Adama Gaye écrit à Serigne Mountakha
J’ai beau décidé de mettre plume et clavier au repos, de me retirer ici à Hammamet, belle localité balnéaire de la Tunisie, les événements de ces derniers jours, me forcent à sortir de mon silence. Tant ils sont assommants, notamment, après le folklore déployé à Paris, celui que promet d’être, ce jour, l’inauguration, en présence du Khalife Général Koulou Todjeman (KGKT), de l’autoroute Ila Todjeh, l’une des plus grandes arnaques de notre histoire publique. 

Nous sommes en présence de l’énième acte d’une série de blanchiments financiers, qui s’enveloppe ici de la foi d’une communauté.
Cette infrastructure urbanicide n’ayant pas fini de révéler ses effets néfastes, je prends donc la liberté de m’adresser à vous, Serigne Mountakha Mbacke, Khalife général des mourides, guide d’une confrérie religieuse, qui est la mienne, pour évoquer la gravité, toxique, de ce qui est à l’œuvre. Pour diverses raisons que vous et moi savons, j’en ai la légitimité sociologique. Puisque “le cerveau doit servir à réfléchir”, selon le propos d’un parolier de chez nous hélas tombé en disgrâce pour trafic de faux billets, cette interpellation épistolaire n’est donc pas anodine. Elle est destinée à souligner certains des aspects qu’il faudrait, me semble t’il, prendre en compte quand, vous le Khalife, dont la mission est de montrer la bonne voie vers Dieu, selon les enseignements de Serigne Touba, vous vous retrouverez, aujourd’hui, à côté de celui des…voleurs.

L’occasion étant le lancement officiel de l’infrastructure routière qu’il présente comme l’une de ses grandes signatures. Ceux qui savent n’auront aucune peine à distinguer la horde de faussaires, sur-factureurs, Ibrahima Ndiaye de l’Ageroute en tête. Sur les tribunes, retenant leur envie de se trémousser, des politicards, venus sur place dans le secret espoir d’exalter leur héros, qui n’est autre que le voleur en chef, se réjouiront du sentiment d’avoir, sous les caméras, réussi la récupération du plus puissant chef religieux du Sénégal. À défaut d’une consigne verbale, leur projet est d’obtenir encore mieux: un ndiguel, un adoubement, un ordre, par la présence physique d’un symbole…

Laissez-moi vous dire, Cher Khalife, guide et cousin, que le projet autoroutier dont ils se gaussent et qu’ils veulent présenter comme la preuve de l’attachement de ce régime envers la communauté mouride n’est rien d’autre qu’une escroquerie financière que les populations de Touba, déjà dépouillées jusqu’au sang, se devront de rembourser jusqu’au dernier penny…Au lieu de 80 milliards cfa, l’ouvrage, comme les plus informés responsables de cette agence devenue agetodjeh me l’ont confié, a été “manufacturé” à hauteur de 440 milliards cfa.

Sur son tracé, comme celui de la non-moins coûteuse autoroute à péage, agonisent, de Rufisque à Diourbel, des villes, devenues fantomatiques, victimes de ces infrastructures irréfléchies.
Gâchis total ! Euskey, tigui-tigui, disent mes parents baol-baol…
Voyez-vous, respectable patriarche mouride, fils de Serigne Bassirou, qui fut le guide de mon propre père, il y a un grand risque que votre présence à cette inauguration ne soit détournée par de vrais bandits au pouvoir, grands comédiens qui savent se montrer doux pour enrôler des figures emblématiques dans des causes pas toujours…catholiques, qu’ils savent leur cacher. Parfois même en se camouflant derrière des descendants du fondateur du mouridisme, transformés en coursiers sous le rouleau compresseur de leurs compromissions financières, tels les Bass Khadim Awa Ba, Abdou Samath et autres petits fils, des Mbacke-Mbackes, comme on dit, mouillés jusqu’au cou dans le scandale de l’hôpital de Touba dont les financements ont été détournés avec leur complicité.

Souvenez-vous, comment les salauds dans l’écosystème du pouvoir avaient failli emporter un autre grand dignitaire religieux, le ci-devant Serigne Mbaye Sy Mansour, chef de la confrérie Tidiane, en l’amenant à faire une douteuse arithmétique. Son raisonnement: 1 égale 2, comme pour acter un second mandat, non-acquis, derrière lequel, sans décence, court ce voleur devant l’’Eternel. Cela avait déclenché une furie populaire portée par la techtonique des plaques numériques. Lucide, moderne, netizen, le marabout a vite compris. Il a changé de braquet en pigeant depuis, ayant lu les commentaires acides déversés sur son compte, qu’il fallait mieux s’éloigner de celui qui veut lui demander plus que ce qu’il avait déjà donné en soutien.

Un guide religieux tient sa force de ce qu’il reste au dessus des chapelles politiques et sait prôner les bonnes vertus. Sa capacité à se situer à équidistance le conforte auprès des citoyens, de ses ouailles, et, plus encore, du Seigneur qu’il sert.
En voulant inaugurer cette autoroute, à peine deux mois avant une élection présidentielle décisive, Macky Sall, le sournois, cherche à décrocher, à la hussarde, un soutien forcé. Son funeste projet est d’enrôler symboliquement dans son récit en construction la figure tutélaire que vous êtes, vous le guide des mourides. Se sentant perdu, il est prêt à tout, peu importe s’il démolit dans le processus l’équilibre des familles religieuses, patrimoine immatériel de premier ordre pour nombre de nos concitoyens, donc atout vital au service de leur vie en société.

En décidant par l’un de ces actes politiciens cyniques, dont il a le secret, de mener ce qu’il appelle ses politiques d’embellissement des cités religieuses, il ne craint pas, non plus, de pratiquer la vieille stratégie du diviser pour régner. En plus de discriminer négativement le peuple, déclassé, il confirme, ce faisant, qu’il n’a pas honte de donner un statut spécial à ces dirigeants religieux qu’il qualifiait pourtant dans une vie antérieure récente de simples citoyens, ordinaires…
L’inauguration de l’autoroute la plus onéreuse, crime financier sans pareil, participe des lors de la formulation d’un nouveau narratif, d’un récit imaginaire à seule fin de trouver les voix qui, il le sait, manque à ses calculs électoraux.

Il vient la faire à une date sciemment choisie. Dans un contexte où le fétichisme des chiffres, des milliards, bourdonne dans les têtes. Il en est ainsi sur ce continent quand les politiciens veulent empêcher les débats. Ils parlent de milliards que nul ne verra, promettent la lune, font rêver d’un inexistant Émirat petro-gazier national et, subrepticement, pour ferrer le jeu démocratique pris en otage, placent des acolytes dans les instances électorales. Les mines patibulaires des Seydou Nourou Ba, Babacar Diagne, Babacar Gueye, Maimouna Dieng, Alioune Badara Beye, Mazide Ndiaye, Moundiaye Cisse, Doudou Ndir, Badioo Camara, les taupes politiques (que nous nommerons) et j’en passe, sur une liste soigneusement choisie, sont d’autres acteurs de cette odieuse pièce de théâtre!
Faisons un bref récapitulatif pour y voir plus clair sur la stratégie des espèces sonnantes et trébuchantes…
Il y a dix jours, le griot, Mod’Dionne, premier menteur, faisait monter la chansonnette en présentant les 600 millions de dollars du nouveau compact donné en aumône par une Amérique plus soucieuse de consolider sa présence africaine que de cultiver la bonne gouvernance. Nous sommes loin du Plan Marshall qui a aidé à la reconstruction d’une Europe ruinée après la deuxième guerre mondiale.

Dans la folle sarabande des chiffres, on a eu droit à l’épisode scabreux des millions de parrains mobilisés pour une seule personne: comme pour plier le match électoral avant son démarrage!
Tout est fait comme s’il faut en mettre plein la vue à un peuple qu’on essaie de sommer de se rendre à l’évidence d’une cause gagnée d’avance, perdue par les prétentieux qui contestent le désordre instauré par les brigands aux manettes.
C’est la stratégie de l’écœurement. Dans laquelle devaient donc être le coup de massue final ces promesses, qui ne tiennent, selon le défunt Charles Pasqua, que pour ceux qui y croient. C’est à cette aune que s’analysent les mirobolantes annonces de fonds par les participants au récent Groupe Consultatif de Paris. Près de 8000 milliards de francs cfa, ont ainsi été verbalement mais non effectivement levés pour faire la phase 2 du chimérique PSE, le Plan Sénégal Escroquerie !
Depuis lors, Macky Sall, sachant combien notre peuple est adepte du gain sans effort, cherchait une tente pour faire son show, faire tomber les plus cupides en leur faisant miroiter la perspective d’un Sénégal croulant sous les ors, l’argent de ses partenaires techniques et financiers.

Cher Khalife, avec tout mon respect, c’est le moment où plus que jamais, tous ensemble nous ouvrions grands nos yeux (oubi sunuy gueutt) face à ce type qui renvoie à ces joueurs de cartes, vicieux escrocs, que l’on trouve souvent dans les coins sombres lors des évènements religieux à la quête des naïfs chalands.

En ouvrant les yeux, on comprend aisément qu’à Paris, devant des donneurs, plus preneurs, Macky Sall a hypothéqué notre pays. Il l’a gagé contre nos ressources, les 30 milliards de dollars qu’on en escompte (selon ses propres previsions) et notre avenir. Petit poucet perdu, il n’a rien compris : les 14, 5 milliards de dollars qu’il dit avoir récoltés pour trois ans ne représentent que le 1000ème du budget annuel américain sans que cela signifie la fin des besoins financiers des USA.
Les théoriciens diront que la dette, bien utilisée, peut être utile. Nous sommes hélas en face d’une horde avide d’apatrides dont le seul souci est de voler, encore voler, toujours voler. Du reste, y a de quoi se demander pourquoi la France confrontée, elle aussi, à de grands besoins financiers, ne se présente pas devant le Groupe consultatif. En réalité, nous restons dans le monde onirique des joueurs de cartes -oubil fii, teggal fii, bayill feh!
En conclusion, en priant qu’une élection transparente, non négociée ni imposée, démocratique, se réalise, et en espérant que les amuseurs de galerie, pilleurs de la nation, dégagent, je suis heureux de m’être adressé à vous, Serigne Mountakha, car nos liens remontent de très loin.

Une anecdote suffit à l’illustrer. Quand, à la veille des indépendances, au moment où l’école française s’offrait comme la voie idéale pour l’ascension sociale, votre père, Serigne Bassirou, demanda à mon père pourquoi il avait inscrit ses enfants à l’école, sa réponse fut: ils ne seront jamais comme ceux que l’école a pervertis, ils resteront attachés à leurs valeurs, ils seront des piliers du mouridisme.
C’est dans cette veine que s’inscrit cette alerte.
Mon devoir est de vous dire le plus clairement possible que les faussaires tentent de se servir d’un projet de désenclavement d’une ville fondamentale pour faire passer un dangereux objectif.

Qui d’autre que le produit de l’école française resté profondément enraciné dans les normes éternelles, du Baol au Sine, du Jolof au Fouta, de l’ensemble du territoire national, pouvait le faire ?
C’est une prétention certes mais que je porte avec fierté. Elle s’inscrit en droite ligne de la promesse de mon père au vôtre. C’est un acte posé par devoir de vérité que je me permets de prendre en sortant d’une réserve que, voyant le climat délétère dans la classe politique et sociétale, je m’étais imposée. Le moment l’exige.
Car l’heure est grave. Les périls montent. Rodent autour de nous les bandits et leurs comparses, criminels financiers, maçonniques, ethnicistes (ouvrons encore les yeux sur le prisme ethniciste déployé sans être accusé d’en vouloir à un groupe ethniquement marqué mais à une camarilla prétendant le représenter).

Ouvrons plus grands nos yeux. Macky et ses cartes, l’arnaqueur et ses rabatteurs, ne doivent pas nous duper plus longtemps…
Que ce soit clair : TERoooo, GroupeConsultatifoooo, MCCoooo, aucune de leurs entourloupes ne nous échappe. Leur KGKT, AlCapone Sall, que je connais trop bien, est celui qui en plus des milliards de Taïwan qu’il a détournés, des milliards des hydrocarbures qu’avec son frère et leurs complices ils ont volés, traîne de nombreux autres crimes fiscaux, fonciers et financiers. De lui, je peux aussi dire, sans crainte d’être démenti, pour l’avoir introduit dans les milieux pétroliers, qu’il est indigne de confiance.
Son ADN n’est pas celui d’un descendant d’une lignée guerrière.
Et vlan ! L’inauguration Ila Todjeh, je peux donc le lui dire, ainsi qu’à ses séides, ne fera pas exception ni diversion…
Avec l’assurance, Sama Serigne, de ma dévotion, je vous remercie et m’excuse, Khalife, celui des mourides, d’avoir abusé de votre précieux temps pour mieux vous édifier sur la nouvelle confrérie émergente: celle des Todjemen.
Yalla nga fi yagg lool te werr Mbacke !
(Longue vie et bonne santé, Mbacke !).
En disant fermement aux pions du pouvoir, qu’ils soient Mbacke-Mbackes ou non, que nous les avons à l’œil !

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