantes de la galaxie « ouattariste » qui ont elles aussi du sang sur les mains.
2013
19-28 février : Tenue de l’audience de confirmation des charges. Les juges entendent les arguments des parties de la défense qui contestent la solidité du dossier du procureur en vue d’un procès. Dans son plaidoyer qui dure une quinzaine de minutes, Laurent Gbagbo rappelle aux juges son combat pour la démocratie et assure avoir été évincé du pouvoir en faveur de son rival Alassane Ouattara à la suite d’un complot mis sur pied par la France, ancienne puissance coloniale en Côte d’Ivoire. Les juges demandent, pour leur part, des informations ou éléments de preuve supplémentaires avant de décider si un procès devait être mené contre Laurent Gbagbo.
6 août : Michel Gbagbo, fils aîné de Laurent Gbagbo, 45 ans, de nationalité française, arrêté le jour de la chute du régime de son père, sort de prison, bénéficiant d’une liberté provisoire. Molesté lors de son arrestation, il avait été incarcéré à Bouna (Nord). Alors qu’il était encore détenu, Michel Gbagbo qui est né du premier mariage de son père avec une Française, a porté plainte auprès de la justice française pour « traitements inhumains et dégradants » durant sa détention. Sa mère, Jacqueline Chamois, avait dès 2012 écrit à François Hollande attirant l’attention du président français sur la détention illégale de son fils « sous l’autorité de Guillaume Soro ».
2014
14 février : Michel Gbagbo est empêché de quitter le territoire ivoirien à l’aéroport d’Abidjan, alors qu’il se rendait à Paris pour répondre à une convocation de la justice française.
12 juin : Proclamation de la décision de la CPI de juger Laurent Gbagbo pour crimes contre l’humanité. Après avoir examiné plus de 22 000 pages de preuves et les déclarations de 108 témoins, les juges ont confirmé les quatre charges de crime contre l’humanité à l’encontre de Laurent Gbagbo et annoncé leur décision de renvoyer l’ancien président en procès devant une chambre de première instance. Cette décision met fin à un an de procédures préliminaires destinées à déterminer si Laurent Gbagbo devrait être jugé ou non. Gbagbo, 69 ans, est le premier ex-chef d’Etat à être poursuivi par la CPI. L’ouverture du procès est fixée pour le 7 juillet 2015.
22 octobre : Le procès pour atteinte à la sûreté de l’Etat de l’ex-Première dame ivoirienne Simone Gbagbo et de ses 82 co-accusés, qui devait s’ouvrir devant la Cour d’Assises d’Abidjan ce 22 octobre, est reporté sine die.
29 octobre: La CPI refuse de libérer Laurent Gbagbo afin de lui permettre d’assister à l’enterrement de sa mère décédée le 15 octobre en Côte d’Ivoire. La Cour estime qu’autoriser Laurent Gbagbo à se rendre à l’enterrement « risquerait de mettre en danger la population de Côte d’Ivoire, le personnel de la Cour ainsi que monsieur Gbagbo lui-même ».
9 décembre : Simone Gbagbo se présente au président de la Cour d’assises d’Abidjan pour une audience de procédure, en vue d’ouverture prochaine de son procès. La date du procès n’est pas connue, mais il portera uniquement sur les crimes relatifs à la sûreté de l’Etat et pas sur les graves violations des droits de l’Homme qui sont reprochées à l’ex-Première dame. Celle-ci a été transférée le 1er décembre d’Odienné, où elle était en « résidence surveillée » depuis fin avril 2011, vers Abidjan. Elle est désormais détenue dans une école militaire d’Abidjan.
11 décembre : Abidjan est de nouveau sommé par la CPI de lui livrer Simone Gbagbo, soupçonnée de crimes contre l’humanité. Le gouvernement ivoirien avait opposé une exception d’irrecevabilité à la précédente sommation de la Cour contestant la compétence de la CPI, s’agissant d’un suspect poursuivi par la justice nationale. La CPI a rejeté l’exception d’irrecevabilité, arguant que les poursuites engagées en Côte d’Ivoire ne portaient pas sur les mêmes accusations.
Source RFI
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