Mamadou Saïdou Anne : «La Senelec se contente de suivre seulement la diminution de l’énergie non fournie sans tenir compte de la qualité de l’énergie fournie»
La grille tarifaire de la Senelec n’agrée pas le président de l’Association de défense des usagers de l’eau, de l’électricité, des télécommunications et des services . Il rapporte une marge d’erreurs d’évaluation de la consommation du client de l’ordre de 10%. Dans cet entretien, Mamadou Saïdou Anne indexe la qualité du service et les normes. Il évoque aussi les arriérés dus par les clients.
Que pensez-vous des discussions sur la révision tarifaire de Senelec 2017-2019 lancées par la Commission de régulation du secteur de l’électricité ?
La période tarifaire de Senelec 2014-2016 tire à sa fin. La révision en vue de l‘établissement du tarif applicable pour la période 2017-2019 est ouverte. La Commission de régulation du secteur de l’électricité (Crse), maitresse d’œuvre de cette opération, en est à la 1ère consultation publique. On en est à l’analyse du bilan de la Senelec pour les 3 années de la période 2014-2016. Nous passerons en revue trois des nombreux points de friction possible qu’un consommateur aurait à relever dans ce bilan qui sont des composantes du budget familial. Il s’agit de la dépense quotidienne, c’est-à-dire ce qui va au marché pour atterrir dans le bol ; le loyer ; l’électricité ; la facture d’eau, du gaz, du téléphone généré actuellement par le monstre cellulaire. Le poids de l’électricité est tel que tout consommateur devrait se réveiller, autrement dit les 1.119.778 clients de la Senelec, plus particulièrement les 909.617 « usager domestique » à fin 2015.
Par rapport à la qualité de service, quels sont les points sur lesquels les consommateurs souhaiteraient voir des améliorations ?
Il est d’usage que Senelec se contente de suivre seulement la diminution de l’énergie non fournie (Enf) sans tenir compte de la qualité de l’énergie fournie ni des dégâts causés par cette énergie. Alors que pour le client, la qualité de service, c’est aussi être bien reçu par le personnel de la Senelec, facturer correctement, répondre aux réclamations, remettre le courant après coupure dans le délai et pour chaque norme non respectée, payer les incitations contractuelles. Avec 1.119.778 clients, vous avez autant de factures générées bimestriellement avec un pourcentage de l’ordre de 10 % de factures erronées qui engendrent un nombre important de raisons d’amener les clients à l’agence Senelec pour se plaindre. Ces clients mécontents, reçus par un personnel non formé à la technique d’accueil, vous pouvez imaginer la suite de la scène. Du nouveau dans la dégradation de la qualité de service est apparu avec le « Woyafal ». Il est facultatif, en principe, mais, en fait, devenu obligatoire par deux modes opératoires des guichets de Senelec qui frisent l’arnaque. On devait s’en douter avec les résultats insolents obtenus : « les réalisations dépassent de 264 % les projections de 2015 et 410 % les projections de 2016 ». 1er approche : dès l’arrivée d’un client, on lui indique un guichet où il doit payer l’abonnement. Au retour au guichet envoyeur, quand il demande des informations pour lui permettre de choisir, on lui répond qu’il a déjà choisi « Woyafal » par le payement de l’abonnement qu’il vient d’effectuer. 2ème option : à l’arrivée d’un client, déjà averti, qui demande un abonnement avec un compteur « ordinaire », il lui est répondu qu’il n’y a pas de compteur et qu’il va attendre longtemps ». Problème de compteurs ! On a de très mauvais souvenirs où des clients ont attendu des mois, après avoir payé, pour avoir des compteurs : parce que rupture de compteurs est une maladie chronique de Senelec. Si ailleurs le client est roi, le même client ne demande à Senelec que la considération accordée à un baron.
Qu’en est-il des normes ?
Trois périodes, plus particulièrement, hantent le sommeil d’un client dans ses relations avec Senelec. Première période : au moment de l’abonnement avec ses 2 phases : attente de la visite, attente du compteur. C’est la piste du combattant qui peut durer plusieurs mois à cause de la rupture de compteurs. Deuxième période : Le client a enfin un compteur, une facture erronée lui est délivrée. Une réclamation est introduite, très souvent oralement, « les clients ne connaissent pas toujours leur droit », selon le président de la Crse, par un contact avec l’agence. Pas de réponse de la part de Senelec et à l’échéance le non payement est constaté. Troisième période : c’est la phase douloureuse : coupure, payement avec des frais en « prime » en guise de rétorsion et attente de plus de 2 jours avant la remise. C’est le moment de signaler le cas des coupures de vendredi qui est l’exemple concret où Senelec procède à la torture de ses clients. L’expérience concrète de la pratique du terrain a amené les associations de consommateurs à constater la non remise du courant pendant le week-end. Nous avions obtenu de la direction générale de Senelec, il y a 20 ans, de ne plus opérer de coupure le vendredi. Les agences continuent à exécuter les coupures le vendredi, nous opposant n’avoir pas reçu de note à ce sujet. Il en est de même pour les abonnements dits suite prise où l’on continue à faire pression sur le nouveau locataire pour lui faire payer les factures laissées par son prédécesseur. Il est tout de même ahurissant d’exiger d’un nouvel occupant, que Senelec vient de voir pour la première fois, de payer les factures d’un de ses clients, qu’elle connait bien pour lui avoir réclamé un dossier complet dont une pièce d’identité et avec qui elle avait signé un contrat.
Les associations de consommateurs ne devraient-elles pas aussi œuvrer aux côtés de Senelec pour apurer ces arriérés ?
Dans les contacts des associations de consommateurs avec Senelec, généralement à l’occasion des rencontres périodiques qu’organise le ministre de l’Energie, il a toujours été question de vol de courant. Ces derniers temps, on entend Senelec parler d’arriérés dus par les consommateurs. A notre connaissance, il est impossible de cumuler deux factures de Senelec. A la veille de la sortie de la facture d’un bimestre, tous les clients dont la facture précédente est restée impayée sont coupés. Nous savons bien qu’il existe quelques « chanceux » qui peuvent cumuler jusqu’à cinq factures. Nous attendons l’occasion d’en parler. Senelec est notre bien commun à nous tous, « Sénégalais et étrangers qui vivent parmi nous », qui habitons notre cher Sénégal. Tous les Sénégalais sont actionnaires de Senelec. L’écrasante majorité n’a comme dividende que le service fourni, que j’espère bon, et qu’ils payent. L’infime minorité, il parait qu’ils sont 2.500 -les veinards !- est entretenue par Senelec. Il est même possible qu’ils acquièrent un super bonus en bénéficiant d’un équilibre intérieur pour avoir bonne conscience du devoir accompli.
Propos recueillis par Mamadou GUEYE Le SOLEIL