Serigne Abdoul Aziz Sy «Al Amine» : «Comment un clash a été évité entre le président Abdou Diouf et Thierno Mountaga Tall»
Lors d’une conférence qu’il a animée samedi sur l’esplanade du Cdeps de Guédiawaye, Serigne Abdoul Aziz Sy «Al Amine», a raconté comment un clash a été évité de justesse entre le président de la République d’alors, Abdou Diouf, et Thierno Mountaga Tall, concernant l’adoption de la loi sur l’excision, rapporte «Enquête».
Récit.
«Serigne Mountaga Tall était venu à Tivaouane voir Serigne Mansour Sy pour lui dire qu’il voulait organiser une marche à Dakar où il inviterait tous les chefs religieux pour dire non à la loi contre l’excision. Serigne Mansour lui avait donné son accord de principe. Thierno Mountaga s’est mis alors à sensibiliser les chefs religieux un peu partout dans le pays. Quand Abdou Diouf a eu vent de cela, il a téléphoné à Serigne Mansour, vers les coups de 23 heures, pour lui dire qu’il n’allait pas autoriser la marche de Thierno Mountaga, quitte à perdre le pouvoir. Il demandait comment on pouvait prévoir une marche sans pour autant l’en informer, alors qu’il était le président de la République. Serigne Mansour était inquiet de la situation. Il m’a appelé vers 00 heures pour me demander de venir à Dakar dare-dare. Je lui ai demandé si je pouvais attendre le lendemain pour venir. Il m’a répondu : «non ! C’est grave ». Une fois à Dakar, il m’a expliqué la situation, en me disant que c’était une situation compliquée et qu’on risquait d’aller vers des confrontations. Il a demandé comment faire pour éteindre le feu. Je lui ai dit : « Vous êtes le khalife général des Tidianes et êtes par conséquent son supérieur. Vous n’avez qu’à l’appeler et lui dire de surseoir à sa marche». Il m’a demandé de l’appeler. Je lui ai dit qu’il était 02 h 30 du matin. Il a insisté, mais je lui ai dit que ce n’est pas une heure pour appeler une autorité.
Le lendemain, de bonne heure, c’était un vendredi, je l’ai appelé pour lui dire que le khalife avait besoin de lui. On s’est donné rendez-vous vers 19h30 mns et nous nous sommes retrouvés à trois, Thierno Mountaga, Serigne Mansour et moi. Je lui ai dit : « Thierno, le khalife veut que tu laisses tomber ta marche». «Si vous n’en voulez pas, je laisse tomber, mais dans ce cas, dites-moi ce que je dois faire», a répondu Thierno Mountaga Tall. Je lui ai dit que nous allons rencontrer Abdou Diouf.
A 10 h, j’ai appelé le président Abdou Diouf pour lui annoncer que Thierno Mountaga Tall et le Khalife général voudraient le rencontrer. Il m’a dit qu’il allait nous répondre dans une heure. A l’heure indiquée, il a rappelé pour nous dire qu’il allait nous recevoir le lendemain à 18 heures. Thierno Mountaga, Thierno Ahmed Tidiane Bâ de Médina Gounass, d’autres dignitaires et moi sommes allés ensemble voir le président Abdou Diouf. Thierno Mountaga m’a demandé de prendre la parole, vu que je maîtrise mieux la langue wolof.
En prenant la parole, j’ai dit au Président que les autorités ont l’habitude de prendre des décisions sans au préalable consulter les religieux. Vu que nous sommes dans un pays qui compte plus de 95% de musulmans, je lui ai dit que le Sénégal fait partie des pays qui ont signé les conventions internationales des Nations-Unies, alors que cette dernière a comme premiers ennemis l’Islam et le Coran. Toutes les lois qu’elles entérinent sont aux antipodes de cette religion. Et vous, à votre tour, vous ne nous associez pas à vos décisions. Vous partez directement vers votre Assemblée nationale pour faire passer vos projets de lois. C’est à cause de cela que Thierno Mountaga s’est fâché et il voulait organiser une marche, le dimanche, contre cette loi sur l’excision. Abdou Diouf a pris la parole pour camper le débat : « avant tout, dites-moi si l’excision est une Sunna comme l’est la circoncision chez les hommes». Je lui ai dit : «Non, ce n’est pas une Sunna» (…) Abdou Diouf a repris : «l’erreur vient de nous parce que nous aurions dû parler avec vous avant d’aller à l’Assemblée nationale. Maintenant, même si j’ai amené le projet de loi à l’Assemblée nationale, il a été voté, je l’ai promulgué pour en faire une loi. Il reste le décret d’application que je ne vais pas prendre». Thierno Mountaga lui a pris les mains et lui a dit : «on a trouvé la solution».