Entretien exclusif : Idrissa Seck de long en large
A paris où il est actuellement, Idrissa Seck a accepté de répondre par téléphone aux questions de notre confrère de Seneweb. Visiblement très irrité par certaines questions, l’ancien Premier ministre et patron de Rewmi livre sa part de vérité sur le fameux protocole de Rebeuss. Dans cet entretien exclusif, il répond aux nouvelles accusations de blanchiment d’argent, parle du dialogue national, de l’éventualité de la libération de Karim Wade et évoque l’avenir de son parti Rewmi, qui vient de décliner une nouvelle ligne : 1-2-5-5. Bref, Idrissa Seck fait un tour de l’actualité du pays.
Dans une de vos dernières sorties, vous disiez que Wade et Macky Sall sont habitués aux deals. Mais un journal de la place a remis au gout du jour le protocole de Rebeuss pour dire que vous aussi, avez fait un deal avec Wade. Que répondez-vous à cela ?
C’est de la manipulation. La vérité sur ce protocole de Rebeuss, c’est qu’il n’a jamais existé. Ce sont purement et simplement des mensonges de personnes qui cherchent à me mettre en mal avec le peuple. Et je ne peux pas continuer à polémiquer et épiloguer sur cette question à laquelle j’ai plusieurs fois répondu.
Le journal en question a produit un fac-similé de ce fameux protocole…
(Il coupe et hausse le ton) Il s’agit de quel document ? L’avez-vous vu ? L’avez-vous lu. Vous êtes des journalistes, ne vous laissez pas manipuler. Dites moi ce qui est écrit dans ce document et là je vous répondrez.
Le document explique que vous aviez eu un deal avec Wade pour votre libération et votre nom est clairement apposé dessus…
Mon nom figure dans beaucoup de documents publiés par la presse. Cela entre dans le cadre d’une manipulation de l’opinion. Ce que je peux vous dire c’est qu’il n’y a jamais eu de protocole de Rebeuss. Qu’on me démontre le contraire. Si vous avez le document entre vos mains, lisez le moi. C’est simple.
Un dialogue national s’est ouvert le 28 mai dernier. Pourquoi avez-vous refusé d’y participer ?
Je ne peux pas participer à un dialogue où on n’évoque pas des questions d’intérêt national, mais de deal, de rapprochement et de libération de prisonniers politiques. Le jour où on parlera de l’éducation qui se meurt, de notre diplomatie qui est en train de s’effriter, de la santé qui est bancale…, je répondrai à cet appel.
Est-ce que vous en voulez au Pds d’avoir participé à ce dialogue ?
Pas du tout. Je ne peux pas leur en vouloir parce que le Pds a rejoint Macky Sall depuis longtemps. Il revient maintenant aux militants d’en tirer toutes les conséquences.
Macky Sall n’exclut pas une libération de Karim Wade. Êtes-vous pour ou contre ?
Humainement, on ne peut pas refuser la sortie de prison de quelqu’un. Surtout quelqu’un dont le père vient de fêter ses 90 ans, quelqu’un qui est séparé de ses enfants, dont la mère est décédée. De ce point de vue, on ne peut que s’en réjouir. Ce que je condamne par contre, c’est l’instrumentalisation de notre système judiciaire. On ne peut pas nous faire croire que quelqu’un a volé des milliards et se lever un bon jour pour dealer sur le dos de la population, fabriquer de faux prétextes et ensuite le libérer. C’est ce que je condamne.
Le ministre Mame Mbaye Niang vous accuse de détenir un compte à la Belgolaise, réputé un repaire du blanchiment. Que répondez-vous à ces accusations ?
Vous me voyez répondre à celui-là. Quand même ! Que cela soit le président de la République qui le dise, et il m’entendra. Vous savez ce que (Abdoulaye) Wade m’avait dit un jour en wolof : «Sou goné khamadé ba togne leu, boulko tontou, daguay doumeu bayam mou khamni do moromam», c’est-à-dire «Quand un gamin est impoli, ne lui répondez pas. Il faut corriger son père, il comprendra que vous n’êtes pas son égal». C’est ce que Wade m’avait confié. Mais d’un enseignement plus élevé que celui-là, je ne peux qu’accepter et tolérer l’indécence de gens qui manquent d’éducation. Je pardonne, j’évacue parce que ce n’est pas digne d’intérêt. Je ne peux pas être à ce niveau et m’occuper des vrais sujets qui préoccupent le Sénégal. Donc, la petite querelle cela ne m’intéresse pas.
Il y a eu beaucoup de défections au sein de votre parti : Pape Diouf, Oumar Guèye, Me Nafissatou Cissé, Youssou Diagne, Oumar Sarr, Waly Fall…. Est-ce que vous n’avez pas l’impression que Rewmi est en train de s’effriter ?
Ce que je ressens, c’est une adhésion forte des populations sénégalaises que je défends. On les a trop longtemps voilés par rapport à la réalité de mon combat. On a essayé de leur mentir, de les induire en erreur en créant des journaux, «le Messager», «Xibaar», «Il est Midi» etc, dont la seule ligne éditoriale était de déverser des mensonges jamais prouvés sur mon compte. Les Sénégalais commencent à se réveiller par rapport à cela. Et sous l’encadrement d’une équipe jeune et compétente, notre parti révélera ses objectifs futurs et ses performances.
Thiès est tombé dans le camp du «Oui» lors du dernier référendum. Avez-vous l’impression aujourd’hui de perdre votre base ?
Ce sont des affirmations gratuites et inexactes. Cela fait partie des manipulations du régime. Tout le monde est témoin de l’attachement des Thiessois à mon endroit. Il est vrai que le régime fait tout pour acheter des maires, des présidents de conseil, des conseillers, etc. Ils peuvent acheter toute l’élite, mais ils ne peuvent pas acheter le peuple. Et c’est ce peuple-là qui les corrigera le moment venu.
Vous avez entamé depuis quelque temps une tournée à l’intérieur du pays, la même stratégie adoptée par Macky Sall en 2012. Qu’est-ce qui vous a fait changer d’approche politique ?
Cela n’a rien à voir. Je n’ai pas changé d’approche. Ma vie politique, c’est trois étapes. La première, c’était le Sopi. J’étais dans le Pds avec Wade et j’ai montré qu’il était possible d’amener un parti de l’opposition au pouvoir. J’ai été le premier Directeur de campagne de l’histoire politique du Sénégal. J’ai été le directeur de campagne de Wade quand on faisait tomber le PS après 40 ans de règne. J’ai conçu cette campagne et je l’ai menée de bout en bout.
Je l’ai principalement financé sur fonds propres. Donc, j’ai donné la preuve que je peux construire un parti d’opposition et le conduire au pouvoir. Ensuite, un complot d’état est intervenu dont le président sortant (Abdoulaye Wade : Ndlr) et le président actuel (Macky Sall : NDLR) sont les principaux acteurs. Un complot qui visait ma destruction. Dieu n’a pas voulu. Certains m’ont soutenu avec courage, se sont battus et nous avons obtenu gain de cause.
Cela nous a retardés pendant 10 ans en m’écartant quasiment du champ politique, mais nous avons enduré d’une belle endurance toutes ces agressions physiques, médiatiques, et nous y avons survécu. Maintenant, cet exil est derrière nous et j’ai annoncé que nous avons entamé l’an zéro de ma vraie vie politique. J’ai devant moi un message qui est clair : 1-2-5-5. Un (1) an nous sépare des Législatives de 2017. Après cette échéance, deux ans (2) de la présidentielle de 2019 suivie de deux mandats de cinq ans (5-5). Et tous les matins, chaque instant, chaque seconde, c’est à cela que nous travaillons. Cela ne nous laisse pas le temps à la petite querelle.