JOJ Dakar 2026: Choix du Sénégal, particularisme de l’événement et les enjeux de ce grand rendez-vous de la jeunesse (Par Ibrahima DIBA)
Initialement prévus en 2022, le CIO, d’un commun accord avec le Gouvernement du Sénégal, a finalement décidé de reporter les JOJ de Dakar en 2026. Une décision qui fait suite aux conséquences de la pandémie de la Covid-19 qui, visiblement, n’a pas encore dit ses derniers mots. Toutefois, il est impérieux de rappeler que les Jeux de Dakar revêtent un caractère particulier à bien des égards. Ce choix est à la fois le résultat d’une diplomatie sportive efficace et de la bonne signature qu’incarne le Sénégal dans la sous-région africaine.
Le choix de Dakar pour abriter cet événement d’envergure internationale n’est pas fortuit. Il traduit en réalité une volonté manifeste de l’institution olympique de donner sa chance à l’Afrique de manière générale et au Sénégal en particulier. D’autant plus que depuis la création des Jeux olympiques modernes par Pierre de Coubertin en 1896, l’Afrique n’a jamais accueilli un événement olympique de son histoire malgré les candidatures déchues du Cap en 2004 et du Caire en 2008. Cependant, pouvaient-elles se permettre de concurrencer avec Athènes et Pékin ?
La réponse à cette question est oui. Mais face à la force des projets d’Athènes et de Pékin, soutenus par une manne financière réelle et une offre diversifiée en infrastructure, il faut reconnaître qu’il leur était difficile de bousculer la hiérarchie.
La conséquence des échecs antérieurs des candidatures africaines a fini par installer un sentiment de gêne au sein du CIO: l’Afrique subit-elle une certaine discrimination ? L’Afrique peut-elle accueillir et réussir l’organisation d’événement olympique majeur ? Telles sont autant de questions que les observateurs se sont naturellement posés au vu des choix du CIO.
Tout compte fait, même si l’Afrique peine toujours à décrocher l’organisation des grands JO, les Jeux Olympiques de la Jeunesse d’été auront bel et bien lieu à Dakar en 2026.
En portant son choix sur l’Afrique, le CIO s’inscrit dans une dynamique d’intégration et de consolidation de ses relations avec le vieux continent qui regorge de potentialités certaines en matière de jeunesse et de sport.
JOJ DAKAR 2026, le résultat d’une diplomatie sportive efficace et de la bonne signature de notre pays
Pour l’organisation de la quatrième édition des JOJ, le CIO avait auparavant retenu les candidatures de quatre villes africaines: Gaborone (Botswana), Tunis (Tunisie), Abuja (Nigeria) et Dakar (Sénégal). Au finish, c’est le Projet Dakar 2022 qui a été présenté en session par une forte délégation du Sénégal dirigé par le Président Macky SALL qui a fait le déplacement à Buenos-Aires. Ce projet, jugé visionnaire, ambitieux et techniquement solide répondant aux objectifs à long terme de notre pays, a été voté à l’unanimité par les membres de la Commission exécutive du CIO.
Le choix de Dakar ne sort donc pas du néant: c’est le résultat d’une diplomatie sportive efficace et des leaderships assumés du Ministre des Sports, Monsieur Matar BA et surtout du président du Comité national olympique et sportif sénégalais (CNOSS), Monsieur Mamadou Diagna NDIAYE. Grâce à leurs implications personnelles, le nom du Sénégal figure désormais au panthéon des grandes nations du sport olympique.
Dans Géopolitique du Sport, le Grand Pascal Boniface écrit: «Le sport est devenu le nouveau terrain d’affrontement pacifique et régulé des Etats. C’est la façon la plus visible de montrer le drapeau, d’exister aux yeux des autres et d’être présent sur la carte du monde ». C’est exactement ce que les autorités sénégalaises ont compris en allant chercher les JOJ à tout prix.
Les JOJ Dakar 2026 offrent au Sénégal une occasion unique de marketing territorial
Les pessimistes et autres adeptes à la critique facile doivent comprendre que l’organisation des Jeux de 2026 sera bénéfique à notre pays à plusieurs titres.
Sur le plan du marketing territorial, le Sénégal se fera découvrir à la face du monde comme un beau pays, riche de ses valeureux hommes et femmes, paisible et doté de plus de 700 km de côtes, réparties dans des endroits paradisiaques que nos hôtes et autres touristes se feront le plaisir de découvrir. A ce propos, le Secrétaire général du Ministère des Sports écrit dans un article, publié sur Le Quotidien du 9 juillet 2020, que: «Le tourisme, qui constitue un des secteurs-clés de notre économie et qui vit des moments difficiles, en profitera largement avant, pendant et après les compétitions».
Au total, 4000 athlètes, 1800 officiels et 700 journalistes accrédités séjourneront dans notre pays, en plus des milliers de supporters et autres amoureux de sport –tourisme. Ces estimations permettent de prévoir un intérêt réel du monde entier sur le Sénégal en 2026. .
Particularité des JOJ: sport, culture et éducation au programme
Il faut aussi noter que les jeux olympiques de la jeunesse sont, du point de vue sportif, très différents des jeux olympiques classiques qui existent depuis 1896. En effet, les JOJ sont récents, ils ont été créés le 7 juillet 2007 lors de la 119e session du CIO tenue à Guatemala. Ce sont une compétition multisports, similaire aux Jeux Olympiques, mais réservée aux jeunes athlètes âgés de 14 à 18 ans.
Revenant sur le plan sportif, les JOJ ont la grande particularité de proposer la participation d’équipes mixtes dans certains sports collectifs. Ce fut le cas lors des tout premiers Jeux à Singapour en 2010. Les compétitions comprenaient des épreuves de judo par équipes mixtes ainsi que des relais mixtes en natation, et en basketball de format 3×3.
L’objectif visé avec cette innovation est d’encourager un esprit de solidarité, d’entente et de cohésion entre les jeunes athlètes, futurs champions olympiques.
Contrairement aux JO, les JOJ offrent aussi un Programme Culturel et Educatif (PCE) qui, en dehors des compétitions sportives, propose aux athlètes et au public des séminaires et autres programmes d’échanges sur des thématiques actuels qui interpellent la conscience collective des jeunes du monde entier. En guise d’exemple, Le programme « apprendre et partager »,couvert d’éloges aux JOJ de Lillehammer en 2016, a eu un succès énorme. Traitant des thèmes tels que l’environnement, le développement durable, le dopage, la discrimination raciale dans le sport, le PCE offre un cadre idéal pour sensibiliser et éduquer les jeunes sur les maux et les enjeux actuels de notre planète.
Jacques Rogge, père fondateur des JOJ et ancien président du CIO, nous dit que: “Le concept était que les JOJ seraient plus qu’une simple compétition sportive; ils seraient également une expérience éducative».
En plus du PCE, les programmes «Jeunes reporters» et «Jeunes ambassadeurs» répondent au besoin d’imprégner les jeunes de mieux en mieux dans l’organisation et le déroulement des JOJ. Le premier permet à des étudiants en journalisme ou à des jeunes ayant débuté une carrière dans ce domaine de prendre part à un évènement sportif majeur. Ils ont tous entre 18 et 24 ans. Le deuxième, quant à lui, offre aux jeunes choisis l’opportunité de promouvoir les valeurs olympiques. Avec de tels programmes alléchants, l’expérience sénégalaise s’annonce sous de bon augure.
L’exception sénégalaise : introduction de nouvelles disciplines et de la parité absolue chez les athlètes
Les Jeux olympiques de la jeunesse d’été de 2026 comprendront 244 épreuves dans 35 disciplines. Il y aura 13 épreuves par équipes mixtes, 1 épreuve ouverte (équestre), 115 épreuves masculines et 115 épreuves féminines.
Toutefois, la grande innovation des éditions de Dakar sera marquée par l’introduction de la parité absolue homme – femme sur le nombre d’athlètes. A cet effet, 2000 athlètes chez les hommes et 2000 athlètes chez les femmes rivaliseront d’ardeur.
Parallèlement à cela, de nouvelles disciplines feront leur apparition pour la première fois dans le cercle olympique. Il s’agit du break-dance, du skateboard, de l’escalade, du surf, du karaté, du baseball et du wushu.
En introduisant le break-dance et le skateboard, le CIO a visiblement pris l’option de faire des Jeux de Dakar une vitrine de la culture sportive urbaine. Car ces types de sport, pratiqués en grande partie par les jeunes, se sont développés dans les rues d’Europe et d’Amérique avant de se propager un peu partout à travers le monde.
Quant aux autres disciplines, elles sont déjà connues du grand public, donc leur apparition dans les compétitions répond à un besoin de changement exprimé par leurs pratiquants.
Au vu de tout ce qui précède, j’estime effectivement que la tâche s’annonce énorme pour le Sénégal qui n’a pas organisé d’événement sportif d’envergure internationale depuis 1992. Mais force est de reconnaître que notre pays a l’expérience des grand rendez-vous internationaux, comme l’atteste la bonne organisation du 11e sommet de l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI) en 2008 et le troisième festival des arts nègres tenu en 2011 à Dakar. L’année 2026, quant à elle, sera le grand rendez-vous de la jeunesse du monde.
Tous ensemble pour relever le défi de l’organisation
Claude Michy cité par Michel Desbordes et Julien Falgoux dans Organiser un événement sportif dit qu’ «un événement est bien organisé s’il associe bien la vitrine, c’est-à-dire l’endroit où l’on sert le produit, où l’événement est consommé et deuxième la cuisine, c’est-à-dire le laboratoire où l’on crée et fabrique le produit».
En d’autres termes, obtenir l’organisation d’un évènement majeur est une chose, mais réussir son organisation en est une autre. Le défi de l’organisation repose essentiellement sur une bonne coordination entre: l’administratif, le sécuritaire, le sportif, le technique, l’événementiel, le communicationnel, la logistique, pour ne citer que ceux-là. Il faut noter qu’une bonne maîtrise de ces éléments interdépendants et non moins importants doit s’opérer avant, pendant et après les jeux.
C’est pourquoi le comité d’organisation des JOJ de Dakar 2026 devra être inclusif et pluridisciplinaire, le tout dans l’esprit du «Right man at the right place» car, il s’agit de l’image du Sénégal qui est en jeu.
Le grand rendez-vous de la jeunesse du monde entier
Notre jeunesse aura la lourde tâche d’accueillir ses pairs venant de tous les coins du monde. Pour ce faire, elle devra, au préalable, être mobilisée et préparée sur des thématiques telles que la diversité, la communication interculturelle, le dialogue interpersonnel, l’accueil, etc. Bref, notre jeunesse devra s’approprier les programmes culturel et éducatif, parce qu’elle a tant à apprendre et à faire apprendre aux autres. Surtout dans le contexte actuel marqué par la crise des valeurs universelles de solidarité, de respect, et de dialogue. Ce sera l’occasion de montrer aux jeunes du monde entier la beauté de l’Afrique, mère des civilisations et berceau de l’humanité.
A ce propos, lors de la cérémonie d’ouverture de la coupe du monde de rugby de 1995, le père de la nation sud-africaine, Nelson MANDELA disait que «le sport a le pouvoir de changer le monde. Il a le pouvoir d’unir les gens d’une manière quasi-unique. Le sport peut créer de l’espoir là où il n’y avait que du désespoir». Ces paroles retentissent jusqu’à présent puisque le mouvement sportif mondial lutte encore contre les fléaux tels que la xénophobie, le racisme, et le dopage. Au lieu d’unir, le sport a souvent tendance à désunir et sert de tribune à des comportements contraires aux valeurs olympiques.
Les jeux de Dakar 2026 auront le défi de redorer le blason du sport mondial et lui rendre son lustre d’antan.
Je ne terminerai pas cette analyse sans rappeler la nécessité d’encadrer sportivement nos athlètes qui défendront les couleurs du Sénégal. Cette préparation est surtout à inscrire dans le long terme au niveau de nos différentes fédérations sportives sous la supervision du CNOSS et du ministère des sports. En ce sens, je suis convaincu que la future fédération du sport scolaire et universitaire, si chère au Président de la République, pourra servir de laboratoire pour une bonne préparation de nos futures athlètes.
Le Sénégal sera prêt en 2026 !
Ibrahima DIBA
Inspecteur de la Jeunesse et des Sports
Email: biradiba@yahoo.fr