K .I, épouse du garde du corps de Alpha CONDÉ: « Comment mon mari a été tué dans l’assaut contre le palais… »
Derrière le coup d’État qui a renversé le régime d’Alpha Condé le dimanche 5 septembre 2021, se cache un film dramatique. Peu à peu, l’on découvre l’ampleur des affrontements sanglants aux alentours du palais, dont le clou a été la capture de l’ancien Chef d’Etat. Madame K.I a perdu son époux dans l’assaut contre le palais. Interrogée par Africaguinee.com, cette épouse d’un membre de la garde rapprochée d’Alpha Condé, est revenue sur les circonstances dans lesquelles son mari a trouvé la mort. Le jour du putsch, son époux n’était pas de service au Palais. Il a été appelé à se rendre en urgence au palais Sékoutoureya qui avait déjà commencé à essuyer les premiers tirs des éléments du Groupement des Forces Spéciales. Dimanche matin, il était à son domicile, dans la banlieue de Conakry. La veille, il avait fait un rêve « bizarre ». Ensuite un appel. La suite, c’est la mort. Africaguinee.com vous livre un témoignage inédit de cette femme qui a accepté de se confier malgré le deuil qu’elle porte encore.
K. I :
Il a passé la nuit du samedi 4 septembre à la maison. Dimanche matin, au réveil, il m’a demandé de faire la bouillie pour lui. Je lui ai demandé si c’est pour lui, parce que c’était une première. Il m’a dit que c’est pour un sacrifice, parce qu’il a fait un rêve. C’est comme s’il avait vu la mort venir. J’ai mis directement la marmite sur le feu pour le faire. C’était aux environs de 7 heures. Il est allé prendre de l’air à la devanture de notre maison. Après, je l’ai vu revenir en toute vitesse à la maison. Il m’a demandé de faire monter ses affaires dans la voiture, ses habits, ses tenues parce que quand il va à la présidence il fait deux jours avant de rentrer. La tenue que j’ai sortie pour qu’il porte, il m’a dit de la changer. Le temps pour lui de se changer et prendre la route, ça n’a pas fait 10 minutes. Habituellement les dimanches, il va au travail le soir pour revenir deux jours après. Ce jour je l’ai vu partir avant 8 heures alors qu’il n’avait aucun programme le matin.
Il n’est pas allé loin, il a confié la voiture à quelqu’un en cours de route. Il m’a appelé pour aller ramener la voiture à la maison. Il parait qu’il a croisé un de ses collègues à moto pour continuer avec ce dernier. Arrivé au camp Camayenne selon ce que j’ai appris, c’est là qu’il a vu un véhicule appartenant à la garde présidentielle, il est monté pour continuer à la présidence.
Quand je suis arrivée là où il a laissé le véhicule, celui qui avait la clé m’a dit il faut que vous appeliez la personne qui a laissé la voiture afin qu’il confirme, que c’est à moi qu’il doit remettre la clé. J’ai appelé mon mari à plusieurs reprises sans réponse. Finalement, il a décroché pour quelques secondes pour confirmer. J’ai pris la voiture pour rentrer à la maison. Il était déjà 11 heures.
Depuis mon retour à la maison, j’ai tenté de l’avoir pour l’informer que je suis rentrée, mais c’est resté sans réponse. J’ai continué à appeler toute la journée il n’a plus répondu. Aux environs de 17heures, le téléphone ne marchait plus.
Ce jour, la mort était venue. Sinon ce n’était pas son jour de travail. Il est rentré samedi soir pour se reposer comme d’habitude. C’est quand il a mis son téléphone en marche le matin, qu’il a reçu des appels de gauche à droite, afin qu’il se rende à la présidence. C’est des amis à lui qui l’ont appelé pour qu’il les rejoigne, sinon il serait là avec nous. Il est parti dans la précipitation. C’est après que j’ai compris pourquoi il est parti à la présidence, c’était à cause de l’attaque. Il semble que c’est aux abords du palais qu’il a été touché dans la matinée.
Donc finalement il n’a pas fait le sacrifice ?
Si, c’est moi-même qui ai fait le sacrifice à son insu. J’ai partagé entre des hommes et des femmes. Peut-être s’il avait attendu que les gens mangent, il aurait échappé à la mort tragique.
Comment avez-vous appris son décès ?
Ça n’a pas été facile. J’ai passé la nuit dans les suspenses parce que j’étais sans nouvelles jusqu’au lundi matin, rien. Nous les femmes des agents de la garde présidentielle, avons une association. J’ai appelé les copines pour savoir s’ils ont les nouvelles de leurs maris. Toutes m’ont dit qu’elles n’avaient pas de nouvelles. Le lundi matin, j’ai bien compris ce qui s’est passé, j’ai continué à appeler ses amis. Ceux qui ont répondu m’ont dit que mon mari se portait bien, et qu’il était dans les mains des forces spéciales. Ils étaient au courant de son décès, seulement personne ne voulait me dire. On m’a fait tourner comme ça (…). Comme je ne comprenais rien avec la famille, mes proches se sont levés pour fouiller dans les hôpitaux dans l’espoir de le retrouver parmi les blessés.
Mon père a reçu des informations que mon mari a succombé à ses blessures. Ça été très difficile pour mon père de me le dire. Ma mère et mon père, accompagnés d’une tante sont venus à la maison, s’asseoir un moment, mais ils n’ont pas eu le courage de me le dire. Ils voulaient qu’un parent de mon mari m’informe. Ils sont encore repartis à la morgue pour avoir la confirmation si c’est bien son corps qui était là-bas. C’est le lundi à 20 heures que j’ai reçu la triste nouvelle par le biais de l’oncle à mon mari.
Avez-vous eu plus d’information sur le nombre de gardes décédés ?
Non pour le moment, mais certains ne sont pas morts, mais gravement blessés. D’autres blessés ont été admis à l’hôpital du camp Samory. Mais comme ils ne sont pas bien traités là-bas, chacun a pris le soin de s’occuper de son parent, d’autres sont allés dans des cliniques à leurs frais.
La famille a-t-elle pu récupérer le corps pour son inhumation ?
Pas encore, nous sommes dans les démarches. On nous dit d’aller chez un commandant, Y.E, mais ce dernier aussi est décédé dans l’attaque. On demande aux gens d’aller chez lui. Qu’ils enverront les déclarations de décès là-bas. Les proches de mon mari sont allés à l’endroit indiqué pour savoir à quel moment ils auront le corps. Jusqu’à présent aucune suite d’abord
Un dernier mot ?
Mon époux était un homme calme, doux et gentil avec moi. Nous avons passé ensemble 10 ans de foyer. Aujourd’hui, je n’ai pas de force pour demander justice. Je laisse à Dieu pour la suite.
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