Au revoir USAID, bye bye Fonds Mondial, Catastrophe ou Opportunité ?

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Les trumperies et les muskeries des USA montrent à suffisance l’impact des dynamiques politiques et stratégiques sur l’aide internationale et les financements des programmes de santé. A mon avis les récentes dynamiques impulsées par Donald Trump et Elon Musk offrent une excellente opportunité au Sénégal de redéfinir sa politique de santé fortement dépendante de l’aide extérieure.
J’écrivais dans un article précédent que chaque fois qu’un sénégalais était guéri du paludisme c’est un citoyen américain qui aura à sa place acheté le TDR qui l’a diagnostiqué et les médicaments qui l’ont soigné.
Chaque année, l’aide américaine permet au Sénégal de protéger du paludisme près d’un million d’enfants âgés de 3 à 120 mois, de former des dizaines de prestataires, de distribuer des milliers de moustiquaires, d’acheter la totalité des tests et des médicaments utilisés dans le diagnostic et le traitement du paludisme avec plus de 3 millions de dollars. Il s’agit là d’une dépendance structurelle infamante et avilissante à l’aide extérieure en matière de santé.
Pour les spécialistes avisés de la santé publique, l’année 2025 risque, avec le retrait annoncé de l’USAID, d’être extrêmement difficile. En effet, on peut facilement présager de ce que sera la situation épidémiologique si la campagne de chimio prévention du paludisme saisonnier n’est pas mise en œuvre dans les régions épicentriques du paludisme que sont Tambacounda, Kolda et Kédougou. En 2018, une grève des prestataires avait rendu impossible l’organisation de cette importante campagne de prévention, beaucoup de décès évitables d’enfants furent alors constatés. Le tableau épidémiologique de 2025 risque d’être mortifère car cette fois-ci la menace plane sur tous les sénégalais.
Pour nous, la décision de Trump et Musk, analysée sans une once d’émotion est une excellente occasion pour asseoir une souveraineté sanitaire massive et une prise en compte optimale des fléaux sanitaires nationaux que sont le paludisme, la tuberculose, le VIH/Sida, les maladies tropicales, etc.
Pour ce faire, il est d’abord essentiel de procéder à un recentrage managérial dans l’establishment sanitaire. Je suis offusqué de voir un Hépato-gastro-entérologue manager les programmes de santé, les 14 directions régionales de la santé et les 79 districts sanitaires que compte le Sénégal. Sa dextérité professionnelle, son engagement et ses prouesses politiques ne peuvent le justifier, il s’agit d’une situation totalement hérétique avec des effets désastreux sur le système de santé. Le Sénégal regorge d’experts dans tous les domaines, le premier élément de rupture est donc de redonner foi et d’offrir la possibilité aux experts de s’exprimer dans leurs domaines de compétences. Autrement, les excellents spécialistes que je connais vont continuer à s’exiler comme cette horde d’excellents médecins sénégalais rencontrés en Guyane française et qui soutiennent à bout de bras le système de santé de la France d’Outre-Mer.
Il faudra ensuite investir dans la production locale de médicaments et de matériel médical, développer des partenariats sud-sud avec des pays tels que la Chine, l’Inde ou encore l’Afrique du Sud mais aussi et surtout renforcer le financement domestique de la santé par le biais par exemple de taxes spécifiques, de fonds souverains ou encore de partenariats public-privé.
Il faut aussi au préalable faire comprendre aux décideurs les dynamiques et les dialectiques profondes qui relient la santé et le développement. Ils sont intimement liés et forment un cercle vertueux où l’un alimente l’autre. Au Sénégal, cette relation est cruciale pour assurer une croissance durable et inclusive.
Loin donc d’être une fatalité, le retrait de l’USAID doit être un déclic pour repenser la politique de santé du Sénégal. A quand le départ du Fonds mondial ?


Latsouk Gnilane DIOUF
Economiste de la santé
Travailleur Social

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