« La seconde alternance est vieille de quatre ans et la gouvernance du Sénégal est déjà en panne » par Pape Moustapha Gueye

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Excellence, M. le Président de la république,
L’intelligence est en train de déserter le forum, l’ère de la médiocrité à grande vitesse commence à sonner et tout semble basculer vers le chaos.
La seconde alternance est vieille de quatre ans et la gouvernance du Sénégal est déjà en panne. A part quelques opportunistes du système, la plupart des Sénégalais regrettent les pas que marquent aujourd’hui notre pays par rapport aux résultats des politiques publiques. La mal gouvernance est la seule chose qui rythme le quotidien des Sénégalais aux libertés confisquées. Il urge de se lever pour faire face à la fatalité des théories endormantes qui creusent au jour le jour le fossé entre les braves populations et l’éradication de la pauvreté.
Le regret est patent sur les lèvres et l’amertume a atteint son summum chez la plupart des Sénégalais, y compris ceux qui, comme Feu Mamadou Diop, se sont battus jusqu’au sacrifice suprême pour l’alternance, au regard du bilan à mi-parcours de la mise en œuvre des engagements pris et qui n’ont pas été respectés à l’issue de la flamme de l’espoir allumée en mars 2012. Pire, la menace permanente sur les acquis démocratiques inquiète tout homme épris de paix et de justice. La plupart de vos amis, les vrais, ceux qui ont réellement cheminé avec vous et partagé vos idéaux de refus, de liberté, d’intégrité et d’éthique face à l’arbitraire, l’injustice, la routine, le mimétisme qui déclenchèrent le combat ayant abouti à votre accession à la magistrature suprême en 2012, sont en train de vivre actuellement les instants les plus douloureux de leur trajectoire existentielle. Chacun de ces inconditionnels d’alors est déchiré quotidiennement au plus profond de son âme du fait des énormes écarts notés entre les engagements initiaux de gouverner le Sénégal autrement et les réalités actuelles. C’est même une lapalissade que d’affirmer que le brave peuple sénégalais assiste jour après jour, à l’accentuation de la promotion de la transhumance tant décriée et combattue, à l’éradication systématique de la reddition de comptes tant exigée et soutenue, à l’aggravation du favoritisme tant dénoncé et rejeté, à l’exacerbation d’une boulimie foncière récurrente et risquée, à la banalisation des promesses non tenues, comme le non-respect de l’engagement portant sur la réduction du mandat présidentiel de 7 à 5 ans, ou celui des multiples accords signés avec le corps enseignant depuis février 2014, à l’absence de consensus sur la date, l’esprit et la lettre ainsi que les modalités d’organisation du référendum, à la réhabilitation de politiciens potentiellement en conflit avec la loi et au risque d’aggravation du climat au sein des secteurs sociaux,…..et que sais-je encore ?

Excellence, vous avez laissé en rade beaucoup de vos compagnons les plus fidèles à cause d’un entourage inutile, parce que souvent encombrant, non performant et nocif, qui s’interpose entre vous et les citoyens pour vous dissimuler les réalités du pays et les complaintes du peuple, qui, surtout, n’a jamais mouillé le maillot aux moments les plus difficiles notamment lors du conflit épique qui vous opposa au Président Abdoulaye Wade. C’est là une erreur historique qui vous coûte et coûtera très cher à votre coalition pour tout le reste de votre gouverne au palais de la République. Et personne ne nous reprochera de n’avoir pas attiré votre attention sur un tel risque quand vous nous reçûtes comme Président de l’Assemblée Nationale, en pleine crise, en octobre 2007. Tout comme nous n’avons jamais cessé de tirer sur la sonnette d’alarme jusqu’à ce jour pour contribuer à éviter des dérives au Sénégal, au nom des intérêts supérieurs de la nation et d’une obligation citoyenne de vérité et de rectification.

Le peuple sénégalais est sans voix pour apprécier plusieurs de ses dirigeants qui hier, se sont montrés stoïques le 23 juin 2011, mais qui hélas, sont prêts aujourd’hui à coaliser avec le diable pour participer coûte que coûte au banquet de la répartition des prébendes, en confisquant les libertés de tous ceux qui refusent d’abdiquer. C’est finalement un drame qui s’abat sur le Sénégal et rend nostalgique certains férus de la révolution M 23. Il faut recadrer rapidement le dialogue national déjà lancé, à l’occasion duquel certains ont réclamé des postes, d’autres une plus grande considération et d’autres encore la libération de prisonniers. Il faut corriger les erreurs de départ lors des travaux de commissions, pendant qu’il est encore temps. On devrait y débattre essentiellement et en raison de leur caractère sur prioritaire, de cohérences politiques dans les domaines de la croissance économique, du développement durable, de l’emploi des jeunes, de l’autonomisation des femmes, de l’éducation et de la formation, de la santé, de l’agriculture, de l’habitat social, de la victoire de la paix et de sa pérennisation en Casamance, de la séparation des pouvoirs, de la diplomatie sénégalaise dans la sous-région, en Afrique et dans le monde, plutôt que de nous orienter vers la routine, avec la démocratie interne, l’audit du fichier électoral, le statut de l’opposition et de son chef, l’élargissement des pouvoirs de l’Assemblée Nationale ou autres candidatures indépendantes, la modernisation et la rationalisation de partis politiques, etc. Parce que le Sénégal n’est pas qu’un pays de partis politiques. Parce le peuple sénégalais a droit au respect de tous et la morale et l’éthique politique nous commandent d’être respectueux d’une gestion saine et rigoureuse, impartiale et transparente des affaires de la Nation, surtout, d’une conformité aux engagements pour le bien-être de chacun et de tous.

Excellence, M. le Président de la République, Messieurs Bassirou Sarr et Amadou T Guiro d’And Jef ne me démentiront point, eux que vous avez invités à Fatick vers la fin des années 1990 au centre culturel régional pour venir conscientiser les masses, sur la nécessité de changer la gouvernance du Sénégal. A cette conférence, le total des participants y compris les conférenciers tournait autour de 15, et nous en faisions partie, Excellence, nonobstant la présence de votre puissant oncle et homonyme Feu El Hadj Macky Gassama, paix à son âme, à la tête du Conseil Municipal d’alors et malgré une médiatisation à la mesure du sens de l’organisation qui caractérise les partis de gauche.

Lorsque dans la nuit du dimanche 9 août 2009, sous votre présidence effective, Excellence, M. le Président de la République, devant tous les jeunes de la localité résistant à une fine pluie, nous procédions, à Ndouck, Fatick, dans la cour de ma maison, de 22 h à minuit, à la mise en place de l’une des premières cellules APR, celle qui a permis à l’actuelle honorable député Aïssatou Diouf de se constituer une base pour siéger à l’hémicycle, en présence du Ministre Mbaye Ndiaye et de votre chargé de mission M. Pape Samba Diop, pour ne citer que quelques-uns des plénipotentiaires alors présents, nous primes unanimement l’engagement de ne servir que les intérêts supérieurs et exclusifs de la nation sénégalaise, une fois au pouvoir. Et ce ne fut ni la première occasion, ni la seule qui nous rassemblait à Ndouck, ce quartier mythique de Fatick, qui vous a toujours porté bonheur, pour réfléchir sur le Sénégal et sur les préoccupations des Sénégalais.

Sept ans plus tard, la Constitution qui est la loi fondamentale est révisée de façon non consensuelle. Pour la première fois, une loi référendaire est votée à moins de 50% du collège électoral, avec un peu plus de 60% d’adhésion au OUI. Dans ce nouveau texte, on ne retrouve que des institutions budgétivores comme le Haut Conseil des Collectivités Territoriales dont on peine à savoir l’utilité (pour un pays aux ressources rares et qui ne doivent pas être mal orientées), si ce n’est destiné à caser une clientèle politicienne. La CREI est sans travail depuis sa réactivation en 2013, puisqu’elle n’a connu de procès que celui de Karim Wade et de ses présumés complices. D’autres institutions budgétivores comme le CESE pavoisent le processus démocratique jadis fierté des Sénégalais. Le droit de vote a été interdit lors des dernières joutes référendaires du fait d’une panne de machine à des milliers de jeunes sans emploi, pourtant citoyens qui n’ont commis aucune infraction et ne doivent rien d’autre à l’Etat que de bien se former pour le servir.

Et, pour couronner l’édifice, la pauvreté gagne du terrain, l’école fondamentale et l’université sont plombées, les élèves et les étudiants sont soumis à des formations sans adéquation avec la réalité du terrain et les besoins d’emploi, les scandales ont droit de cité partout, particulièrement avec le dernier rapport publié par l’OFNAC et qui indexe une mauvaise gestion de biens publics dans certaines structures étatiques.

M. le Président de la République, il n’y a pas si longtemps, un pan important de votre état-major actuel était encore dans l’anonymat le plus total, un autre n’était même pas prêt de s’engager à vos côtés et de tenter l’aventure avec vous, car elle fut périlleuse au départ et à ses yeux, vous n’étiez pas le candidat idéal pour le Sénégal. En 2007, lorsque vous étiez en conflit avec l’ex Président de la République, des politiciens qui sont actuellement à vos côtés se sont organisés pour voter des motions et réclamer votre démission de la tête de l’Assemblée Nationale. Un autre encore vous attaquait à tout bout de champ, tant à l’intérieur qu’hors du pays, au point de soulever l’ire de tous les compatriotes qui crurent aux idéaux porteurs d’espoir qu’incarnait un Sénégalais né après les indépendances. Mais il y’avait, il y a et il y aura toujours des citoyens prêts à sacrifier leur vie pour vous rappeler vos engagements vis–à-vis du peuple sénégalais qui vous a élu souverainement, proprement et qui est le seul à qui vous êtes appelé à rendre des comptes non en 2017 comme il l’avait souhaité, mais plutôt en 2019 comme vous l’avez décidé. Nous avons choisi de faire partie de ce lot de citoyens. Advienne que pourra !

Excellence, il urge de rebâtir la province Sénégal unie dans une Afrique de paix et de prospérité.

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