Ousmane SONKO, digne héritier de Cheikh Anta DIOP (Lamine NIANG)
L’infériorité de l’homme Noir et sa nature docile, devaient être étayées et documentées.
L’infériorité de l’homme Noir et sa nature docile, devaient être étayées et documentées. D’ailleurs dans Alerte sous les tropiques Cheikh Anta Diop disait: «Les puissances colonisatrices ont compris dès le début que la culture nationale est le rempart de sécurité, le plus solide que puisse se construire un peuple au cours de son histoire, et que tant qu’on ne l’a pas atrophiée ou désintégrée, on ne peut pas être sûr des réactions du peuple dominé.» De toute sa vie, l’historien Cheikh Anta Diop, ce monument de la connaissance, a tenté de rétablir la vérité historique de l’antériorité de la civilisation negro africaine dans l’Égypte ancienne et de montrer comment l’Occident, dans une démarche de falsification et de manipulation des faits historiques, a réussi à asseoir sa domination sur les autres peuples. L’aliénation linguistique L’«école étrangère» comme l’appelle Cheikh Hamidou kane dans L’Aventure ambiguë est donc l’instrument par excellence de l’acculturation et de l’aliénation culturelle de l’élite africaine. Façonner des hommes et des femmes qui seraient le relais et les exécutants volontaires ou inconscients du projet impérialiste devait toutefois passer par l’utilisation d’une langue coloniale dont la maîtrise ouvrait la porte au pouvoir, à la distinction sociale et à l’incarnation tropicalisée du maître Blanc. Les dialectes locaux, considérait-on, étaient incapables de véhiculer un quelconque concept abstrait et de pensée logique. Ils ne sont bons que pour baragouiner un langage insignifiant et pour faciliter une communication minimale entre des sous hommes. À l’opposé, la langue française incarnerait la clarté, l’intelligibilité et la rationalité. Comme le soutenait Senghor, dans sa comparaison des propriétés du français et des «langues négro-africaines». La dévalorisation grossière et le dénigrement méthodique de nos langues locales, supports naturels de la culture, et leur remplacement stratégique par la langue coloniale utilisée par l’élite dirigeante, permettait, à dessein, de parachever le projet de colonisation du continent africain. Les graines de la domination culturelle bien semées, le retrait physique du colonisateur, dans la foulée des Indépendances, pouvait bien se faire sans crainte. Les auxiliaires des colons à la «peau noire, masques blancs », pour parler comme Fanon, pouvaient perpétuer le travail…C’est ce que Cheikh Anta Diop, dans Les fondements économiques et culturels d’un État fédéral d’Afrique avait bien compris lorsqu’il déclare : «L’influence de la langue est si importante que les différentes métropoles européennes pensent qu’elles peuvent, sans grand dommage, se retirer politiquement de l’Afrique d’une façon apparente, en y restant d’une façon réelle dans le domaine économique, spirituel et culturel.» La révolution culturelle de Sonko, la crise sanitaire et économique que vit actuellement notre planète va très certainement bouleverser les bases du libre-échange et de la mondialisation de l’économie telles que définies au XIXème siècle. Les dirigeants occidentaux, dans une logique de perpétuation de leur hégémonie sur le reste du monde, mènent actuellement une profonde réflexion sur les Dakar, le 19 Mai 2020 nouveaux paradigmes qui façonneront le jour d’après COVID-19. Ainsi, dans son allocution du 13 avril, le Chef de l’État français, Emmanuel Macron, a donné le ton en soutenant à l’endroit de ses compatriotes qu’«il nous faudra rebâtir une indépendance agricole, sanitaire, industrielle et technologique française.» Et le continent africain? Quels sont les grands défis qui nous attendent? Celui du développement économique, bien sûr. Mais a-t-on assuré les préalables? Les bases culturelles sans lesquelles toute tentative de développement est vouée à l’échec. Par sa préférence des langues nationales, Sonko a peut-être encore fait sauter l’un des verrous qui nous maintenait dans la dépendance et le sous-développement. Le président du Pastef a très certainement mis à profit son long silence pour s’imprégner davantage sur les conditions d’un véritable réveil de l’Afrique et du Sénégal, plus particulièrement. À l’instar de Cheikh Anta Diop qui clamait dans Nations nègres et culture qu’«aucun peuple sérieux ne peut prétendre se développer dans la culture et la langue d’autrui.», nous pouvons dire qu’Ousmane Sonko, en annonçant lors de sa sortie médiatique sa nouvelle préférence à communiquer avec la langue la mieux comprise par la grande majorité de la population sénégalaise, complète le dernier pilier qui soutient les bases solides d’un réel développement endogène. Pour un leader politique de père diola, d’une mère sérère et peule, et dont la langue maternelle est minoritaire en nombre de locuteurs, le choix de la langue majoritaire est un symbole fort de fierté assumée et de pragmatisme éclairé. Un état d’esprit qui transcende les limites de la «mosaïque linguistique africaine»… Une minorité d’hystériques et de communautaristes, toujours prompts à crier au scandale d’un favoritisme linguistique, va très certainement ruer encore dans les brancards. Les grandes décisions historiques qui révolutionnent profondément la marche d’un pays ne font jamais l’unanimité lorsqu’elles sont brandies, mais le temps finit toujours par légitimer leur pertinence. Elles ne sont jamais prises par des chefs politiques opportunistes qui n’ont que la conservation du pouvoir en tête et le maintien d’un statu quo apaisant et inhibiteur. Elles viennent de leaders courageux et visionnaires, capables d’étouffer leur égo et de mettre leur éphémère gloire politique de côté pour entrer dans l’histoire. L’étoile de Cheikh Anta Diop continue de briller et sa lumière ne cesse de nous éclairer parce qu’il était en avance sur son temps et ses prises de décisions, de son vivant, comme celles de défendre les langues nationales, étaient surement impopulaires à l’époque. Mais c’était la voie de salut pour l’Afrique. La majorité des Africains consciencieux et dépourvus de tout repli identitaire égoïste en sont convaincus aujourd’hui. Sonko marche aujourd’hui sur les pas de cet illustre fils d’Afrique. Espérons que la population comprenne et soutienne sa démarche et ses motivations d’un besoin d’affranchissement total et entier sur tout ce qui nous retient jusqu’ici dans notre situation peu enviable de derniers de la classe. Lamine Niang Secrétariat National à la communication de Pastef