La géopolitique régionale du Sénégal: politique d’équilibre entre la CEDEAO et l’AES- (Par Dr. Paul KANANURA)

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Avec une position géostratégique entre l’Afrique, l’Europe et les Amériques, le Sénégal est une porte d’entrée en Afrique de l’Ouest, ce qui lui confère une responsabilité géopolitique régionale particulière. C’est aussi un pays émergent de l’Afrique avec une vision politique de rupture systémique, une ambition géopolitique continentale et une volonté d’influence internationale.

La géopolitique du Sénégal est très délicate entre l’idéologie du panafricanisme et la doctrine de rupture du couple exécutif (Président et Premier ministre), l’intérêt national, le respect des engagements régionaux et internationaux souscrits par le pays. La création du Ministère de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères annonce l’orientation géostratégique du pays qui prône la politique d’équilibre entre les intérêts vitaux du Sénégal et ses engagements internationaux.

Pour mieux cerner la géopolitique régionale du Sénégal, nous allons explorer la vision panafricaine du parti au pouvoir et la politique de rupture systémique qui orientent le positionnement stratégique du pays en fonction des intérêts et des engagements internationaux.

I. PASTEF : laboratoire du panafricanisme et de rupture, promu au rang de gouvernance nationale par le peuple sénégalais.

Les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF) est un parti politique sénégalais fondé en 2014 par des jeunes cadres de l’administration sénégalaise, du secteur privé, des professions libérales, des milieux enseignants et des hommes d’affaires dont la majorité était novice en politique, mais ayant déjà partagé des combats de jeunesse avec des batailles gagnantes à l’école et dans la haute administration. D’où la rupture systémique dans la philosophie politique nationale et la vision du monde, basée essentiellement sur une forte dépendance-soumission extérieure nuisible aux intérêts du peuple. Cette dynamique s’est transformée en parti politique avec une devise révélatrice du courage politique : « le don de soi pour la Patrie », et M. Ousmane Sonko deviendra le président charismatique et M. Bassirou Diomaye Faye en sera le Secrétaire général et gardien du temple.

En 10 ans seulement, le peuple sénégalais a confié les clés de son avec aux PASTEF, une start-up politique à success-story qui vend le patriotisme, le panafricanisme et la rupture systémique.

A. Le parti du patriotisme et du panafricanisme assumés

Le PASTEF assume ses positions de rupture :

  • Le patriotisme économique et social, et le panafricanisme des outils juridiques et institutionnels sont guidés par l’éthique et la transparence au service de la communauté,
  • Le « Projet pour un Sénégal souverain, juste et prospère » repose sur une vision du patriotisme et un nouveau référentiel politique de gouvernance transparence et transformation systémique,
  • La promotion de la justice redistributive dans la production des normes de dignité humaine et de sécurité humaine,
  • Le renforcement des institutions panafricaines pour pallier à la gouvernance défaillante des Etats et des organisations régionales afin d’augmenter une résilience collective pour affronter les défis asymétriques,
  • Le plaidoyer pour une coordination renforcée entre les acteurs africains et internationaux pour des partenariats gagnant-gagnant,
  • La véritable indépendance passe par une rupture complète avec toute forme d’influence militaire étrangère. La quête de souveraineté et la question des bases militaires étrangères sont des sujets clés et préoccupants pour la jeunesse africaine,
  • L’affirmation de l’autonomie stratégique de l’Afrique dans les affaires mondiales.

B. Le couple exécutif : architecte de la rupture qui séduit les Sénégalais

La vision politique du PASTEF est plébiscitée par le Peuple sénégalais :

  • Le Peuple sénégalais a choisi l’alternance et la souveraineté pour consolider le modèle de stabilité politique, démocratique et géopolitique de la nation,
  • La rupture systémique devient une nouvelle philosophie de la gouvernance sénégalaise, régionale, continentale et internationale,
  • La responsabilité panafricaine à travers le discours cohérent du couple de l’exécutif séduit les Sénégalais, les Africains et certains partenaires, adeptes du respect de la parole donnée,
  • La politique sénégalaise donne au peuple et aux partenaires la caution de la maîtrise et l’effectivité de l’art de la gouvernance avec un pacte national prospectif, une croissance économique raisonnable et une compétitivité basée sur la transformation des produits locaux,
  • La nouvelle génération des politiques née après des indépendances avec des idées innovantes et qualitatives d’une rupture profonde avec le passé pour prôner la diversification des partenariats sur la base d’intérêt commun et de réciprocité.

Le monde subit une mutation géopolitique majeure et le Sénégal vit une nouvelle ère politique. La vision idéologique du PASTEF s’inscrit dans une volonté de construire une gouvernance de rupture, plus efficace et plus proche des attentes des citoyens. Au lieu de subir des contraintes géopolitiques qui limitent la sphère de la souveraineté, la théorie de rupture systémique vise à façonner des règles nationales, régionales, continentales et mondiales pour devenir des acteurs du jeu géostratégique.

II. La géopolitique régionale dictée par l’intérêt et les engagements du Sénégal

Avec la création de l’AES, les conséquences et les incertitudes politiques, diplomatiques, économiques et sécuritaires qui secouent la région ouest-africaine obligent le Sénégal à déterminer sa politique régionale en fonction des intérêts nationaux et des engagements internationaux. La divergence d’intégration politique et de souveraineté économique entre les Etats du Sahel et les pays ouest-africains entraîne le Sénégal vers une géopolitique d’équilibre, car le désaccord sur les questions de l’indépendance régionale et de la politique monétaire est au centre de la politique de rupture systémique.

A. L’intérêt régional avec la CEDEAO

La géopolitique internationale favorise le positionnement du Sénégal dans la CEDEAO :

  • Le Sénégal est un pays fondateur de la CEDEAO dont l’intégration régionale est fragilisée par le revirement géostratégique et le retrait de trois pays de l’AES,
  • Le Sénégal est un des pays influents de la CEDEAO dont la présence est indispensable pour les partenaires,
  • La politique active du Sénégal dans les organisations régionales et internationales,
  • L’influence diplomatique du Sénégal au niveau africain et international, oblige le pays à rester actif dans la CEDEAO avec une volonté d’impulser une dynamique de coopération avec l’AES.

B. L’intérêt géoéconomique et sécuritaire avec l’AES

Les intérêts vitaux obligent le Sénégal à coopérer avec l’AES :

  • L’AES : arrière-pays du port de Dakar (zone d’influence et d’attraction économique du Mali) : le Sénégal a été impacté par les sanctions de la CEDEAO (au profit des ports du Togo et de Guinée),
  • Le défi de prévention du terrorisme et de lutte contre le djihadisme (pour harmoniser des défenses nationales avec les exigences d’une coopération régionale efficace pour anticiper la métastase de l’extrémisme violent et du terrorisme),
  • Sénégal, un îlot de stabilité sur l’axe horizontal de fragilité (Sahel) et l’axe vertical de pauvreté (sources d’insécurité, d’extrémisme violent et du terrorisme) avec une stratégie de défense des frontières face aux vulnérabilités géopolitiques,
  • Le Sahel, avec plusieurs groupes armés non étatiques et terroristes, dont certains terroristes d’origine sénégalaise, oblige le Sénégal à développer des coopérations sécuritaires avec l’AES pour endiguer la menace et les violences terroristes.

C. La politique d’équilibre entre la CEDEAO et l’AES

La politique d’équilibre régional du Sénégal bénéficie des éléments favorables :

  • Le Sénégal est le seul membre fondateur de la CEDEAO qui peut gérer efficacement les prémices de la fragmentation régionale,
  • La vision d’indépendance partagée avec l’AES pour repenser la sécurité sous le prisme de la souveraineté,
  • L’AES perçoit la CEDEAO comme un instrument aux mains des puissances occidentales, une menace pour leur souveraineté et une entité qui a dévié de son idéal panafricaniste d’origine, préférant défendre des chefs d’État et des occidentaux plutôt que les aspirations de leurs populations. Le retour semble difficile, voire impossible. Mais cela ne veut pas dire que ces deux entités ne puissent pas cohabiter et travailler pour le bien-être de leurs populations respectives. Cela positionne le Sénégal dans une perspective de jouer le rôle de médiateur,
  • Sur le plan des relations commerciales, le soutien du Togo et de la Guinée Conakry à l’AES dans sa confrontation avec la CEDEAO et ses alliés occidentaux pourrait conduire à des accords bilatéraux dont le Sénégal serait le grand bénéficiaire,
  • Légitimité des hautes autorités sénégalaises pour mettre en place des mécanismes de « diplomatie alternative » de gestion de différente vision communautaire pour construire une attente de coopération régionale entre les deux entités.

D. La réaffirmation de la souveraineté orientée le Sénégal vers le Sahel

Quelques évidences qui plaident pour le rapprochement géostratégique entre le Sénégal et la Confédération des Etats du Sahel :

  • Le défi de souveraineté avec la reprise en main du destin sécuritaire, politique et économique en rupture avec la dépendance extérieure,
  • La posture politique de rupture systémique qui rejoint les aspirations souverainistes des peuples du Sahel avec le refus des modèles inadaptés aux réalités africaines pour promouvoir des politiques publiques répondant aux besoins réels des populations,
  • Le débat sur la fin du franc CFA avec l’épineuse question de l’articulation entre la souveraineté monétaire « partagée » (UMOA) et la capacité de pilotage économique national (fédéralisme monétaire et balkanisation économique des Etats-nations),
  • La décision du gouvernement sénégalais de renégocier les contrats pétroliers et gaziers rejoint les motivations économiques, industrielles et géopolitiques de l’AES de déterminer la richesse des ressources naturelles et la politique de transformation des matières premières pour créer de la valeur et des emplois,
  • La vision panafricaniste de l’indépendance, de responsabilité collective et des libertés avec la question de souveraineté monétaire en filigrane de cohérence stratégique de transformation économique,
  • Du Sénégal au Tchad : un continuum des souverainetés du Sahel, conforté par la simultanéité de l’annonce sénégalaise et tchadienne de rupture des accords militaires avec la France. Cela augure des perspectives d’une nouvelle doctrine de coopération militaire avec un reformatage stratégique qui intègre de nouveaux partenaires sécuritaires sans une approche de changement de maître.

L’AES se positionne comme une réponse audacieuse à la complexité, aux incertitudes et aux vulnérabilités auxquelles l’Afrique doit faire face collectivement pour répondre aux nouveaux défis mondiaux. Elle dépasse le cadre théorique d’intégration régionale, basé sur l’insertion des États dans l’économie mondiale, pour épouser l’idée d’une coordination des systèmes étatiques pour former une nouvelle entité viable politiquement, sécuritairement, économiquement, socialement et géopolitiquement. Cette dynamique confédérative dépasse largement le cadre stratégique du développement des échanges pour imposer une rupture des paradigmes économiques et des relations internationales, reposée sur des intérêts vitaux, des éléments de rapport de puissance et de partenariat gagnant-gagnant. Les autorités sénégalaises partagent largement cette vision à travers la philosophie de rupture systémique, qui permet de repenser l’intégration africaine en dehors des logiques héritées des frontières coloniales pour épouser des réalités culturelles et historiques, tout en tenant compte des spécificités régionales.

Conclusion

Les Etats africains ont le droit et la responsabilité de prendre des décisions autonomes pour garantir la sécurité, le développement et le bien-être de leurs populations. Cela peut impliquer la recherche des coopérations et partenariats bilatéraux, régionaux ou internationaux respectueux des souverainetés.

Le Sénégal dispose des atouts géopolitiques et géostratégiques, confortés par la découverte et l’exploitation d’énormes gisements de gaz et de pétrole, pour séduire des partenaires diversifiés et pour jouer efficacement un rôle régional de locomotive.

La géopolitique de l’hinterland, la politique géoéconomique, la fragmentation régionale, l’incertitude qui plane sur la CEDEAO et le panafricanisme orientent le Sénégal vers la dynamique des souverainetés du Sahel. Sa capacité de gouvernance et de développement pour assurer la stabilité nationale permettra d’assumer de nouvelles responsabilités régionales dans une grande vision panafricaine.
Dr. Paul KANANURA, Président de l’Institut AFRIKA

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