Mamadou N’doye, Sg de la Ld, sur la crise de l’école : «Il n’y a plus de place pour le dialogue, mais pour le conflit»
Lors d’une conférence organisée sur «La progression du système éducatif sénégalais» par la Confédération pour le socialisme et la démocratie(Cds), Mamadou N’doye, secrétaire général de la Ld, a ausculté l’école sénégalaise qui est au bord de l’abîme.
La crise qui secoue l’école trouble même les spécialistes de l’éducation. Ancien ministre et secrétaire général de la Ligue démocratique (Ld), Mamadou Ndoye avance une thèse : «On est entré dans une phase de cycle vicieux. Et dans ce cycle ce qui se passe comme dans d’autres conflits, on a 2 côtés, un processus de radicalisation du mouvement syndical et de l’autre, un processus de fermeté du gouvernement. Et donc il n y a plus de place pour le dialogue mais plutôt de la place pour le conflit.» C’est le résumé de la situation actuelle qu’il a fait lors d’une conférence publique «Pour la progression du système éducatif sénégalais» tenue ce samedi.
Après les réquisitions, le gouvernement a sorti la menace de la radiation des enseignants récalcitrants. Dans quelle condition s’achèvera l’année scolaire ? Mamadou Ndoye préfère poser une autre question : Quel est l’impact de la grève sur le système éducatif ? Selon lui, dans le système des plus avancés, la moyenne des apprentissages par année en termes de temps est de 1000H.
«Au Sénégal compte tenu des perturbations, nous n’avons même pas 500h et vous voulez que nos enfants réussissent en 500h ce que les autres enfants du monde réussissent en 1000h sans compter la question de la continuité de l‘apprentissage », déplore M. Ndoye. Qui ajoute : «Lorsqu’à chaque fois il faut interrompre pendant une semaine et reprendre par la suite, ce que l’enfant perd on ne peut pas le savoir. La discontinuité de l’apprentissage est un péril pour la réussite.»
«L’école ne remplit pas sa mission»
Par ailleurs, le climat dans lequel se font les apprentissages est l’élément le plus important. «Ce n’est pas le climat où un professeur entre avec 15 minutes de retard et sort avec 15 minutes d’avance, qu’on apprendra quelque chose. Il n y a aucune stabilité au niveau de l’école, il n’y a aucune discipline, aucune rigueur», insiste M. Ndoye. Bien sûr, le Sénégal semble être loin des normes internationales malgré l’argent investi dans le secteur. Mamadou Ndoye met le doigt sur la plaie : «Si on prend la population sénégalaise, seule la moitié est scolarisée. Comment un système éducatif digne de ce nom peut accomplir sa mission d’éducation pour tous ? Chez la population scolarisable de 6-11ans à l’heure actuelle, 21% sont hors de l’école. Dans le moyen-secondaire, c’est 60% qui ne le sont pas. Donc, le système ne remplit pas sa mission».
Par conséquent, le Sénégal ne peut pas relever le défi du développement. «Le Sénégal ne peut pas avoir un développement accéléré avec une moitié de la population analphabète parce qu’il n’existe aucun pays au monde qui a réussi une telle performance. Pourquoi voulez qu’on réussisse au Sénégal ce qu’aucun pays n’a réussi ? Historiquement, cela n’a pas été réalisé nulle part dans le monde, tous les pays qui ont la moitié de leur population analphabète sont des pays pauvres», conclut-il. Il y a l’exception sénégalaise qui permet aux fonctionnaires de s’exercer aux activités privées. Mamadou Ndoye dénonce ce double emploi des enseignants : «On leur paie leur salaire et ils veulent faire moins de travail au public. Ils veulent construire leur propre agenda professionnel en faveur du privé.»
Au final, l’école ne joue plus sa mission de mobilité et d’égalité sociales. Le poids de l’argent dans la distribution de la qualité de l’éducation est devenu énorme. «Et la détérioration de la situation du public donne de l’air au privé. En lui donnant de l’air, il amène les gens qui ont les moyens à se fabriquer un espace d’éducation spécifique et les autres dans un système qui ne fonctionne pas. Pour pouvoir jouer cela, elle devait privilégier les plus démunis, les plus pauvres dans sa distribution de l’éducation et même dans sa distribution dans la qualité de l’éducation», analyse l’ancien ministre. Ce n’est plus le cas.
Le Quotidien