L’intégralité du discours du Président de la République
Mes chers compatriotes,
En raison du confinement qui ne me permet pas d’accueillir le dispositif habituel de diffusion, je m’adresse à vous ce soir par visioconférence.
Trois mois après la proclamation de l’état d’urgence le 23 mars 2020, je souhaite vous entretenir du chemin parcouru et de nos perspectives dans notre lutte contre la pandémie à coronavirus, COVID-19.
Cette lutte, chacune et chacun de nous en supporte le coût, parce que nous la menons ensemble, dans l’unité et la solidarité, grâce à la synergie de nos efforts.
C’est pourquoi je tiens d’abord à remercier toutes les forces vives de la Nation qui ont permis cette symbiose :
- l’Assemblée nationale, majorité, opposition et non-inscrits confondus ;
- le Gouvernement et les autres Institutions de la République ;
- les autorités locales, les partenaires sociaux, le secteur privé, les guides religieux, les chefs coutumiers, la société civile et les mouvements citoyens.
J’exprime notre gratitude aux pays amis et aux partenaires multilatéraux qui soutiennent nos efforts.
Je salue le travail remarquable des médias qui contribuent à mieux faire connaitre la maladie et les moyens de la combattre.
J’encourage vivement nos élèves des classes d’examen, leurs enseignants, les personnels d’encadrement et de soutien qui ont repris le chemin de l’école.
Quand je m’adressais à vous le 23 mars dernier pour proclamer l’état d’urgence, le monde comptait plus de 340 000 personnes affectées par la pandémie COVID-19, dont plus de 15 000 décédées.
Notre pays en était à un total de 79 malades, 8 guéris, zéro décès et 71 patients sous traitement.
A la date d’aujourd’hui, la maladie a atteint plus de 10 100 000 personnes à travers le monde et causé plus de 502 000 décès.
Notre pays totalise 6698 personnes testées positives, dont 4341 guéries, 108 décédées et 2248 actuellement sous traitement et un malade évacué.
Je prie avec vous pour que nos morts reposent en paix et que nos malades recouvrent la santé.
Malgré l’augmentation du nombre de cas positifs, notre système de santé continue de montrer ses capacités de résilience et d’adaptation dans l’accueil et le traitement des malades.
Nos performances dans la riposte anti COVID-19 sont en effet considérables :
A ce jour, le SAMU a reçu plus de 726 000 appels d’alerte.
Nous avons réalisé plus de 78 338 tests. 24 824 contacts ont été suivis par nos services.
Le taux de létalité au Sénégal est de 1,5%, contre une moyenne africaine de 2,5% et de 5,2% au niveau mondial.
Le Sénégal affiche un taux de guérison de 64,8%, contre une moyenne africaine de 48% et mondiale de 50%.
A l’échelle nationale, les statistiques montrent que les principaux foyers de la pandémie sont essentiellement localisés dans les régions de Dakar, Diourbel et Thiès, qui concentrent 92% des cas de contamination.
Le Département de Dakar à lui seul totalise 54% des cas recensés sur l’ensemble du territoire national.
Dans ces trois régions, il convient donc de redoubler de vigilance et d’effort pour arrêter la propagation de la maladie en intensifiant les campagnes de proximité.
Je tiens, une fois de plus, à exprimer notre gratitude et rendre hommage à notre remarquable corps médical, para médical et aux personnels de soutien, pour leur compétence, leur engagement et leur disponibilité.
Je réitère nos remerciements aux autres Services de l’Etat mobilisés dans la riposte, à notre dynamique et dévouée Administration territoriale et à nos vaillantes Forces de défense et de sécurité déployées dans le cadre de l’état d’urgence.
En dépit de nos performances dans la riposte sanitaire, je dois cependant rappeler, avec insistance, que la lutte contre la pandémie n’est pas encore finie. La maladie est toujours là et toutes les projections montrent que le virus continuera de circuler durant les mois à venir.
Nos Services de santé et tous les autres acteurs mobilisés dans la riposte anti COVID-19 donnent le meilleur d’eux-mêmes.
Mais en définitive, l’issue de notre lutte contre notre ennemi commun dépendra, en grande partie, de nos propres comportements individuels et collectifs.
Il nous faut, par conséquent, redoubler d’efforts dans les attitudes qui empêchent la propagation du virus : se laver fréquemment les mains, respecter la distanciation physique, éviter les rassemblements, non nécessaires, limiter les déplacements et porter correctement le masque.
Il est établi que le port du masque réduit considérablement la circulation du virus ; et je rappelle qu’il est obligatoire dans tous les espaces publics, les lieux de travail, publics et privés, les transports et les commerces.
Dans ce front uni que nous menons contre ce terrible fléau, le port du masque est à la fois une mesure de protection de soi-même et de son prochain ; mais aussi un acte de civisme et un engagement patriotique vis-à-vis de la Nation.
J’appelle, par conséquent, à une mobilisation de toutes et de tous, pour le respect des gestes barrières et le port systématique et correct du masque.
J’invite instamment les élus locaux, les partenaires sociaux, le secteur privé, les guides religieux et coutumiers, la société civile et les mouvements citoyens à poursuivre leur action d’alerte, de veille et de sensibilisation dans nos villes, nos villages, nos quartiers et nos communautés.
Veillons particulièrement aux personnes âgées et à celles souffrant de certaines pathologies, parce qu’elles sont les plus vulnérables aux formes sévères de la maladie.
J’appelle, une fois de plus, à ne pas stigmatiser les malades de la COVID-19.
Un malade mérite compassion, pas la stigmatisation. Stigmatiser un malade, c’est ajouter de la souffrance à la souffrance ; c’est faire offense aux valeurs socio- culturelles et religieuses qui nous enseignent de traiter les autres comme nous voudrions être traités ; et de ne pas faire aux autres ce que nous ne voudrions pas qu’on nous fasse.
Mes chers compatriotes,
En plus d’être une crise sanitaire majeure, la pandémie COVID-19 affecte durement l’économie nationale. D’après les dernières évaluations, notre taux de croissance économique passerait de 6,8% à 1,1%, voire moins.
Plusieurs secteurs de l’économie comme les transports aériens, le tourisme, l’hôtellerie, la restauration, la culture et les loisirs, l’artisanat et le commerce de produits agricoles, sont à l’arrêt, ou au ralenti.
Voilà pourquoi j’ai mis en place le Fonds de riposte et de solidarité contre les effets de la pandémie COVID-19, FORCE-COVID-19, doté de 1000 milliards de FCFA, pour financer le Programme de Résilience Economique et Sociale.
Ce Programme, qui vise à renforcer notre système de santé et soutenir nos ménages, notre diaspora, nos entreprises et les salariés, est en cours d’exécution.
Sur la composante santé, le Programme nous a permis de dérouler sans tarder notre stratégie de riposte à la pandémie, par :
- l’achat massif d’équipements et de produits médicaux ;
- le relèvement substantiel du plateau sanitaire existant, l’aménagement et l’équipement de nouvelles structures de traitement des épidémies, soit 33 Centres répartis à travers le pays ;
- enfin, la prise en charge des malades et des personnes confinées.
Nous allons renforcer ces acquis.
Ainsi, sur la séquence 2020-2021, l’Etat recrutera 500 médecins et 1000 agents professionnels de la santé, notamment infirmiers et infirmières, sages-femmes, ainsi que des personnels de soutien. S’agissant des médecins, la priorité sera accordée aux districts éloignés et aux spécialistes.
En outre, le Gouvernement mettra en place, sur la période 2020-2024, une ambitieuse stratégie de modernisation du secteur de la santé et de l’action sociale, à travers le Plan d’investissement pour un système de santé et d’action sociale résilient et pérenne, dont une composante dédiée à la télésanté. Ce Plan sera adopté prochainement lors d’un Conseil présidentiel.
S’agissant du soutien aux ménages, en plus de la prise en charge par l’Etat des factures d’électricité des abonnés de la tranche sociale, pour un bimestre, la distribution des denrées de première nécessité est engagée depuis le 11 avril.
Cette opération d’envergure, jamais réalisée, a nécessité la mobilisation de plus de 4000 camions pour acheminer l’aide à 1.100.000 ménages sur l’ensemble du territoire national, soit environ plus de la moitié de la population.
A ce jour, sur les 552 communes du pays, 438 ont terminé la distribution ; le reste des opérations est en cours dans 114 communes, soit un taux de réalisation de
79,34%. Toute la distribution devra être achevée le 15 juillet prochain au plus tard.
Des quotas spécifiques seront alloués aux chauffeurs du transport interurbain (14.000 kits), aux réfugiés (4 262 kits), aux titulaires de Cartes d’égalité de chance (54. 219 kits) et aux personnes omises du Programmes national de bourses de sécurité familiale (42. 650 kits).
Concernant l’appui à la Diaspora à hauteur de 12,5 milliards de FCFA, la plateforme ouverte à cet effet a enregistré plus de 200 000 inscriptions provenant de 142 pays. 60 000 demandes ont été déjà satisfaites. Les opérations se poursuivent avec la troisième et dernière phase.
En outre, le Gouvernement a facilité le rapatriement de 3505 compatriotes bloqués à l’étranger par la fermeture des frontières aériennes. Les vols se poursuivront pour une vingtaine de pays, jusqu’au 3 juillet.
Pour le compte du secteur privé, le Programme de Résilience économique et sociale a permis :
- le paiement de créances du secteur privé sur l’Etat pour un montant de 121 960 804 055 de FCFA;
- des reports d’échéances au niveau des banques pour un montant de 135 milliards de FCFA ;
- et l’opérationnalisation du mécanisme de financement dont les entreprises bénéficiaires ont pu ainsi obtenir des crédits de trésorerie à des taux préférentiels, pour un montant d’environ 10 milliards de FCFA.
Ce mécanisme aide à couvrir des charges incompressibles pour maintenir 5 374 emplois.
Enfin, la Délégation à l’Entreprenariat Rapide des Femmes et des Jeunes a soutenu à hauteur de 15,8 milliards de FCFA le secteur de la pêche, le cofinancement pour l’acquisition de matériels agricoles, la confection de 10 millions de masques et le commerce de produits horticoles menacés par la crise, notamment l’anacarde, l’oignon et la mangue.
Avec ses partenaires, la DER travaille également à la structuration d’un financement de 12 milliards de FCFA en soutien à l’élevage et à la campagne agricole.
Mes chers compatriotes,
Depuis trois mois que nous luttons contre la pandémie de COVID-19, nous en mesurons pleinement les effets, par les êtres chers perdus, nos malades hospitalisés, notre vie sociale et notre économie profondément perturbées.
Malgré toutes ces difficultés, nous devons rester debout, combatifs et compter sur nos propres forces d’abord dans une lutte sur deux fronts : celui de la santé et celui de l’économie.
Voilà le défi qu’il nous faut désormais relever : lutter pour préserver nos vies et notre santé, et reprendre toutes nos activités productives pour remettre pleinement notre économie en marche.
De la même manière que nous ne pouvons pas laisser au virus nos vies et notre santé, nous ne pouvons, non plus, lui laisser la vie et la santé de notre économie.
Ainsi, mes chers compatriotes, tenant compte de cette double nécessité vitale, j’ai décidé de lever l’état d’urgence et le couvre-feu y afférent à compter de demain, 30 juin 2020 à 23 heures.
L’horaire de bureau qui était aménagé pour l’Administration de 9 heures à 16 heures depuis l’allègement de l’état d’urgence en mai, est rétabli dans sa séquence normale, de 8 heures à 17 heures, avec la pause habituelle de 13 heures 30 à 14 heures 30.
La fermeture des marchés publics un jour par semaine pour nettoiement reste en vigueur.
En raison du risque élevé de propagation du virus qu’ils présentent, les lieux accueillant des activités de loisirs à huis clos resteront fermés.
La réouverture des frontières aériennes se fera à partir du 15 juillet prochain ; et les vols internationaux reprendront ainsi selon un protocole sanitaire défini.
Les frontières terrestres et maritimes restent fermées jusqu’à nouvel ordre.
Dès à présent, il nous faut aussi anticiper et nous organiser en nous préparant à l’ère post COVID-19. A cet effet, le Gouvernement me soumettra prochainement un Programme de Relance de l’Economie nationale sur lequel il travaille déjà.
Ce Programme reposera sur nos bases productives, dont l’agriculture, qui bénéficie pour la présente campagne de ressources budgétaires exceptionnelles de 60 milliards de FCFA, contre 40 milliards pour la précédente.
De même, la Banque mondiale a octroyé un financement de 150 millions de dollars pour soutenir le renforcement de la résilience et la productivité agricoles.
Ce projet aidera à accroître l’exportation de cultures à haute valeur ajoutée, dont la filière horticole, à améliorer la productivité de l’élevage laitier et réduire le taux de mortalité des petits ruminants.
Tous ces efforts viennent consolider notre quête d’autosuffisance alimentaire. Cette crise rend en effet plus évidente la nécessité de réaliser au plus vite cet objectif, en produisant plus et en transformant davantage nos produits d’agriculture, d’élevage et de la pêche.
Comme je l’ai indiqué dans mon message du 11 mai dernier, le Programme de relance de l’économie nationale post COVID-19, soutiendra aussi les initiatives créatives développées dans le cadre de la lutte contre la pandémie et la promotion de l’industrie pharmaceutique nationale.
Nous allons, en même temps, poursuivre et adapter les réformes et projets du PSE, renforcer nos politiques d’équité territoriale et consolider le processus d’industrialisation entamé dans les Parcs industriels et les Zones économiques spéciales, dont les Agropoles.
Je tiens particulièrement à ce que l’Etat et ses démembrements, y compris les sociétés à participation publique, ainsi que le secteur privé valorisent davantage le contenu local dans la commande publique des biens et services.
Mais tous, ensemble, nous devons faire du consommer sénégalais non pas un effet de mode ou de conjoncture, mais l’affirmation d’une véritable culture de souveraineté économique. Il nous faut davantage développer un état d’esprit de nature à faire ancrer durablement une culture du produire et consommer sénégalais !
Mes chers compatriotes,
En levant l’état d’urgence, je rappelle, en même temps, que l’urgence sanitaire est toujours là et nous impose un devoir : devoir de vigilance, devoir de responsabilité individuelle et devoir de responsabilité collective.
Le péril est toujours là, et nous devons continuer la lutte.
Alors, mes chers compatriotes, protégeons-nous, protégeons nos familles, nos communautés et notre pays, pour que vive le Sénégal, en bonne santé, dans la paix, la stabilité et la prospérité. Bonsoir.