Loi interprétative sur l’amnistie: Le silence assourdissant des 222 universitaires

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En 2024, à la veille de l’élection présidentielle, 222 universitaires, regroupés autour d’une plateforme dénommée Collectif des Universitaires pour la Démocratie (CUD), signaient une pétition contre la loi d’amnistie générale, alerte sur ce qu’ils appelaient  » une manœuvre politique destinée à effacer des responsabilités et à blanchir des actes répréhensibles ». Ils se posaient alors en garants de la justice et de la transparence, fustigeant une loi qu’ils qualifiaient de scélérate.

Aujourd’hui, alors que le député Amadou Ba de Pastef a introduit une proposition de loi interprétative de cette même loi d’amnistie, le silence de ces intellectuels est assourdissant. Pourtant, si le dicton «qui peut le plus, peut le moins» est de mise, ceux qui dénonçaient, hier, cette loi devraient être en première ligne pour condamner toute tentative de manipulation juridique à des fins politiques.

 Qu’est-ce qui s’est passé entre-temps ?

Un fait troublant saute aux yeux : de nombreux signataires du manifeste de 2024 occupent aujourd’hui des postes stratégiques dans l’appareil d’État. De Babacar Guèye, président des concertations sur la justice ou du Pr Abdoulaye Bathily, nommé Envoyé spécial du Président de la République, à Pr Daouda Ngom, ministre de l’Environnement, en passant par Dr Aminata Sarr, nommée à Tds ou Pr Mouhamed Abdallah Ly, devenu Directeur du Musée des Civilisations Noires et Pr Massamba Diouf, secrétaire exécutif de ANAQ-SUP, la liste de ces « universitaires » promus est loin d’être exhautive.

Faut-il y voir une simple coïncidence ? Ou bien ces nominations expliquent-elles cette étrange mutation du discours, cette omerta soudaine ? L’objectivité et la rigueur intellectuelle se sont-elles dissoutes dans les méandres des privilèges du pouvoir ?

Seule une voix discordante, du reste, hors de carcan intellectuel, s’est élevée : celle de Thiate, du mouvement « Y en a marre », dénonçant une loi encore plus dangereuse que celle du «quart bloquant», sous Abdoulaye Wade, en 2011. À l’époque, une mobilisation populaire massive avait forcé le régime à reculer.

 L’histoire risque-t-elle de se répéter ?

En 2011, la résistance des citoyens avait eu raison d’un projet législatif jugé antidémocratique. Aujourd’hui, alors que le pouvoir en place semble suivre une logique similaire, les Sénégalais se soulèveront-ils de la même manière, ou bien l’usure du combat et la redistribution des rôles au sein du système politique les auront-ils anesthésiés ?

En tout cas, ce silence des intellectuels pose une question fondamentale : leur engagement était-il sincère ou opportuniste ? Une chose est certaine, la vérité ne devrait pas changer selon qui gouverne ou selon de quelconques intérêts plus ou moins crypto personnels.

Le Sénégal vaut plus que la plus prestigieuse des prébendes.

Babou Biram Faye

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