Senghor et Diouf : témoignages d’un « apport inestimable »
De Léopold Sédar Senghor à Abdou Diouf, le parcours de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) a été marqué par « un apport inestimable » de deux chefs d’Etat sénégalais qui se sont succédés à la tête du Sénégal, selon des témoignages d’analystes et de leaders.
Léopold Sédar Senghor (1960-1981) et Abdou Diouf (1981-2000) ont marqué de leurs empreintes la vie de cette organisation regroupant actuellement 77 Etats et gouvernements membres répartis sur les cinq continents.
Le premier fait partie des trois pères fondateurs de l’OIF, le second a contribué à donner une « dimension nouvelle » à cette organisation regroupant les pays ayant le français en partage, au cours de ses trois mandats (2002-2014) comme secrétaire général de l’OIF.
Les témoignages sont donc nombreux, à travers publications et colloques organisés en prélude du Sommet de Dakar, pour souligner l’apport des deux hommes à la Francophonie.
Au début était l’Agence de coopération technique (ACCT), qui vit le jour le 20 mars 1970 à Niamey, sous l’impulsion du président poète Léopold Sédar Senghor et de ses homologues du Niger (Hamani Diori) et de la Tunisie (Habib Bourguiba).
Cette initiative conjointe de Senghor et de Diori a mené à deux conférences notamment Niamey I (du 17 au 20 février 1969) et Niamey II (du 16 au 20 mars 1970). Par la suite, 21 chefs d’Etat et de gouvernement ont décidé de la création de l’ACCT, ayant pour devise « égalité, complémentarité et solidarité ».
L’Agence a plus tard évolué sous divers appellations, avec toujours comme socle la langue française, pour donner naissance à l’OIF.
De ce grand moment du passé francophone, au XVe Sommet de Dakar, rencontre qui se veut « un tournant dans la marche de la Francophonie », l’OIF a retenu dans ses annales, par divers témoignages de politiques, d’universitaires, d’imminentes personnalités, l’apport considérable des deux chefs d’Etat sénégalais.
Le président Léopold Sedar Senghor, un des pères fondateurs de la Francophonie fut « un porte-parole important de ce rassemblement de pays et de communautés dans les quels le français est l’outil principal de communication ».
Le rôle important que Senghor a joué au sein de la Francophonie a été maintes fois reconnu par les instances de l’organisation. Le principal tribunal international de la Francophonie porte par exemple son nom et celui du Cardinal Richelieu, fondateur de l’Académie française.
L’Université internationale de langue française au service du développement africain (UILFA), un organe de la Francophonie créé en 1990 pour faciliter la formation de jeunes cadres dans certains domaines (santé, gestion, administration, etc.), a été plus tard baptisé Université Senghor.
Léopold Sédar Senghor a volontairement quitté le pouvoir politique en 1981. Cinq ans après, pendant le lancement officiel de la Francophonie lors du Sommet de Paris, pour lui rendre hommage, le 3e Sommet eut lieu à Dakar, du 24 au 26 mai 1989, après celui organisé en France (1986) et au Canada (1987).
Il a fallu créer un poste propre au profil de ce sénégalais originaire de Joal, père fondateur de la Francophonie. Senghor avait ainsi, jusqu’à sa mort en décembre 2001, la prestigieuse distinction d’être Président d’honneur du Haut Conseil de la Francophonie.
Un poste qui lui a permis « d’apporter encore plus à la politique et au développement de la Francophonie », selon un recueil de l’histoire de la Francophonie.
Léopold Senghor « a théorisé la Francophonie en lui faisant enjamber la seule langue française et en l’invitant au métissage culturel, là où résident sa fortune et son avenir. C’est alors qu’il a placé les pays du Sud au-devant du combat, pour signifier combien la Francophonie devra son salut à l’Afrique francophone », soutient le poète sénégalais Amadou Lamine Sall, un de ses disciples.
Son successeur Abdou Diouf, dont le mandat à la tête de la Francophonie prend fin à l’issue du Sommet de Dakar, est de son côté unanimement reconnu aujourd’hui pour le rôle déterminant qu’il a joué dans l’évolution de la Francophonie. Il a contribué, selon bon nombre d’analystes, à « porter la Francophonie à un niveau de visibilité, de crédibilité et de notoriété remarquables ».
Plusieurs témoignages, dont celui de l‘ancien président français Jacques Chirac, reviennent sur « l’apport inestimable » de l’ancien président Abdou Diouf à la tête de l’OIF.
« Lorsqu’en 2002, l’idée de sa candidature au secrétariat général de l’OIF a été avancée, elle s’est aussitôt imposée à tous les chefs d’Etat et de gouvernement du monde francophone en raison de l’autorité qu’il avait depuis longtemps acquise sur la scène internationale et de la profonde légitimité que son action en faveur des droits de l’Homme, de la paix et de la démocratie lui valait déjà », témoigne de lui Jacques Chirac.
Ce commentaire de l’ancien président français est contenu dans un livre édité par l’Université Laval de Québec et intitulé « L’année francophone internationale (2014-2015) ».
Trois fois président de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), l’ancêtre de l’Union africaine, le président Abdou Diouf apparaissait donc incontestablement en 2002, pour Jacques Chirac, comme l’homme d’Etat le plus distingué et le plus expérimenté pour diriger et représenter la Francophonie.
« Au cours de ses trois mandats à la tête de l’OIF, confie-t-il, le président Diouf a amené avec conviction et générosité mais aussi avec discrétion et efficacité une action inlassable pour la paix et la transition démocratique à chaque fois que les conflits internationaux ont éclaté ou que des crises politiques se sont produites dans le monde francophone ».
Pour l’ancien chef d’Etat français, les douze années passées par Abdou Diouf à la tête de l’OIF « portent l’empreinte d’un attachement sans limite à la langue que nous avons en partage, aux valeurs universelles qui accompagne sa diffusion ».
Le mandat de l’actuel secrétaire général de l’OIF prend fin à l’issue XVème Sommet Dakar, prévu samedi et Dakar. Il ne compte pas solliciter un autre mandat.