Abdou Karim Fofana, Directeur général de l’Agpbe: L’Etat a dégagé 20 milliards de FCfa pour éponger la dette due aux bailleurs immobiliers»
Les bailleurs immobiliers de l’Etat vont passer la fête de Tabaski et la rentrée des classes avec sérénité. Depuis trois jours, l’Agence de gestion du patrimoine bâti de l’Etat (Agpbe) a payé les 2/3 des arriérés de location qu’il leur devait. Soit 20 milliards de FCfa. Abdou Karim Fofana soutient que l’Etat compte éponger le restant de la dette d’ici à 2017. Il est revenu également, dans cet entretien, sur le vaste programme de réhabilitation du patrimoine de l’Etat qu’il a initié depuis son arrivée à la tête de cette agence.
Depuis presque un an, vous êtes à la tête de l’Agence nationale de gestion du patrimoine bâti de l’Etat. Pouvez-vous nous faire une présentation de cette structure?
L’Agence de gestion du patrimoine bâti de l’Etat est une structure d’exécution. Elle a pour mission d’assurer la gestion du patrimoine bâti de l’Etat, en veillant à son développement et à sa préservation. Elle participe à la conception et à l’exécution de la politique du gouvernement en construction et gestion d’immeubles administratifs à usage de bureaux ou de logements. Son ambition est de moderniser la gestion de l’immobilier public. Dès son accession à la magistrature suprême, le président Macky Sall a fait part de l’attention qu’il accordait aux difficultés de l’ancienne Direction de la gestion du patrimoine bâti. Depuis février 2013, cette direction a été transformée par décret en une agence d’exécution sous la dénomination d’Agence de gestion du patrimoine bâti de l’Etat (Agpbe). Il est important de préciser que l’Agpbe ne gère pas l’immobilier des collectivités locales ni celui des agences et sociétés nationales. On a élargi les compétences de l’agence notamment le développement du parc immobilier de l’Etat.
Quelles sont les activités que vous avez eu à faire depuis votre arrivée à la tête de cette structure?
Le chef de l’Etat, dès sa prise de fonction, a prôné une politique de rationalisation des dépenses de l’Etat. Vers les années 2003-2004, la facture locative qui était de l’ordre de 2 milliards de FCfa, est passée à près de 16 milliards entre 2012-2013. Le président Macky Sall a pris la question à bras le corps. La première mesure a été la suppression des logements conventionnés. Ce qui a conduit à une baisse du coût de la location de 16 à 12 milliards de FCfa. Dès mon installation, je me suis lancé dans une dynamique de modernisation de l’agence par la mise en place d’outils de gestion et de suivi du patrimoine. Nous sommes en train de mettre en place les outils de pilotage : le plan stratégique, le système informatique, le manuel de procédure et les indicateurs de suivi du patrimoine, le renforcement des capacités du personnel. Nous voulons arriver à l’équilibre dans l’exécution du budget. Nous avons procédé également à une rationalisation des dépenses locatives : la suppression des logements conventionnés avec un impact de 34 % sur les charges locatives de l’Etat, soit 4 milliards de FCfa d’économie par an ; la réduction des charges locatives d’environ 755 millions au titre de l’année 2016 ; la collecte de revenus locatifs d’environ 300 millions pour l’exercice en cours. Il y a aussi le recentrage des activités sur l’entretien des bâtiments. Un vaste programme d’études et de travaux a été lancé sur l’étendue du territoire pour une évaluation technique et financière des bâtiments à rénover. C’est pourquoi, le budget rénovation et entretien a été doublé entre 2015 et 2016. Dans la même lancée, nous avons initié un programme de recensement des bâtiments administratifs en vue de maîtriser l’ensemble du parc immobilier public.
Où en êtes-vous avec les créances dues par l’Etat aux bailleurs immobiliers?
La question des créances dues aux bailleurs immobiliers préoccupe au plus haut sommet de l’Etat. Depuis 2012, il y a une bonne tenue des finances publiques. La croissance est passée de 1,4 % à 6,5 % entre 2012 et 2016. Les fruits de cette croissance ont permis à l’Etat d’éponger une bonne partie de ces arriérés de loyer. S’il n’y avait pas l’intervention du chef de l’Etat du point de vue budgétaire, cette année, on en serait à plus de 30 milliards de FCfa d’arriérés. Aujourd’hui, 2/3 de ces arriérés ont été épongés depuis trois jours, soit un montant de 20 milliards de FCfa. Il reste 10 milliards de FCfa d’arriérés de loyer à payer. Nous sommes en train de travailler avec les services des Finances et du Trésor pour trouver une solution. Nous espérons qu’en 2017, avec cette dynamique de croissance forte, nous allons apurer la totalité de cette dette. Tous les bailleurs ont commencé à percevoir leurs fonds. Le paiement de ces arriérés de loyer représente un caractère économique et social très important. On a presque mille bailleurs immobiliers. Sur ces mille bailleurs, les 90 % sont des personnes physiques dont près de 80 % de retraités. A la veille de la fête de Tabaski, ils perçoivent 20 milliards de FCfa. C’est une vraie bouffée d’oxygène, un soulagement pour eux dans un contexte de fête de Tabaski et d’ouverture des classes. Il s’agit d’une très bonne nouvelle pour l’économie nationale. C’est l’expression de la bienveillance et de la sensibilité du président de la République à l’égard des propriétaires de bâtiments.
Comment expliquez-vous ce montant élevé des arriérés de loyer avec la dotation budgétaire et la suppression des logements conventionnés ?
La gestion locative est un peu difficile. Vous ne pouvez pas prévoir le nombre de services à créer. Parfois, on crée de nouveaux services en cours d’année parce qu’il y a de nouveaux besoins qui se font sentir. En plus, il y a beaucoup de services qui sont dans des bâtiments qui ne sont pas adaptés. En fonction des capacités de l’agence et de l’Etat, on cherche à les remettre dans des bâtiments adaptés à leurs missions. D’ailleurs, le parc immobilier de l’Etat renferme beaucoup de bâtiments qui ne sont plus adaptés aux espaces de bureau. Il y a également le fait que beaucoup de services préfèrent le centre ville de Dakar où le coût de location est très élevé. La réhabilitation du Building administratif a contribué également à la flambée de la dette de location. Après la phase de suppression des logements conventionnés, nous cherchons maintenant à délocaliser un certains nombre de services. Nous allons faire la traque des excès d’espaces.
A combien est estimé le patrimoine immobilier de l’Etat ?
C’est la question que nous nous posons également. L’Etat méconnait, de façon exhaustive, son patrimoine immobilier. Cependant, nous allons, durant le dernier trimestre de 2016, initier un programme de recensement du patrimoine immobilier de l’Etat en relation avec la Direction générale des impôts et des domaines. Nous comptons faire le tour du Sénégal et recenser tous les bâtiments qui appartiennent à l’Etat. Une étude commanditée par le président de la République à la gendarmerie, a permis de savoir que rien que dans la région de Dakar, l’Etat détient 1300 bâtiments. Dans ces bâtiments, il y a des écoles, des hôpitaux, des logements. Malgré tout, des études ont prouvé que le patrimoine de l’Etat connaissait un déficit en espaces de bureau de 300 à 500.000 mètres carrés. C’est pourquoi, l’Etat est obligé de louer.
Malgré tout, la dette de l’Etat reste élevée…
Il faut préciser que dans ces 1300 bâtiments, beaucoup sont inutilisables car ils sont dans un état de vétusté avancé. Certains datent de l’époque coloniale et se retrouvent parfois inadaptés. C’est pourquoi, le président de la République a initié le programme ministériel de Diamniadio où seront logés certains départements. Il y aura également des cités administratives départementales. Le problème ne se pose pas seulement à Dakar. Dans les régions, l’Etat paie près de 2,5 milliards de FCfa de loyer par an. C’est un paradoxe.
Que faire pour la valorisation du patrimoine bâti de l’Etat?
Pour cela, il faut d’abord modifier la réglementation. Aujourd’hui, l’Etat, avec son important patrimoine, a la possibilité de développer des partenariats publics-privés sans pour autant débourser de l’argent. Mais la réglementation est très contraignante.
Dans les régions, on a constaté que des bâtiments qui abritent des structures de l’Etat comme l’administration territoriale sont dans un état de vétusté avancé. Que comptez-vous faire?
Nous sommes en train d’élaborer un programme de réhabilitation de ces bâtiments. L’Etat est dans une dynamique de modernisation de l’administration. Vous avez suivi le grand forum sur l’administration. Parmi les recommandations, il y a la modernisation de l’environnement de travail des fonctionnaires. Les usagers du service public méritent également qu’on réduise leur parcours quand ils sollicitent un document. Dans les régions, nous travaillons à créer des centres de services partagés. Nous sommes en train de faire à Saint-Louis. Cela nous permettra de diminuer les conventions et de faire des économies. A Kaolack, nous avons repris un bâtiment vétuste que nous sommes en train de rénover de façon à y installer quatre services.
Propos recueillis par Aliou KANDE (Soleil)